Le train a sifflé trois fois
Dans le ville un calme plat enveloppait mon être de feu et de braise
Je ne savais rien de la vie
Je ne savais rien de moi
Je ne savais rien de l’autre
J’avais oublié tout mon historique
Je n’étais qu’un souffle incertain
Je cherchais le dénominateur commun
Qui m’avait amené à cet endroit
Qui quoi comment pourquoi
Quelles frontières avais-je passées? Quels océans avais-je parcourus ? Quels formulaires avais-je remplis?
Des cris dans le néant retournant vers moi stériles et vains
Je m’efforçais de faire un grand saut
dans ma tête
Je ne voyais pas clair
Que pouvais-je encore attendre des jours et des nuits
Jamais l’horizon ne me parut aussi pâle
Jamais la raison ne me parut aussi crade
Jamais l’illusion ne me parut aussi veule
Je n’avais plus d’images pour venir à ma rescousse
L’écran blanc restait inéluctablement muet
Où était donc passé le projectionniste?
J’avais payé ma place
Mais Monsieur il n’y a plus de séance de minuit depuis belle lurette
Votre ticket était valable pour la projection de 19h
Vous l’avez ratée
Tout ce chemin pour en arriver ici
Une somme de kilomètres parcourus
Des milliers de personnes rencontrées
Des phrases jamais avares de leur pétulance
J’avais été
Pendant longtemps,
J’avais été un sobre aventurier
Un fieffé reporter
Un pirate sans attache
j’avais cru à la singularité de ma personne.
Ce n’est qu’à la tombée du crépuscule que je me suis rendu compte de la vanité de mes masques.
Quand vient le temps du dos meurtri
De la vue trouble
Des sommeils inassouvis
L’énergie me manque pour partir vers de nouvelles chevauchées.
Ah si au moins il y avait le silence
Ah si au moins il y avait la quiétude
Mais la nuit n’a que faire de cette mansuétude
La nuit dévore, la nuit écartèle, la nuit déchiquette.
On attend impatiemment le matin.
Tout en sachant que toujours tout recommencera, et que les spectres de la nuit jamais ne me lâcheront.