Voilà un mois que je suis rentrée d'un voyage inoubliable, de ceux qui changent votre vie pour toujours. Pourtant, jusqu'au dernier moment, rien n'aidait à me décider d'y aller, jusqu'à ce que j'écoute mon coeur et les signes, les synchronicités, posés sur mon chemin.
Il y a un peu plus d'un an, mon amie F et moi même avions évoqué en riant un petit roadtrip à prévoir sur la Côte d'Azur, en passant évidemment par Nice pour voir jouer l'un de mes groupes de coeur, The Sons of Guns, de talentueux et sympathiques Anglais basés à Nice. Je le précise pour qui ne le saurait pas encore, je les ai découverts via un de leurs membres, David Zincke, lui même connu par Medi et son label Dime on. David et moi nous connaissons depuis assez longtemps maintenant et après de nombreux rendez vous manqués ces dernières années, j'avais enfin pu le voir jouer avec le groupe dans le cadre de la tournée 2023 de Charlie Winston dont ils faisaient la première partie (et deux bonnes années après qu'ils aient dévoilé au monde cette merveilleuse version de "Rendez vous" fin 2021). Ces deux concerts avaient été magiques, je m'étais sentie si heureuse de vivre ces moments, sans compter les échanges chaleureux après les concerts. J'avais quitté la salle du deuxième show après avoir promis aux garçons de leur faire signe si je passais à Nice, et cette idée me réjouissait.
Puis, le temps passa, et un mois après ce concert là, les problèmes recommencèrent pour moi, après quelques semaines de répit. Je me suis rapidement sentie dépassée par le cours que prenait soudain ma vie, dépassée par les événements, pétrie d'angoisse, de tristesse, d'un peu de colère et d'un sentiment d'injustice aussi je dois l'avouer, et perdue, vraiment perdue. J'avais envie de tout envoyer valser, de partir loin, mais je me devais de rester là et de me battre pour mon petit chou, il avait besoin de moi. Les mois filèrent et la lourdeur s'accentua, à laquelle se rajouta la fatigue, le manque de sommeil, les rendez vous médicaux incessants, les disputes, les annonces fracassantes, les secrets que j'aurais aimé ne pas connaître et par dessus le marché, l'impression de ne plus être à la hauteur au boulot.
Hélas, la maladie finit par l'emporter finalement après une dernière bataille, et le petit chou partit soudainement, laissant un trou béant dans mon coeur. Il était ma famille, mon meilleur ami, mon fidèle compagnon dans les bons et les mauvais moments, je l'aime tellement fort ! Même quand on pense y être préparé, nous ne sommes que peu de choses quand le petit coeur cesse de battre. Les mois qui ont suivi ont été très gris, il me manquait une partie de moi même, même si je le sentais partout dans la maison et toujours vivant en moi.
Après un trimestre compliqué, la vie a repris petit à petit quelques couleurs, j'ai eu la chance de vivre une grande joie, reçu de bonnes nouvelles médicales, commencé à comprendre beaucoup de choses sur moi-même et jonglé comme je le pouvais avec un planning professionnel chargé et mouvant.
Soudain, alors que je réfléchissais à la meilleure manière de me changer les idées durant mes vacances, fin Avril - début Mai 2024, nous avons fini par nous rendre compte F et moi, que pour une fois, nous coïncidions sur nos dates de congés. Nous avons donc évoqué à nouveau ce fameux roadtrip. Après avoir vérifié si les garçons jouaient à Nice cette semaine là, j'étais coincée entre l'envie d'y aller, mais la peur de dépasser certaines barrières sacrificielles que je m'étais moi même posées. En discutant de ce point avec diverses personnes de confiance, je me suis décidée à sauter le pas. Je fis donc voler en éclats la première résistance et à ma grande surprise, la peur était bien supérieure au moment délicat en lui même. Finalement, les planètes semblaient s'aligner et me pousser à concrétiser ce voyage. J'annonçais alors la bonne nouvelle à F et commençait à regarder les hôtels, à réfléchir à ce que nous allions pouvoir faire les jours suivants, avec cette envie fulgurante de retrouver mon île.
Les jours qui ont suivi, nous avions du mal à nous capter avec F, toutes deux prises dans nos aléas professionnels entre autres obligations, mais nous commencions à rendre cela concret dans nos têtes et cela me faisait beaucoup de bien, je sentais que ce voyage était plus que nécessaire, qu'il allait m'aider à poursuivre ma transformation et c'était terrifiant, mais grisant aussi.
