Roman - 280 pages
Editions du sous-sol - janvier 2024
Prix du livre Inter - 2024
Fauvel est une femme trentenaire qui a pour mission de garder la chienne chez Luc pendant l'absence de ce dernier. Luc est le père de son amie Mado, et et la maison se trouve dans le patelin reculé de Cournac. Ca aurait dû être reposant mais la peur règne, d'abord en faisant connaissance de la chienne, Hannah, animal cloné suite à la mort de la précédente chienne Hannah, un animal fort de violences inattendues et d'un regard méprisant. Ensuite, il y a ces chasseurs qui rôdent à la nuit autour de la maison, qui seraient témoins de visites extraterrestres addictives. Et pour finir, ces animaux tués et mutilés qui inquiètent les habitants. Leur colère se tourne vers Hannah. Fauvel côtoie Michel qui réalise une étude-enquête autour des phénomènes paranormaux du coin...
L'écriture de ce roman est impressionnante de maîtrise, belle, travaillée, moderne à la fois. Le lecteur flotte immédiatement dans une ambiance floue, en ressort moite, groggy, d'avoir suivi les méandres des pensées angoissées du personnage principal Fauvel, femme hantée par ses angoisses depuis l'enfance, depuis aussi qu'elle a été éborgnée par un flash de LBD au cours d'une manifestation. On distingue difficilement le vrai du faux, à la lisière entre vision hésitante et rêverie sous cannabis. La peur est un personnage, comme l'étrange, l'extraterrestre, le mystérieux en est un autre. Cet univers onirique contraste avec à première vue, ce que le personnage de Fauvel représente, militante contemporaine progressiste, manifestante engagée antispéciste et queer-friendly. Mais face à une Nature imposante et à des individus du genre humain (boomers, chasseurs, hommes cis violents) auxquels elle ne peut s'identifier, elle tangue, chavire, et ses divagations titubent.
Extrait :
"Ô vous les très-hauts pour qui il est inconcevable de mesurer ce qu’est une vie de crainte, une vie où la peur, tandis qu’elle nous dévore les entrailles, ne doit jamais être dite ni montrée, mais bat dans les veines en tachycardie, glas sans fin, tous les jours que dure une vie, considérez un instant ces existences-là, toutes ces autres existences marquées par l’inquiétude."
Il est intéressant de lire Phoebe Hadjimarkos Clarke qui entremêle les songes et pensées de la chienne Hannah et de Fauvel, qui personnifie des éléments mystérieux, qui se joue de la frontière entre réel et surnaturel, si le surnaturel n'est autre que la réalité de nos peurs et nos désirs. Car il est également question de désir, d'avidité sexuelle, de quête de l'extase, qui se trouve dans le réel ou dans les bras extraterrestres.
J'ai lu ce livre d'une traite. J'aurais peut-être un petit regret pour la fin du roman que j'aurais aimée plus franche.