Du même bois

de Marion Fayolle

Roman - 100 pages

Editions Gallimard - novembre 2023

Prix Marcel Pagnol - 2024

Dans ce coin d'Ardèche, la ferme de la famille ne vivra plus toutes les saisons que les générations passées ont marqué de leurs empreintes. Les vaches, les veaux, poules, mais aussi la mémé, le pépé, l'oncle, et la gamine, et le garçon qui aura passé tellement de temps avec le pépé.

On peut croire tout d'abord à des nouvelles, les chapitres sautent de génération et de personnages, de lieu peut-être, puisque ce dernier est peu situé et décrit. La langue est toujours très soignée, poétique, pudique. Mais elle s'attache à décrire l'imperceptible tendresse muette qui lie les êtres vivants et les lieux. C'est à la fois impersonnel, pas de nom, prénom, d'identité claire. C'est un roman à la fois taiseux pour se confondre avec la pudeur de cette famille rurale, et à la fois une très grande justesse, l'économie de mots n'entraînant pas l'économie d'émotions et de tableaux que l'on se représente.

Extrait :

"La bâtisse est tout en longueur, une habitation d’un côté, une de l’autre, et au milieu une étable. Le côté gauche pour les jeunes, ceux qui reprennent la ferme, le droit pour les vieux. On travaille, on s’épuise, et un jour, on glisse vers l’autre bout. C’est plus pratique, il y a une chambre au rez-de-chaussée, les escaliers sont moins raides, les pièces semblent disposées pour vieillir. Et puis, quand l’un meurt, le mari souvent, les enfants sont à l’autre bout, ça rassure, ça évite la solitude, ils regardent en passant s’il y a de la lumière, si les volets sont ouverts, si le linge est étendu, ils s’arrêtent en coup de vent pour mettre des bas à varices, recompter les cachets pour la tension et s’agacer un peu des oreilles qui ne les entendent plus. "

Une exploitation agricole qui n'est pas reprise, c'est une vie qui s'arrête, un organisme fait d'organes, d'unités mobile, de lien, de biodiversité, qui cessera. Tout en le regardant en face dès le début du roman, l'auteure s'attache à en écrire son histoire, modeste et géniale, à en faire lire le propos de son existence. C'est un premier roman personnel et universel, avec une musique singulière qui résonne au milieu des pierres et des fossés herbeux.

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