Privé de marges de manoeuvre budgétaire, le gouvernement veut poursuivre les réformes sans relance de l'activité malgré un net ralentissement conjoncturel.
PARIS (Reuters) - Privé de marges de manoeuvre budgétaire, le gouvernement veut poursuivre les réformes sans relance de l'activité malgré un net ralentissement conjoncturel.
Face aux critiques de l'opposition et aux doutes des économistes, cette stratégie risque d'aggraver la crise de confiance au moment où le moral des ménages est à un plus bas historique et où celui des chefs d'entreprise se dégrade rapidement.
La cote de popularité du président s'est certes stabilisée mais à un faible niveau tandis que celle du Premier ministre, longtemps épargné, s'effrite depuis le printemps avant l'accumulation des difficultés sur le font diplomatique entre crise géorgienne et drame en Afghanistan.
Se refusant à parler de récession après la contraction de 0,3% du Produit intérieur brut au deuxième trimestre et n'évoquant qu'un ralentissement, François Fillon a rejeté tout plan de relance et prôné la poursuite des réformes.
"Nous avons besoin de réformes de structures, nous n'avons pas besoin d'un plan de relance qui serait un plan de relance artificiel", a-t-il déclaré lundi dernier à l'issue d'une réunion d'urgence des ministres chargés de l'Economie et de l'Emploi à Matignon.
Loi sur l'intéressement et la participation, loi sur le revenu de solidarité active, loi sur la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, loi de programmation militaire, loi pénitentiaire, loi de programmation pour l'Outre-Mer, loi de programmation sur la sécurité intérieure, loi sur le logement.
Le programme est tel que Nicolas Sarkozy a convoqué le Parlement le 22 septembre pour une session extraordinaire afin d'accélérer la mise en oeuvre de mesures susceptibles d'améliorer pouvoir d'achat et potentiel de croissance après la loi sur la modernisation de l'économie (LME) adoptée avant la trêve estivale.
Un plan de relance bute sur la contrainte budgétaire alors que la France, déjà sous une surveillance attentive de l'exécutif européen, assure la présidence de l'UE jusqu'à la fin de cette année.
Mais l'opposition fustige l'attentisme gouvernemental sur le plan conjoncturel et les économistes se montrent pour le moins dubitatifs.
Si le budget 2009 s'avère particulièrement difficile à boucler, l'opposition n'en prône pas moins la relance et dénonce le coût budgétaire du "paquet fiscal" présenté par le gouvernement à l'été dernier pour honorer les promesses de campagne du chef de l'Etat et dont le coût en année pleine est évalué à 15 milliards d'euros.
Les économistes, qui s'attendent en moyenne à une croissance de l'économie française de 1% en 2008 et 2009 ne sont pas non plus en reste pour mettre en doute la politique du gouvernement.
"La responsabilité du gouvernement, c'est d'avoir grillé de façon inefficace ses cartouches avec le 'paquet fiscal' et d'être privé aujourd'hui de tout moyen de soutien à l'économie", note ainsi Alexandre Mirlicourtois, économiste à l'institut Xerfi.
"Réformes de structure et relance sont complémentaires et non pas antagonistes", estime pour sa part Nicolas Bouzou, économiste du bureau d'analyse Asterès.
"Une réforme de structure renforce le potentiel de croissance économique à long terme, mais, à court terme, elle fait des perdants", rappelle-t-il.
"En période de forte croissance, la prospérité générale noie les coûts subis par les perdants. Les réformes sont plus faciles à faire adopter. En période de récession, comme c'est aujourd'hui le cas, des blocages apparaissent", ajoute-t-il.
"C'est pour cela qu'une relance, qui pourrait prendre la forme d'une baisse de l'impôt sur le revenu et d'une revalorisation des minima sociaux, serait justifiée", estime-t-il.
"En ne réagissant pas au ralentissement et en se tenant à la même stratégie de réformes structurelles, la France ne prend pas la mesure de la situation", prévient Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévisions de l'OFCE.
"C'est ainsi que l'enlisement peut se produire, comme lors d'un conflit militaire, lorsqu'on peine à évaluer la réalité du terrain", avertit-il.