Mais cette superbe couverture montrant des loups qui hurlent à la lune continuait malgré tout à me faire de l’œil, sans parler du titre du roman qui m’invitait également constamment à l’ouvrir. Alors, un jour, forcément je l’ouvre et je lis cette première phrase tellement accrocheuse, que je me retrouve dans l’incapacité de refermer l’ouvrage :
« On avait huit ans le jour où papa m’a coupée en deux, de la gorge jusqu’au bas du ventre. »
Une première phrase qui claque bien et vous invite donc à poursuivre ce roman d’une autrice australienne qui décide de nous emmener dans les Highlands écossais afin d’y suivre le travail d’Inti Flynn, une biologiste qui mène un programme de réinsertion du loup dans le parc naturel des Cairngorms, au grand damne des éleveurs locaux de moutons qui avaient jadis éliminé ce terrible prédateur de leur territoire afin de protéger leurs troupeaux. Mais, la présence de loups étant nécessaire à l’équilibre de l’écosystème, aujourd’hui menacé par la multiplication des herbivores qui détruisent la végétation, Inti Flynn veille au grain, surveillant les loups d’un œil et les éleveurs ovins de l’autre, prête à intervenir lorsque le premier drame surviendra… et sur ce point il n’y a aucun doute… il surviendra !
Charlotte McConaghy livre donc un thriller écologique qui invite d’une part à mieux comprendre les loups et à vivre en harmonie avec la nature afin de préserver l’environnement au long terme, tout en se nourrissant d’autre part de la cohabitation houleuse entre les éleveurs locaux et ceux qui cherchent à réintroduire le loup dans leur région afin d’installer une tension constante tout au long de ce polar peuplé de dangereux prédateurs… et de nombreuses victimes !
Mais, l’idée la plus lumineuse de l’autrice est probablement d’avoir affecté son personnage principal d’une maladie neurologique pour le moins surprenante. Un syndrome de « synesthésie visuo-tactile » qui lui fait ressentir dans son propre corps toutes les sensations qu’elle observe chez les autres, animaux inclus. Du coup, lorsque l’on fait du mal à un être vivant, elle ressent exactement la même douleur que l’être qui souffre. Un syndrome certes plutôt singulier, mais qui permet à l’autrice de décupler notre empathie tout au long du récit, nous invitant à ressentir la moindre douleur, même celle des animaux, pourtant plus difficile à partager. Extrêmement bien vu !
L’autre point fort de ce roman est la présence d’Aggie, la sœur jumelle d’Inti Flynn, qui a accompagné cette dernière en Ecosse, mais qui demeure recluse dans leur chalet, totalement brisée par un ancien traumatisme que l’on découvre au fil d’allers-retours qui lèvent progressivement le voile sur l’enfance des sœurs jumelles. Car le plus terrible des prédateurs dans ce livre, n’est pas celui qu’Inti Flynn cherche à réintroduire dans les Highlands écossais, mais ceux que Charlotte McConaghy pointe du doigt tout au long de son roman, faisant constamment osciller son récit entre thriller écologique et polar écoféministe, la violence la plus extrême n’étant pas celle des animaux, mais celles des hommes, qui ne cherchent pas uniquement à dominer la nature, mais également les femmes…
De quoi se joindre aux loups de la couverture qui hurlent à la lune…pleurant la beauté du monde et la bêtise des hommes !
Je pleure encore la beauté du monde (Once There Were Wolves), Charlotte McConaghy, Gaïa, 368 p., 22,90 €
Ils/elles en parlent également : Yvan, Aude, Lilou, Gwen, Fabienne
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