En cours de semaine, F me partagea une de ses contrariétés de couple et je lui posai la question en toute transparence de savoir si cela remettait notre voyage en péril ou non. Elle me répondit sincèrement que non. Nous devions donc échanger le samedi qui arrivait sur toutes les options de logement que j'avais repérées, même s'il nous faudrait sans doute attendre la dernière minute ou presque pour réserver, ou alors prendre le risque. F me parut contrariée dès le vendredi soir, par ses dernières discussions de couple, ses mauvaises surprises au niveau financier et une sorte de ras le bol généralisé. Elle ne se brancha plus après 18h de mémoire et le lendemain vers 13h, alors que nous échangions sur le côté un peu imprévisible de ce séjour car nous ne savions pas encore exactement quand les garçons allaient jouer et les prix des logements qui ne cessaient d'augmenter, elle me confia qu'elle jetait l'éponge, qu'elle était désolée et espérais que je lui pardonnerais. Sous le choc, j'essayais de comprendre ce qui était à la source de ce revirement, essayais de lui proposer des solutions pour soulager ce qui lui pesait, mais sa décision était ferme. Je passais par un peu toutes les émotions, la sidération, la tristesse et la déception, un peu de colère malgré moi car pour une fois que je m'accordais du temps pour moi, il fallait que cela tombe à l'eau ainsi, jusqu'à ce que quelques jours plus tard, une voix émerge de mes pensées en boucle et me dise "Et si tu partais quand même ?".
En bonne angoissée de nature, je la fis taire très vite, c'était insensé, inconsidérable, je n'allais pas partir seule 3 jours, cela ne faisait plus sens et il y avait tellement de choses qui pouvaient déraper, et seule je ne me sentais pas la force de les affronter, encore moins après les temps difficiles traversés. Par ailleurs, je m'étais fait une telle joie de retrouver F pour 3 jours, j'avais hâte de lui présenter Nice, ainsi que le lieu qui avait bercé mes vacances d'enfant, j'avais hâte que l'on prenne le temps pour discuter de nos vies, de tous ces sujets que l'on partage quasi quotidiennement depuis 7 ans, mais habituellement toujours dans l'urgence de nos vies bien remplies. Me retrouver seule pendant tout ce temps ne me faisait pas réellement peur car je suis plutôt une introvertie, j'aime me retrouver seule pour me recharger, cependant cela signifiait un tout autre voyage et je n'étais pas sûre d'être prête à vivre cela à ce moment là.
J'en parlais pendant les jours suivants à ma meilleure amie, puis à F, mais plutôt dans une idée de ne pas y aller, laissant mon mental, mon ego, exprimer tous ses freins, tous ses blocages. Cependant, le soir avant de dormir, je me prenais à repenser aux synchronicités qui étaient apparues quand nous avions recommencé à envisager ce voyage fin Avril, et je me disais que j'avais l'impression d'être poussée à partir, à vivre cette expérience qui m'appelait comme le vide d'un gouffre, immense mais majestueux.
Le samedi arriva, je bouclai divers dossiers pour profiter pleinement de mes congés à venir mais m'autorisai une sortie au restaurant avec l'une des personnes les plus rationnelles de mon entourage proche. L'air de rien, après avoir bu une gorgée de Vacqueyras rouge, je posai mon interrogation sur le tapis de la conversation. Étonnamment, la réaction à laquelle je fis face n'était pas du tout celle à laquelle je m'attendais. On me conseilla de préciser mes freins à la concrétisation de ce voyage, et quand je les ai formulé, nous en avons rapidement parlé plus en détail, et force était de constater que le rationnel était peu présent dans ma réaction, que c'étaient des peurs, mais des peurs qui étaient surmontables. Il fallait que je traite cela avec calme et méthode pour soulager un à un tous mes poids, tous mes fardeaux qui m'empêchaient de faire le grand saut. Le premier argument était imparable : "Tu fais cela tout le temps pour le travail, pourquoi cela serait il différent pour un voyage personnel ?".
Je remontais alors dans ma mémoire et me souvenais l'angoisse dans laquelle ils me plongeaient au début de ma carrière (amplifiée aussi, il me faut l'admettre, par l'angoisse communicative de ma mère quand nous en parlions). Je me souvenais aussi soudain comment, petit à petit, je m'étais sentie plus à l'aise dans ces déplacements. Même si je n'étais jamais très zen au moment du départ, une fois sur place je gérais du mieux que je pouvais les situations au fur et à mesure qu'elles se présentaient, et je prenais même parfois du plaisir à me retrouver seule en dehors de mon quotidien, à tester des restaurants ou des hôtels, ou simplement à prendre quelques photos de mon environnement temporaire (la passion des photos me perdra, je crois). J'aimais aussi me retrouver seule le soir à l'hôtel et partais toujours avec un carnet car parfois, les vibrations du lieu pouvaient libérer ma créativité et me donner envie d'écrire.
Quant à affronter la solitude, j'admettais que c'était un faux problème car je n'allais pas être seule tout le temps et quand j'allais l'être, cela pouvait être l'occasion de me laisser porter par mes envies, d'écouter mon corps, mon coeur et mon intuition, et en fin de compte, j'avais sans doute besoin de cela justement.
