Petites notes quotidiennes (ou presque), de Gustave Roud

Publié le 14 juillet 2024 par Francisrichard @francisrichard

Les Petites notes quotidiennes (ou presque) ont été prises par Gustave Roud de 1933 à 1936.

Les supports sont au nombre de cinq:

  • Un cahier: Notes. 1926, qui, en réalité, ont été prises début du printemps de 1933.
  • Un manuscrit: M[aman] bois de Vucherens, dans lequel, avant que sa mémoire ne défaille, il relate les derniers moments de sa mère, morte le 5 mars 1933.
  • Un manuscrit: Matériaux et plans pour "Villages", un livre qui ne paraîtra pas.
  • Un agenda de 1933.
  • Un cahier: 1935 Petites Notes Quotidiennes (ou presque)

Dans le premier cahier, Gustave Roud donne le ton de ce que sera le manuscrit consacré à la mort de sa mère, il parle de l'indestructibilité de l'amour (je le sens maintenant plus immortel que l'esprit).

Dans ce manuscrit, il sait qu'une vie demeure entièrement inexplicable:

Mais je crois que le coeur seul peut comprendre et qu'il y a une éternité de l'amour.

Dans le manuscrit suivant, il fait part de son changement d'optique spirituelle sur l'existence, dû aux quatre morts de sa famille au cours des trois dernières années:

Je sais maintenant que chaque chose, chaque être est toujours sur la frange de l'abîme où il disparaîtra, que ce monde est le monde du sursis.

C'est pourquoi il se jette sur chaque instant avec une telle fièvre, une telle angoisse de laisser fuir l'or qu'il fait luire le temps d'une seconde.

Dans ce texte déjà il montre qu'il est pris entre les travaux d'écriture, qu'il appelle mon travail, et les travaux des champs auxquels il apporte sa contribution auprès, entre autres, d'Olivier Cherpillod:

Olivier si beau, si gai que mon coeur sans cesse en reçoit l'afflux sans lequel tout me semble un infranchissable désert.

Le 14 septembre 1933, il est allé au Comptoir suisse à Lausanne, fondé treize ans plus tôt et note:

Sentiment jusqu'à l'aigu, jusqu'aux larmes de mon déclassement. Je risque le mot, un peu gros mais il est juste.

Issu du monde paysan, il ne l'est plus vraiment en présence des paysans purs qu'il y rencontre.

Où est sa place? Est-il encore un paysan ou un intellectuel qui aime la littérature, la musique, la peinture et la photographie?

Dans l'agenda de 1933, ses journées se passent aussi bien auprès de paysans qu'il aide dans leurs tâches, et avec lesquels il a des causeries,qu'à écrire, à écouter du Bach ou à relire Proust.

Les photos qu'il prend et dont quelques-unes sont reproduites dans cette édition de poche établissent un lien entre les deux mondes auxquels il appartient malgré qu'il en ait.

Car il reste un paysan qui s'entend bien avec ses semblables tels que les Burnand ou Robert Eicher, lequel il a pris en photo, tout en étant admis dans le monde des lettres et des arts, représentés par un Charles-Ferdinand Ramuz ou un René Auberjonois.

Dans le cahier de 1935, à la date du 10 septembre 1936, il dit avoir travaillé les jours précédents dans les forêts et le matin de ce jour à l'hommage à Ramuz qui lui a été demandé pour la remise de son prix de la Fondation Schiller.

Francis Richard

Petites notes quotidiennes (ou presque), Gustave Roud, 304 pages, Zoé

Livres de l'auteur précédemment chroniqués:

Essai pour un paradis, suivi de Pour un moissonneur (2020)

Air de la solitude (2022)