Vue depuis le pont Winston Churchill menant à la place Adrien Godien
21, rue J.-L. Hénon
Il fallait une aube radieuse avec encore un peu de fraîcheur pour venir te voir, ma Blandine. Trajet à vélo’v depuis notre Nid jusqu’à la place Adrien Godien, puis le reste à pied : ascension via les rues Eugène Pons puis Saint-Dié, la même que celle effectuée le plus souvent possible pour passer du temps près de toi à la clinique de l’Infirmerie protestante où nous avons vécu tes derniers instants. Comme un signe poignant, le parcours me fait passer devant le 21 de la rue Jacques-Louis Hénon, après ta naissance lieu de ton premier logis au troisième étage.
Le poids du manque se vit au jour le jour et bouleverse mon rapport au monde. Conscience d’avoir partagé avec toi un peu plus de deux décennies de velours renouvelé, mais insupportable absence qui transperce le temps présent sans parvenir à la surmonter. Ce reste d’existence ne peut envisager le dépassement du chagrin, quel que soit le conseil délivré. Je n’ai de vie que dans un silence entretenu autour de la puissance des souvenirs, ce vécu qui étrangle ce qui pourrait suivre. Pas la force de passer outre, juste celle de rester en communion avec toi et de ne rien céder aux distracteurs sans saveur.
Ce moment avec toi affermit les doux pastels des vingt-deux années qui l’ont précédé et engage pour le temps restant. Je ne peux affronter ces vagues submergeantes d’émotion qu’en faisant fleurir aux murs de notre Nid des portraits de toi, de nous…
Je reste là encore quelques instants, mais le manque criant s’ancre à jamais. Ce retrait assumé du monde me préserve d’une plus rude perdition.
Je dois ici te laisser, ma Blandine, mais tu es avec moi, en moi à chaque instant, et je puise une bonne part de ma raison d’être dans tout ce que tu m’as apporté, si précieux à l’âme.