Depuis quelques années, les autorités de différents pays, notamment parmi les plus gros utilisateurs (Royaume-Uni, États-Unis…), ont essayé de mettre un terme à la circulation d'un moyen de paiement largement obsolète, d'un point de vue technique, et irrémédiablement supplanté par les cartes et autres porte-monnaie mobiles… pourtant toujours usité par une forte proportion de consommateurs (6 sur 10, outre-Atlantique). Ces initiatives ont toutes été abandonnées face au tollé qu'elles ont suscité.
Le prochain front de la lutte pour l'éradication du chèque passera donc peut-être par les marchands, qui ont plusieurs raisons de vouloir sa disparition. Outre l'allongement du temps de traitement déjà cité, qui représente aussi un coût (de personnel) important pour les détaillants, il génère également des frais directs, entre autre d'encaissement, et constitue un support privilégié pour la fraude, justement en pleine recrudescence à l'heure actuelle. Le nombre d'adeptes résiduels ne compense plus ces inconvénients.
Naturellement, ceux qui persistent à préférer les chèques pour régler leurs emplettes risquent de manifester leur mécontentement. Mais, de toute évidence, Target – tout comme Whole Foods et Aldi avant lui – choisit d'assumer ces possibles réactions négatives, quitte, au pire, à perdre une partie de sa clientèle. Voilà ce qui distingue clairement la démarche de celles engagées par les régulateurs, pourtant beaucoup moins brutales. Et, si elle se propage, elle a le pouvoir d'entraîner la fin tant désirée.
Après tout, les arguments (légitimes) avancés pour le retrait d'un outil désormais dépassé s'appliquent à toutes les parties prenantes. Faute de décision politique, ce sont donc les acteurs économiques – embarrassés par sa survie – qui se retrouvent maintenant en première ligne pour forcer les derniers résistants à changer leurs habitudes. Ce transfert de responsabilité, par pure dérobade démagogique, est non seulement indigne, il ne résoudra pas le problème fondamental avant longtemps.