Misère sociale, richesse intérieure : c'est le menu de ce très beau Versailles, plongée dans l'existence de quelques êtres vivant dans la précarité la plus totale. Au misérabilisme, Pierre Schoeller préfère une approche âpre et poétique, forcément salvatrice. Ses personnages ne sont pas décrits comme des victimes, mais plutôt comme des gens un peu malchanceux ou marginaux. Au centre du film, Damien, incarné par un Guillaume Depardieu magnétique, est en quête de dignité et d'identité, regonflé par la rencontre d'un petit garçon ayant fortement besoin de lui (Max Baissette de Malglaive, miracle sur pattes). La description des rapports de ces deux êtres paumés est d'autant plus bouleversante que Schoeller fait dans la simplicité la plus totale, refusant de nous attendrir façon Hector Malot ou de livrer un film torturé à la Carax.
S'il faut quelques minutes pour s'habituer à une mise en scène qui pourrait passer pour pauvre, Versailles révèle ensuite des trésors de beauté dans sa façon de sublimer quelques images et moments. C'est beau, une cabane de fortune en plein coeur de la forêt. C'est beau, un mioche qui grimace et se raidit lorsqu'on lui rince les cheveux à l'eau froide. Ce qui n'empêche pas Schoeller de crier sa révolte face à un système faisant trop souvent la sourde oreille. Et quand Damien décide d’entamer des procédures pour reconnaître ce fils qui n’est pas le sien, la poésie fait place à une rage contenue mais prégnante. Qu’importe si la toute fin convainc un peu moins que le reste : Versailles nous submerge d’émotions et se garde bien de nous faire la leçon. Bien aidé par des acteurs magistraux, Schoeller s’installe dès son premier film parmi ceux qui savent comment filmer les gens d’en bas, quelque part entre le Siegfried de Louise (take 2) et le Kechiche de La faute à Voltaire.
8/10
(également publié sur Écran Large)