Je m'engageai donc à me pencher sérieusement sur le sujet dès le lendemain. Je le fis partiellement dès le dimanche, mais quelque chose continuait à me bloquer sérieusement : les prix des hôtels à proximité du lieu du concert. Je regardais à nouveau les locations entre particuliers, mais les logements étaient plus ou moins les mêmes que 2 semaines auparavant, et je regrettais notamment le fait qu'ils soient trop éloignés ou perdus dans des ruelles, d'autant plus que j'allais rentrer tard le soir.
Le lundi, je n'avais toujours rien réservé et ne savais pas encore quand les garçons allait jouer, donc je procrastinais et fit la tournée des grands ducs (c'est à dire, le tour de plusieurs concept stores pour trouver un objet de décoration pour mon bureau à la maison). Je terminai par un saut en centre auto et pris une rincée sur le parking, si bien que je rentrai chez moi en fin d'après midi, procrastinais encore et finalement dans un regain d'énergie vitale, me décidai enfin à faire appel à un dernier ami, un dernier joker, pour espérer concrétiser ce projet qui me terrifiait autant qu'il m'exaltait. Entre temps, j'eus la réponse sur la question de planning, même si je n'y croyais pas totalement encore et cela supposait un départ sous un peu plus de 24h.
Mon ami me répondit brièvement une première fois car il était en plein travail, puis je l'eus à nouveau le lendemain en fin de matinée. Nous avons échangé sur mes questions et je discutais en parallèle avec deux autres proches à qui je commençais à annoncer mon potentiel départ presque imminent. Les trois conversations m'aidèrent à prendre la décision que je redoutais, mais tout se libéra quand je tombai sur une annonce de logement mise en ligne par un particulier, pour un logement que je n'avais pas vu jusque là. Le prix était acceptable et la localisation presque idéale. Le logement semblait avoir quelques défauts mais satisfaire dans l'ensemble les voyageurs, solitaires en particulier, qui y étaient passés. Je tentai donc en début d'après midi une demande de réservation et me dis que si cela se confirmait, le destin voulait que je parte et que dans le cas contraire, j'abandonnais ce projet (en tout cas pour l'instant et sous cette forme). Je vous laisse imaginer ma joie et soudain à nouveau ma terreur, quand la réservation fut confirmée.
C'est ainsi qu'à 16h30, je réservai mon train pour le lendemain matin, et filai préparer ma valise. Faire ma valise est toujours un mélange entre l'excitation et la peur d'oublier quelque chose d'important, mais cette fois ci mon tracas principal était de savoir comment j'allais m'habiller car la météo n'était pas très certaine et je ne choisissais pas la facilité en faisant tout mon périple en train. Vers 19h30, après avoir repassé en vitesse une robe très récemment lavée, je me dis que j'avais le principal et qu'au pire des cas, je ne partais pas dans le désert, j'allais bien trouver un endroit où me dépanner s'il le fallait. Je dînai rapidement, lançai une sauvegarde (qui bugga la première fois bien évidemment), fis aussi un peu de ménage sur mon téléphone (une autre de mes corvées détestées), et vers minuit, me décidai à réserver mon train de retour et mon second logement pour les jours suivants. Je me surprenais à organiser un voyage assez complexe en quelques heures seulement, et c'est avec un sentiment de grisement et une petite voix intérieure qui criait à l'inconscience que je me couchai à plus d'1h du matin. Le départ de la maison à 6h45 allait être difficile, mais tout semblait malgré tout se mettre en place.
C'est ainsi que j'attrapai sans encombres le train de 7h et le voyage en train fut assez plaisant. J'appréciais à sa juste valeur la beauté du paysage, notamment dès que nous entrions dans le Var. Soudain, vers Draguignan, le train s'immobilisa et on nous indiqua qu'il était bloqué jusqu'à nouvel ordre et qu'il repartirait dès que possible.
Il finit par reprendre sa course une trentaine de minutes plus tard et le retard ne me posa pas de gros souci, car je n'étais attendue que par mes hôtes et je profitai justement de l'expérience pour avancer au maximum sur le livre que j'avais démarré en partant à Barcelone quelques mois auparavant, sur le thème de la mémoire du corps, notamment au niveau transgénérationnel.
Quand le train repartit, je fus ravie de pouvoir enfin apercevoir depuis les rails le rocher de Roquebrune mais également mon île, et progressivement, je commençai à comprendre pourquoi il fallait que je vive cette expérience.
J'arrivai à Nice peu avant midi, prévins mes hôtes de mon arrivée tardive et pris le tramway pour me rapprocher de la vieille ville où je logeais, prête à la arpenter en long, en large et en travers en attendant l'accès à mon logement (en dépit du fait que je n'avais pas réussi à me débarrasser de ma valise).
Rapidement, je me sentis à l'aise dans la vieille ville, je repris mes repères et trouvai finalement un restaurant sympathique où déjeuner. Tout semblait se mettre progressivement en place pour me souhaiter la bienvenue et mon coeur se réchauffa petit à petit.
Grandit également l'excitation pour la suite du séjour, qui m'étreignit entre deux emplettes et glaces avec vue.
Affaire à suivre ... 😊