Madame de Sévigné // De Isabelle Brocard. Avec Karin Viard, Ana Girardot et Cédric Kahn.
Madame de Sévigné, réalisé par Isabelle Brocard, nous plonge dans l'univers du 17ème siècle pour explorer les rapports complexes entre une mère et sa fille. Le film, bien que se déroulant à une époque révolue, aborde des thèmes qui résonnent fortement avec les préoccupations contemporaines, notamment la possession maternelle, l'émancipation féminine, et les dynamiques sociales et politiques. Madame de Sévigné, connue pour sa correspondance détaillée et perspicace sur la vie à la cour de Louis XIV, est ici représentée sous un jour différent. Le film met en lumière non seulement son intelligence et sa sensibilité, mais aussi sa nature possessive. Karin Viard incarne une Madame de Sévigné d'une rare détermination, une mère dont l'amour pour sa fille, Françoise-Marguerite, interprétée par Ana Girardot, frôle l'obsession.
Milieu du XVIIème siècle, la marquise de Sévigné veut faire de sa fille une femme brillante et indépendante, à son image. Mais plus elle tente d'avoir une emprise sur le destin de la jeune femme, plus celle-ci se rebelle. Mère et fille expérimentent alors les tourments d'une relation fusionnelle et dévastatrice. De ce ravage, va naître une œuvre majeure de la littérature française.
Cette relation est au cœur du film et pose la question de l'influence maternelle : Françoise est-elle victime de l'amour étouffant de sa mère, ou présente-t-elle elle-même une fragilité psychologique ? L'une des forces de Madame de Sévigné réside dans son esthétique. Les décors somptueux, les costumes d'époque et la langue élégante transportent le spectateur dans une belle campagne française du 17ème siècle. Les scènes d'intérieur, avec leurs feux de cheminée et leurs ambiances bourgeoises, ajoutent une dimension visuelle agréable au film. Cependant, une fois la dynamique mère-fille bien établie, le film semble stagner. Les conflits sont bien dépeints, mais l'intrigue ne progresse guère, laissant une impression de lenteur et d'ennui. Le film manque de ce petit supplément d'âme qui pourrait captiver le spectateur du début à la fin.
Le film traite également de l'émancipation féminine, un sujet cher à Isabelle Brocard. Madame de Sévigné, en dépit de ses défauts, apparaît comme une figure avant-gardiste pour son époque, souhaitant voir sa fille indépendante et maîtresse de sa destinée. Ce féminisme anachronique est un point fort du film, soulignant les luttes féminines qui transcendent les siècles. De plus, les rapports sociaux et économiques sont abordés à travers le personnage de François Adhémar de Monteil de Grignan, le gendre de Madame de Sévigné. Sa lutte pour obtenir les moyens nécessaires à la gestion de la Provence fait écho aux défis actuels des élus locaux face à la décentralisation. Ce parallèle entre passé et présent enrichit le film, lui donnant une résonance contemporaine. Les performances des acteurs sont globalement solides, avec une mention spéciale pour Noémie Lvovsky, qui brille dans un rôle secondaire marquant, comme elle sait si bien le faire.
Karin Viard offre une interprétation nuancée de Madame de Sévigné, bien que parfois un peu trop monomaniaque. Ana Girardot, en revanche, parvient à rendre son personnage de Françoise plus complexe et intéressant. Madame de Sévigné est un film qui charme par son élégance visuelle et la profondeur de ses thèmes, mais qui souffre d'un manque de dynamisme narratif. Isabelle Brocard réussit à moderniser une figure historique, rendant ses préoccupations étrangement contemporaines. Cependant, le film aurait gagné à développer davantage son intrigue pour éviter l'écueil de l'ennui. En somme, Madame de Sévigné est une œuvre à la fois séduisante et frustrante, qui mérite d'être vue pour ses qualités esthétiques et la réflexion qu'elle propose sur les rapports mère-fille et l'émancipation féminine. Malgré ses lenteurs, elle offre une belle occasion de revisiter l'histoire à travers un prisme moderne et pertinent.
Note : 5/10. En bref, c'est trop dans l'esthétique. Reste tout de même quelques qualités à apprécier.
Sorti le 28 février 2024 au cinéma - Disponible en VOD