Une nouvelle page s'écrit dans l'histoire de Duralex, la célèbre verrerie française. Le 26 juillet dernier, le tribunal de commerce d'Orléans a pris une décision qui pourrait bien marquer un tournant pour l'entreprise et ses employés. Parmi les trois offres de reprise proposées, c'est le projet de transformation en Société Coopérative de Production (SCOP) qui a été retenu. Cette décision, soutenue par 60% du personnel et portée par la direction du site, ouvre la voie à un avenir prometteur pour Duralex.
Mais qu'est-ce qu'une SCOP exactement ?
Une SCOP est une forme d'entreprise coopérative où les salariés sont également les associés majoritaires. Ils détiennent au moins 51% du capital et 65% des droits de vote. Dans ce modèle, les décisions sont prises démocratiquement selon le principe "une personne = une voix", indépendamment du montant investi par chacun. Les bénéfices sont répartis équitablement : une partie est redistribuée aux salariés, une autre est réinvestie dans l'entreprise pour assurer son développement et sa pérennité.
Pour les salariés de Duralex, ce passage en SCOP représente un enjeu majeur. Il leur offre l'opportunité de prendre en main leur destin professionnel, de participer activement aux décisions stratégiques de l'entreprise et de bénéficier plus directement des fruits de leur travail. C'est aussi un moyen de préserver les emplois et le savoir-faire unique de cette entreprise emblématique du patrimoine industriel français.
Le tribunal de commerce a d'ailleurs souligné la cohérence et le sérieux du projet, ainsi que les "garanties fortes" qu'il présente. Il a estimé que la SCOP serait en mesure de maintenir les "activités des salariés dans des conditions réalisables", ce qui est de bon augure pour l'avenir de Duralex.
Cette décision s'inscrit dans une tendance plus large de reprises d'entreprises par leurs salariés, avec plusieurs succès notables à la clé. Prenons l'exemple de Scopelec, leader français des infrastructures de télécommunications, qui fonctionne en SCOP depuis 1973 et emploie aujourd'hui plus de 3 700 personnes. Ou encore la librairie coopérative Les Volcans à Clermont-Ferrand, sauvée de la faillite en 2014 grâce à sa transformation en SCOP, et qui connaît depuis un beau succès.
On ne peut évoquer les SCOP sans mentionner le cas emblématique de LIP. En 1973, face à la menace de fermeture de leur usine horlogère, les salariés de LIP à Besançon ont occupé l'usine et relancé la production de manière autogérée. Bien que cette expérience n'ait pas perduré sous forme de SCOP, elle reste un symbole fort de la capacité des travailleurs à prendre en main leur outil de travail.
Le passage de Duralex en SCOP soulève une question plus large : les SCOP sont-elles la solution pour un capitalisme plus respectueux ? Il est indéniable que ce modèle offre de nombreux avantages. Il permet une meilleure répartition des richesses, favorise la démocratie en entreprise et encourage une gestion plus responsable, tant sur le plan social qu'environnemental. Les SCOP ont tendance à privilégier l'ancrage local et le long terme plutôt que la recherche de profits à court terme.
Cependant, parler de " capitalisme respectueux" peut sembler paradoxal, voire oxymore pour certains. Le capitalisme, dans sa forme la plus pure, est souvent associé à la recherche du profit maximal, parfois au détriment des considérations sociales et environnementales. Les SCOP, en introduisant des valeurs de coopération et de partage, apportent une nuance importante à ce modèle.
Plutôt que de parler de "capitalisme respectueux", il serait peut-être plus juste de voir les SCOP comme une alternative au capitalisme traditionnel, une troisième voie entre le tout-marché et l'économie planifiée. Elles incarnent une forme d' économie sociale et solidaire qui place l'humain au centre de l'entreprise.
Le cas de Duralex illustre parfaitement cette approche. En choisissant la voie de la SCOP, l'entreprise fait le pari d'un modèle économique plus équitable et plus durable. Elle montre qu'il est possible de concilier performance économique et valeurs humaines, de préserver des emplois et un savoir-faire tout en s'adaptant aux défis du marché.
Bien sûr, le succès n'est pas garanti. La transformation en SCOP nécessitera un engagement fort de la part des salariés, une adaptation des méthodes de travail et de gestion, et probablement des sacrifices à court terme. Mais l'enthousiasme et la détermination dont ont fait preuve les employés de Duralex sont de bon augure.
Les SCOP ne sont peut-être pas LA solution miracle pour rendre le capitalisme plus respectueux, elles représentent néanmoins une voie prometteuse pour repenser notre modèle économique. Elles nous rappellent que l'économie peut être au service de l'humain, et non l'inverse. L'aventure de Duralex en SCOP sera sans doute suivie de près par de nombreux observateurs. Elle pourrait bien inspirer d'autres entreprises à emprunter cette voie, contribuant ainsi à façonner une économie plus juste et plus durable.
Angry Mum, maman active, maman geek et toujours à l'écoute d'Internet... Elle adore les vacances mais pas toujours les vacances scolaires ! Blogueuse depuis 2013. S'abonner à Angry Mum sur Google News