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Tatiana de Rosnay a eu bien raison de se saisir du prétexte de la démolition de l’hôtel où séjourna Marilyn Monroe pendant une partie du tournage des Désaxés pour en faire le cadre de Poussière blonde.Elle a imaginé un scénario qui lui permet de nous parler avec beaucoup de sensibilité de cette actrice à la vie malheureuse en la montrant sous un angle qui est parfois très positif. Elle devient sous sa plume le bon ange d’une autre femme qui, grâce à son intervention, aura le cran de « déployer ses ailes ».Nous séjournons dans le Nevada dont on découvre les grands espaces et ces chevaux, les mustangs, dont j’ignorais qu’ils avaient fait l’objet d’un odieux trafic. Les mots pour décrire leur massacre sont horribles (p. 103) et l’auteure est engagée en faveur de la protection de la nature. Nous vivons aussi dans Reno, la ville qui s’est rendue célèbre pour son casino et la facilité à y divorcer avant d’être détrônée par sa voisine, Las Vegas. Nous arpentons le Mapes jusqu’à la Sky Room (verrière panoramique) qui était l’endroit à la mode au coucher du soleil (p. 23) et que les préservasionnistes n’ont pas réussi à sauver. Il fut dynamité le 30 janvier 2000 à huit heures du matin devant une foule de spectateurs ne comprenant pas comment un tel lieu pouvait voler en éclats et ne laisser que de la poussière (p. 24) et des volutes de poussière dorée (p. 281).La poussière est partout. Elle accompagnera la chute de l’immeuble, comme le galop des chevaux. Dans sa dimension métaphorique elle est aussi bien sûr le souvenir de la plus célèbre des actrices blondes. Enfin, comme dit en exergue, c’est un hommage à Une page d’amour d’Emile Zola quand, ce jour-là, dans le ciel pâle, le soleil mettait une poussière de lumière blonde.Si quelques semaines plus tôt elle avait loué le Bungalow 21 (qui fit l’objet de la pièce de théâtre éponyme que j’ai vue en octobre 2023) le cadre est cette fois la Suite 614 de l’hôtel. Les deux histoires s’enchaînent. On découvre un nouvel épisode de la romance entre Yves Montand et la star américaine, manifestement très amoureuse, et comblée de faire la connaissance avec la jeune Frenchie qui assure le ménage de son appartement, partage son intimité, et qui va lui traduire son ultime lettre d’amour à l’acteur (p. 96).On suivra aussi une très jolie scène de comédie dans laquelle Marilyn se grimera en Zelda Zonk pour approcher Marcelle, la mère de Pauline nostalgique du salon de coiffure parisien de la rue Bréa qu’elle laissa derrière elle pour retrouver son fiancé américain (p. 212-213).Peu importe la vérité absolue à propos de Marilyn et de sa joyeuse clique (p. 206), même si elle doit être peu ou prou exacte (l’auteure recense ses sources dans une longue bibliographie à la fin de l’ouvrage). On connait l’essentiel de la vie de cette actrice minée par l’impossibilité de devenir mère (elle souffrait d’endométriose, maladie peu diagnostiquée à l’époque), sombrant chaque jour davantage dans l’intoxication médicamenteuse et alcoolique. On sait tous à peu près ce qui s’est passé et malgré le titre, les véritables héroïnes ce sont ces femmes passionnées par le sauvetage des mustangs et qui parviennent à devenir maîtresses de leur destinée.Je suis une actrice habituée à endosser des rôles. La personne extraordinaire, c’est vous (Pauline). Sauf que vous ne le savez pas (p. 217). En plaçant cette affirmation dans la bouche de Marilyn il ne fait pas de doute que Tatiana de Rosnay éprouve une grande tendresse à son égard.L’écriture est marquée aussi par les récentes déclarations entendues dans le monde du spectacle. Il s’ensuit des portraits masculins au vitriol pour ceux qui abusent de leur supériorité qui contrastent avec ceux qui se comportent en gentlemen, en particulier le père de Pauline. Tatiana de Rosnay est clairement féministe à travers les paroles attribuées à la star américaine mettant en garde Pauline contre les hommes se comportant mal avec les jeunes femmes (…). Il fallait apprendre à leur tenir tête, elle devait s’affirmer, même si ce n’était pas facile, c'était la seule façon de faire. Elle en savait quelque chose (p. 201).Son engagement va plus loin en pointant la jalousie mal placée des femmes entre elles. Comme cette collègue qui persifle à propos d’un court instant de gloire, cette histoire avec Mrs Miller (p. 255).Tatiana de Rosnay est l'autrice de nombreux romans, dont Elle s'appelait Sarah, Manderley for ever, Nous irons mieux demain... Certains de ces ouvrages ont fait l'objet d'une adaptation cinématographique, comme par exemple celle, excellente, de Moka. Poussière blonde de Tatiana de Rosnay, Albin Michel, en librairie depuis le 7 février 2024