Une histoire de (dé)goûts

Par Luc24

Deux films encensés par la critique et plébiscités par le public ont mystérieusement été zappés sur ce blog. Il s’agit de Valse avec Bachir et Gomorra, deux films que j’ai vu à Cannes et que j’ai eu bien du mal à évoquer ici bas.

Il faut dire que je me sens dans une position inconfortable : je n’ai aimé aucun des deux , ce qui m’a valu quelques débats houleux avec des amis, pour leur part très enthousiastes. Mais puisque nous sommes en démocratie, je me permets donc d’évoquer ces deux œuvres qui ne resteront pas dans mes mémoires cinématographiques ou du moins pas de façon positive.

Commençons par Valse avec Bachir. Déjà un problème de « mise en condition ». Lorsque je l’ai vu à Cannes, je m’attendais à un pur film d’animation et le côté documentaire m’avait beaucoup gêné. Par la suite, le film a été vendu comme un « documentaire d’animation » ce qui a sans doute bien préparé son public face à cette nouveauté dans le paysage cinématographique. Mais est-ce que le fait de préciser ouvertement le fait que le film ait un côté documentaire autorise celui-ci à être un poil ennuyeux ? Car disons-le franchement : à certains moments, mes paupières étaient lourdes pendant la projection du film. Et ce constat est on ne peut plus dérangeant quand on sait que le film évoque une période dramatique : la guerre au Liban au début des années 80. Bien sûr, le film n’est pas mauvais. Visuellement il est tout simplement sublime, envoûtant, archi-maitrisé. Oui, il y a une certaine audace à certains moments (comme ce passage chanté sur les bombardements à Beyrouth) mais de mon côté j’ai eu un vrai problème avec la narration. Succession de monologues qui ne collent pas toujours bien aux images, côté carrément pompeux par moments genre « je m’écoute parler, je suis la voix de la raison ». Pas certain d’ailleurs que la comparaison avec les juifs soit de très bon goût…Et puis il y a cette fin avec les images documentaires. Sans aucun doute ce qui a fait pencher la balance pour moi vers le « je n’aime pas ce film ». Comme pour nous dire « J’ai fait un film d’animation mais hein c’est bien réel, tiens regarde la « vraie » détresse des gens » (merci, on avait compris, on n‘est pas stupides non plus !). Pas subtil, too much. Mais bon, Valse avec Bachir ne suscite pas le dégoût. C’est un film qui a ses qualités et ses maladresses, il y a quoiqu’on en dise un point de vue d’auteur et un sujet fort (pas exploité comme je l’aurais souhaité).

Pour ce qui est de Gomorra, ma réaction à la sortie de la salle cannoise fut plus excessive.

Car Gomorra , c’est un peu tout ce que je n’aime pas au cinéma. Quand je rentre dans la salle je m’attends à recevoir de l’émotion, à rencontrer des personnages, comprendre et si possible ressentir leur situation, vibrer, être diverti, parfois rêver, être emporté. Gomorra a eu le grand prix à Cannes, perso je lui décernerais bien le prix du film le plus chiant de l’année. Lors de la projection nocturne du film, nombreux étaient les gens à s’endormir ou à fuir. Pour ma part, c’est une règle, je reste toujours jusqu’à la fin des films. Et j’ai eu le temps de sentir ma souffrance. Long, long, long. Parler de la mafia sans avoir recours au glamour, tel est l’objectif du réalisateur pointant du doigt les Parrains et consorts. Là encore, donc, une approche documentaire, des barrières floue entre docu et fiction. A force, on finirait par être dégoûté du genre documentaire ou penser qu’il est voué à susciter l’ennui. Car bien que le film se plait à « balancer », on a la sensation de voir défiler des dizaines de plans inutiles, pompeux et désincarnés. Les personnages de Gomorra n’existent pas, ne cherchent jamais à nous parler, à se faire aimer. Dans cette œuvre où l’austérité est érigée en règle, le spectateur lambda que je suis a bien cru qu’il allait crever d’ennui. J’en suis arrivé au point où je voulais qu’ils meurrent tous pour qu’arrive ce pénible générique de fin précédé de son panneau à chiffre censé nous faire froid dans le dos. Je n’ai senti aucun désir d’interaction entre le réalisateur et le spectateur, aucune envie de rendre le propos accessible. J’étais sur la touche. Ceci dit, j’ai bien fait de rester jusqu’au bout car la dernière demi-heure, qui suit deux jeunes têtes brulées qui se prennent pour Tony Montana, réservait enfin des moments de cinéma, d’énergie, de dramaturgie, de vie. Mais en sortant de la salle je n’ai pu m’empêcher de me dire que ,selon moi, les 2/3 du film étaient à jeter. Quel ne fut pas ma surprise de découvrir plus tard que le film avait eu le Grand Prix, qu’il avait une presse dithyrambique. La semaine de sa sortie, voir tous ces panneaux d’affichages me donnait la nausée…Alors oui, vous vous dites « là aussi il y a un vrai point de vue d’auteur, un sujet fort ». Je ne peux que le reconnaître, sinon je nagerais enpleine mauvaise foi.

Mais seulement voilà, le cinéma c’est aussi parfois une affaire de (dé)goûts, de connivence avec les partis pris de certains réalisateurs. Ces deux films ne m’ont pas touché, ne m’ont pas appris grand-chose. Et voir tous ces éloges autour m’amène à penser que je dois quelque part être bête d’où peut être l’extrême rejet que je ressens notamment face à Gomorra. Incapable d’aimer ce film gris, je reste seul devant mon ordinateur à grogner, en attendant de nouveaux longs métrages qui me passionneront et autour desquels je pourrais partager mon enthousiasme. Je suis sûrement triste de voir que ces deux là rencontrent en termes d’entrées leur public alors qu’un Nouvelle Donne ou un My Name is Hallam Foe aient connu des carrières confidentielles. All By Myself dit la chanson…


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