Je suis très contente d’avoir déniché ce titre car j’attendais depuis sa sortie une occasion de le lire, redoutant son sujet (bien sûr) mais persuadée aussi que l’objet littéraire était de grande qualité. Lorsque l’on parcourt ce livre, il apparaît évident que Neige Sinno n’avait pas prévu le succès rencontré par son écrit. Elle désirait presque qu’il ne soit pas lu, ou très peu. Elle redoutait le voyeurisme, de ne pas parler au mieux de l’objet de son écriture ici… Neige Sinno raconte son histoire, comment, entre 7 et 14 ans, elle a été violée régulièrement par son beau-père. Ils vivent à l’époque tous les six dans une maison à rénover dans les Alpes. La vie est modeste. L’homme est cependant charismatique, apprécié. Les évènements ont lieu la plupart du temps en l’absence de la mère, partie travailler. Alors adolescente, la jeune fille finit par porter plainte, soutenue par sa mère. Il y aura un procès, une condamnation, mais rien n’efface cette trace, indélébile. Quelques années plus tard, Neige prend la plume pour raconter le sort de la victime mais aussi celui du bourreau. Elle convoque alors Nabokov et son Humbert Humbert dans Lolita. Elle convoque cette littérature (qui ne sauve pas). Elle parle de Claude Ponti, comment les enfances brisées se reconnaissent entre elles. Elle dit combien la distance ne guérit de rien, non plus. Elle a essayé pourtant, de mettre un océan entre eux. Elle raconte les faits et l’impossibilité sidérante d’une explication… J’ai lu ce récit de Neige Sinno avec une grande émotion, entendant sa détresse derrière les diverses références qu’elle met en avant. La littérature ne l’a pas sauvée mais elle l’aide à mettre des mots d’une grande précision sur l’absurdité des motivations du violeur et son désarroi de petite fille. Elle a parlé, à l’époque du procès, pour que rien n’arrive à ses petits frères et soeurs et elle n’a rencontré autour d’elle qu’une grande désapprobation. L’entourage n’aime pas que les victimes remuent le purin, dérangent une certaine tranquillité de façade. Il y a encore beaucoup de pas à faire dans ce sens. Un texte à lire, pour se confronter, pour ne pas ignorer.
Editions POL – 17 août 2023
J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…
Femina – 2023 Goncourt – Lycéens – 2023 éé