« Ce jour commença à la manière d'innombrables autres jours, pourtant, après lui, rien ne devait plus être comme avant dans la vie de Raimund Gregorius ». Ainsi débute « train de nuit pour Lisbonne » écrit par Pascal Mercier, professeur de philosophie à Berlin. Un long roman initiatique sur la recherche de soi.
Gregorius est un vieil érudit ennuyeux et constamment plongé dans des livres anciens écrits en grecque, latin ou hébreu. Il croise un matin une femme penchée sur le parapet d’un pont à Bern sous la pluie battante. La femme le suit jusqu’à l’école où il donne des cours puis disparait. Il quitte son cours de latin, tente de la rattraper mais elle s’est envolée. Cette rencontre va bouleverser sa vie.
Il ne connait rien d’elle si ce n’est un numéro de téléphone et sa nationalité portugaise.
Il pousse la porte d’une librairie et tombe par hasard sur le livre autoédité d’un auteur portugais inconnu, Amadeu de Prado. Chaque ligne de son livre qu’il arrive à déchiffrer semble écrite pour lui. Il prend alors la décision folle de tout larguer et prendre un train (de nuit) pour Lisbonne.
Il part à la recherche de cet auteur inconnu et mystérieux décédé 30 ans plus tôt d’une rupture d’anévrisme. Il erre dans la capitale portugaise à la recherche de contemporains d’ Amadeu de Prado. Il recherche les témoignages de ceux qui ont pu le connaître, les membres encore vivants de sa famille, ses amis, ses ennemis, son professeur. Chacun décrit le jeune étudiant doué, brillant médecin lisboète et au fil des pages, des recoupements, on en découvre en même temps que l’existence, les zones d’ombre, les doutes, les paradoxes.
Gregorius découvre en parallèle à ces rencontres, les écrits d’Amadeu de Prado sur la mort, l’amitié, la loyauté, le langage et les thèmes essentiels qui donnent un sens à nos existences. Cette quête irraisonnée d’un autre libère Gregorius de son passé et de ses certitudes.
Pascal Mercier – en préambule à son ouvrage – cite cet extrait du Livre de l'intranquillité de Fernando Pessoa :
« Chacun de nous est plusieurs à soi tout seul, est nombreux, est une prolifération de soi-même. C'est pourquoi l'être qui dédaigne l'air ambiant n'est pas le même que celui qui le savoure ou qui en souffre. Il y a des gens d'espèces bien différentes dans la vaste colonie de notre être, qui pensent et sentent différemment. »
Malgré son titre, « Train de nuit pour Lisbonne » n’est pas un roman de gare. C’est un magnifique récit intimiste, grave et profond sur la quête d’identité, une descente introspective dont on ne sort pas indemne. La lecture est parfois ardue. Il faut prendre son temps mais les thèmes sont abordés dans un style fluide et clair. On dérive, baigné par une atmosphère de mystère et de rêve. Lâchez tout et sans attendre, laissez-vous embarquer dans ce train pour errer à votre tour dans les ruelles pentues de Lisbonne.
Interview de Pascal Mercier
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