Critique Ciné : Ma Part de Gaulois (2024)

Ma Part de Gaulois // De Malik Chibane. Avec Adila Bendimerad, Abdallah Charki et Lyes Salem.

Le film Ma Part de Gaulois est une adaptation de l'autobiographie de Magyd Cherfi, aka Zebda, écrite en 2016. Réalisé par Malik Chibane, ce film plonge le spectateur dans l'adolescence de Mourad, un jeune garçon d'origine algérienne né à Toulouse en 1962. Mourad, malgré ses mauvais résultats scolaires, parvient à surmonter les obstacles grâce à la persévérance de sa mère, Nacera, et finit par décrocher son baccalauréat. Cependant, sa véritable passion reste la musique. L'intrigue se déroule dans une cité HLM de Toulouse, au tournant des années 80, une époque marquée par des défis sociaux et culturels pour les familles immigrées. Le film nous offre une fenêtre sur la vie quotidienne des "beurs", ces jeunes Français issus de l'immigration maghrébine, et leurs efforts pour s'intégrer dans une société française parfois réticente à les accepter pleinement.

Destiné à un CAP Mécanique, Mourad se retrouve finalement en cursus général grâce aux stratagèmes de sa mère. Objectif : le bac ! Une formalité pour les "français" du centre-ville mais un événement sismique pour Mourad et son entourage : le premier de la cité à aller jusqu'au bac ! Dans son lycée général, séparé de ses copains du quartier, il rencontre de nouveaux amis qui lui font découvrir la musique. Avec en fond sonore les rumeurs accompagnant l'arrivée au pouvoir de Mitterrand au printemps 1981, la Mère avait tout imaginé, sauf que son Mourad soit totalement indifférent au sacro-saint baccalauréat, en assumant sa Part de Gaulois.

Mourad, le protagoniste, doit naviguer entre ses racines algériennes, qu'il connaît peu, et sa vie en France, où il se sent souvent étranger. Ce qui distingue Ma Part de Gaulois de nombreux autres films du même genre, c'est son choix stylistique audacieux. Les décors volontairement artificiels et la théâtralité assumée confèrent au film un ton unique. Cette approche, bien que surprenante, donne une dimension presque poétique à l'histoire de Mourad, la transformant en une sorte de pièce de théâtre cinématographique. Cette singularité visuelle apporte une fraîcheur bienvenue mais peut également désorienter certains spectateurs, habitués à des représentations plus réalistes. Malgré cette originalité visuelle, le film peine à captiver pleinement. Les personnages, bien que sympathiques, semblent parfois caricaturaux. Mourad, en particulier, n'éveille pas autant d'empathie qu'on pourrait le souhaiter. En revanche, le personnage de Nacera, sa mère, est plus touchant.

Son amour indéfectible pour son fils et sa détermination à lui offrir un avenir meilleur sont palpables et émouvants, même si elle frôle parfois l'excès. Le scénario, quant à lui, souffre d'une approche superficielle. Les enjeux sont faibles et les événements historiques en toile de fond sont rapidement évacués par des touches comiques, ce qui nuit à la profondeur et à l'authenticité du récit. Les acteurs, bien que talentueux, semblent parfois manquer de dynamisme et d'implication, ce qui ajoute à la sensation d'un film inabouti. Ma Part de Gaulois est avant tout un récit d'intégration et de persévérance. Mourad, grâce aux stratagèmes de sa mère, parvient à échapper à un avenir tracé d'avance pour suivre une voie plus prometteuse. C'est une histoire de sacrifices et de détermination, où chaque petite victoire est le fruit d'un combat acharné. Ce message de persévérance est universel et résonne particulièrement pour ceux qui ont dû lutter pour se faire une place dans une société parfois inhospitalière.

Au-delà du simple récit de vie, le film invite à une réflexion sur l'identité et l'appartenance. Mourad est constamment tiraillé entre deux mondes : l'Algérie, qu'il ne connaît qu'à travers les histoires de ses parents, et la France, où il peine à trouver sa place. Cette dualité est le cœur de son parcours, un voyage intérieur aussi bien qu'extérieur, qui le pousse à se redéfinir continuellement. En somme, Ma Part de Gaulois est un film qui, malgré ses défauts, mérite d'être vu pour son regard sincère et tendre sur une période charnière de la vie d'un jeune immigrant. Bien que le scénario et le casting puissent décevoir par moments, l'originalité visuelle et la profondeur émotionnelle du personnage de Nacera apportent une touche de fraîcheur et d'humanité. C'est un film qui rappelle l'importance de la persévérance et de l'amour familial dans la quête d'un avenir meilleur.

Note : 5/10. En bref, un voyage étrange qui pêche par cette sensation de film inabouti.

Sorti le 31 janvier 2024 - Disponible en VOD