Les poèmes de Robert Walser
Zoé, belle maison de Suisse francophone, se consacre entre
autre, depuis une dizaine d’années, à l’édition des œuvres de Robert Walser en
traduction française. Et la plupart des titres ont été traduits par Marion
Graf, qui reçut, il y a quelques années, le Prix André Gide pour son excellente
traduction de Le Territoire du crayon.
Proses des microgrammes.
Si les ouvrages en prose de Robert Walser sont souvent appréciés par nombre de
lecteurs français, sa poésie est en revanche beaucoup moins connue. Il est
d’autant plus réjouissant de voir paraître ces jours-ci, aux éditions Zoé, le
recueil bilingue Poèmes/ Gedichte, de
Robert Walser, choisis et traduits par Marion Graf.
Dans la postface du livre, Jochen Greven rappelle quelle importance eut chez
Walser l’écriture poétique, même si elle connut des interruptions - puis une
fin définitive après son hospitalisation en clinique psychiatrique. Le livre
rassemble un choix de poèmes, articulé autour de quatre périodes : les
premiers poèmes, de 1898 à 1905, la période de Bienne, 1919-1920, celle de
Berne, 1924-1933, et enfin, durant la même période, ce qu’on rattache au
« territoire du crayon », où Walser écrivit au moins 560 poèmes. Ce
sont ces poèmes tardifs qui occupent dans ce choix la place la plus importante.
Les versions en français que nous donne Marion Graf confirment le grand talent
et la précision de cette traductrice. En voici deux exemples :
Contemplation
Tous les livres étaient déjà écrits,
tous les exploits, semble-t-il, accomplis.
Tout ce que voyaient ses beaux yeux
était le fruit d’efforts très vieux.
Maisons, ponts, et chemins de fer
avaient vraiment quelque chose d’insigne.
Il songeait au bouillant Laertes,
à Lohengrin et à son doux cygne,
partout, déjà, le sublime était accompli,
remontait à des temps reculés.
On le voyait chevaucher dans les champs, solitaire.
La vie était échouée sur la grève
comme un canot qui ne peut plus tanguer, glisser.*
Je me balance de vos sentences
Je me balance
de vos sentences.
Tant qu’en conscience
je puis dévorer ma pitance,
je n’ai pas besoin d’allégeance
à vos pâles jactances
creuses. Accroître la sapience
je le peux par moi-même. La finance
depuis toujours régit le monde.
Il se fera bien tondre
celui qui à lui-même ne sait pas correspondre.
Et la pédanterie
n’est qu’une vilaine manie :
j’ai dit.
©Alain Lance
Robert Walser
Poèmes
Textes choisis et traduits par Marion Graf
Postface de Jochen Greven Edition bilingue 160 p.,
14 x 21 cm
17 €