Première du monde
à Pablo Picasso
Captive de la plaine, agonisante folle,
La lumière sur toi se cache, vois le ciel :
Il a fermé les yeux pour s’en prendre à ton rêve,
Il a fermé ta robe pour briser tes chaînes.
Devant les roues toutes nouées
Un éventail rit aux éclats.
Dans les traîtres filets de l’herbe
Les routes perdent leur reflet.Ne peux-tu donc prendre les vagues
Dont les barques sont les amandes
Dans ta paume chaude et câline
Ou dans les boucles de ta tête ?Ne peux-tu prendre les étoiles ?
Écartelée, tu leur ressembles,
Dans leur nid de feu tu demeures
Et ton éclat s’en multiplie.
De l’aube bâillonnée un seul cri veut jaillir,
Un soleil tournoyant ruisselle sous l’écorce.
Il ira se fixer sur tes paupières closes.
Ô douce, quand tu dors, la nuit se mêle au jour.
Paul Éluard, Capitale de la douleur, Gallimard, 1926, p. 101 ; dans Œuvres complètes, I, Bibliothèque de la Pléiade, 1968, p. 178-179.
Un loup
La bonne neige le ciel noir
Les branches mortes la détresse
De la forêt pleine de pièges
Honte à la bête pourchassée
La fuite en flèche dans le cœur
Les traces d’une proie atroce
Hardi au loup et c’est toujours
Le plus beau loup et c’est toujours
Le dernier vivant que menace
La masse absolue de la mort.
Un loup
Le jour m’étonne et la nuit me fait peur
L’été me hante et l’hiver me poursuit
Un animal sur la neige a posé
Ses pattes sur le sable ou dans la boue
Ses pattes venues de plus loin que mes pas
Sur une piste où la mort
A les empreintes de la vie.
Paul Éluard, Dignes de vivre, Éditions littéraires de Monaco, nouvelle édition revue et augmentée, 1944, p. 38 et 39 [Il s’agit d’une nouvelle édition de Poésie et vérité 1942] ; dans Œuvres complètes, I, Bibliothèque de la Pléiade, 1968, p. 1109 et 1110.
Contribution de Tristan Hordé
Bio-bibliographie de Paul Eluard
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