Fantasmas (Saison 1, 6 épisodes) : univers fantasmagorique

Max a récemment lancé Fantasmas, réalisée par Julio Torres, auteur et réalisateur de Problemista. À première vue, cette série se distingue par son étrangeté avant-gardiste et son approche artistique quasi artisanale, ce qui lui confère une légèreté et une fantaisie uniques par rapport aux autres séries contemporaines se déroulant dans un futur proche rempli de robots. Cependant, au-delà de son apparence ludique, Fantasmas offre une analyse brillante de l'expérience souvent tortueuse de notre vie "trop connectée" en ligne. Julio (incarné par Torres), un artiste pluridisciplinaire, se retrouve au bord de l'expulsion de son appartement. Dans cette version exagérée de New York, obtenir une "Preuve d'Existence" est crucial pour conserver son logement. Cette preuve, facile à obtenir pour ceux qui disposent d'un numéro de sécurité sociale, d'un bon score de crédit ou qui sont des individus exceptionnels comme Beyoncé, est cependant hors de portée pour Julio.

Son agent, Vanesja (Martine Gutierrez) - dont le "J" est muet - est l'une des rares à apprécier son talent brut pour des créations aussi uniques que des crayons transparents et sa capacité à communiquer avec les masses d'eau (interprétée par Tilda Swinton). Refusant par principe de se soumettre à cette preuve d'existence, Julio se lance dans une quête absurde pour retrouver une boucle d'oreille en forme d'huître. Cet objet devient une métaphore de son refus de se conformer à une société où même l'existence doit être prouvée et validée par des entités corporatives. Son assistant robot, Bibo (Joe Rumrill), n'essaie pas de le tuer, et leur aventure se transforme en une série de sketchs absurdes qui bâtissent un monde fantastique autour de Julio. Fantasmas se distingue par son ton humoristique et sa capacité à critiquer la société moderne sans tomber dans la moralisation.

Les blagues sur Zappos devenant un studio de cinéma et Exxon investissant dans l'immobilier multi-familial soulignent comment nos vies sont de plus en plus englouties par des systèmes corporatifs que des technologies comme la "Preuve d'Existence" alimentent. Loin de se contenter d'une narration à la Matrix où l'humain lutte contre la machine, Fantasmas raconte l'histoire de la résistance à la marchandisation de l'être. Julio rencontre d'autres personnages excentriques, comme Chester (Tomas Matos), un chauffeur de taxi militant contre Uber avec son service de covoiturage individuel, tous réticents à s'inscrire pour une preuve d'existence. La série équilibre ses thèmes profonds avec des sketchs absurdes, créant un monde fantastique peuplé de personnages singuliers comme un gnome minuscule gérant ses réseaux sociaux et un ancien night-club pour hamsters queer transformé en un minuscule CVS.

Le charme de Fantasmas réside dans sa capacité à célébrer sa propre absurdité tout en étant incroyablement perspicace. Les intrigues, qui incluent des démons aspirant les âmes des hommes sur Grindr et des robes pour toilettes, sont présentées comme des aspects normaux de cette réalité décalée. La série réussit à critiquer la dépendance aux algorithmes des réseaux sociaux sans donner l'impression de sermonner. En fin de compte, Fantasmas reflète l'expérience d'être submergé par le bruit constant d'Internet, un bruit conçu pour extraire de l'engagement plutôt que d'offrir du contenu de valeur. Dans un monde comme le nôtre, obsédé par l'amplification de ce bruit à chaque occasion, la volonté de Fantasmas de se moquer de cette tendance en fait une pépite télévisuelle surprenante de cet été. La série réussit à traiter des sujets sérieux de manière ludique et légère, prouvant que la critique sociale peut être à la fois profonde et amusante.

En somme, Fantasmas est une série qui vaut le détour pour sa créativité débordante et son regard critique sur notre société ultra-connectée. C'est une véritable bouffée d'air frais dans le paysage télévisuel contemporain, alliant humour et réflexion, et offrant une perspective unique sur les défis modernes de l'identité et de l'existence dans un monde dominé par la technologie.

Note : 7/10. En bref, le charme étrange et fantasmagorique de Fantasmas fait mouche. Cette série est unique et un objet non identifié.