" N'acceptez jamais que s'impose à vous une chape de plomb conservatrice et pessimiste, fondée sur le postulat que ce qui a été fait, bâti, créé hier serait nécessairement meilleur que ce qui pourrait être fait, bâti, créé demain. La France est le pays de la querelle des anciens et des modernes. Elle a vocation à bousculer les idées, les mœurs, les habitudes, les prétendues certitudes. " (Jacques Chirac, 2011).
Dans un
article publié le 24 septembre 2021, j'introduisais ces propos chiraquiens avec la remarque suivante : " Tous ceux qui passent leur temps à dénigrer la France, à cracher et à chier sur ce beau pays, à verser matin midi et soir leur bile sur la France, sur les Français, sur le peuple français, sur les dirigeants de la France (quels qu'ils soient), sur l'avenir de la France, ce ne sont pas des patriotes, contrairement à ce qu'ils prétendent être, ce sont des ennemis de la France. " (désolé pour l'auto-citation). Aujourd'hui, on semble revenus, dans les débats politiques, à un siècle en arrière, avec de la violence verbale et aucune frontière sur la bienveillance de son adversaire et surtout, sur la convenance des propos.
Malheureusement dans cette campagne législative ultra-courte, la raison est absolument inaudible. La France est-elle en ruines ? Pas du tout, au contraire, mais qu'importe ! Il faut qu'elle soit en ruines si on veut être choisi pour sa reconstruction. Le problème, ce sont les formulations autoréalisatrices : à force de croire que la France est en ruines, on choisit les futurs gouvernants qui vont effectivement ruiner la France. Paradoxal.
La petite phrase du titre est très connue et est fréquemment attribuée à Charles Pasqua ou à Jacques Chirac (on ne prête qu'aux riches !). Elle proviendrait en fait d'un barbier malin qui, devant sa boutique, avait affiché : "Demain, on rase gratis !". L'astuce, c'est qu'il laissait cette affiche tous les jours, et donc, tous les jours, c'était gratuit le lendemain ! Avec le programme du RN, on a un peu cela, et malheureusement, comme pour les clients du barbier, beaucoup d'électeurs y croient et risquent de voter pour un candidat du RN au second tour des élections législatives. Leur sincérité n'est pas en cause : les Français ont toujours voulu croire au Père Noël et celui-ci a eu plusieurs noms : Thiers, Clemenceau, Raymond Poincaré, Pétain, Pierre Mendès France, De Gaulle, François Mitterrand, Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron... et maintenant, le Père Bardella ?
Que ce soit à la campagne des La contre-attaque du RN face à cette campagne de désistement des candidatures pour renforcer un front républicain dont on ne connaîtra réellement l'efficacité que dimanche soir prochain, c'est de dire que c'est de la cuisine, de la manœuvre politicienne. Il n'y a pourtant aucune cuisine nulle part : un candidat arrivé en troisième position qui, selon les cas, voit bien que son élection au second tour est compromise (pas toujours : il peut agréger des reports de voix des candidats non qualifiés, mais c'est assez rare car les électeurs ont voté en bloc pour les trois pôles à 90-95% si bien qu'aucun des candidats restants en lice, dans une triangulaire, n'a véritablement de réserves de voix, sauf dans quelques circonscriptions exceptionnelles), ce candidat n'a aucune raison de s'accrocher à une candidature vouée à l'échec certain.Pourtant, les déclarations de J'y mets un extrait de
élections européennes comme à celle des élections législatives, ce que dit Jordan Bardella est absolument faux. Quand il déclare qu'il est pour l'Ukraine, les faits le démentent : tous ses votes au Parlement Européen entre 2019 et 2024 montrent le contraire, refusant les sanctions économiques contre la Russie ou les motions soutenant l'Ukraine. Jordan Bardella peut même considéré comme un troll de
D'ailleurs, en matière de manœuvres et de cuisine électorales, le RN et ses alliés ne sont pas non plus absents. Ainsi, dans la cinquième circonscription du Maine-et-Loire, le candidat ciottiste soutenu par le RN Gilles Bourdouleix, maire de Cholet depuis 1995, qui avait obtenu 30,5%, avait annoncé lundi qu'il se désistait parce qu'il en avait marre de ces élections nauséabondes. Du coup, les deux autres candidats, le député sortant de la majorité présidentielle Denis Masseglia (qui l'avait battu en 2017 et 2022), arrivé en tête au premier tour avec 33,7% et la candidate insoumise France Moreau, en troisième position avec 21,3%, se sont tous les deux maintenus, croyant avoir affaire à duel Ensemble vs FI (le quatrième candidat, Jacquelin Ligot, de LR, avec seulement 10,2%, n'a pas pu se qualifier pour le second tour). Mais le suppléant de Gilles Bourdouleix a quand même déposé discrètement leur candidature au second tour à la préfecture à la dernière heure avant les 18 heures fatidiques. Résultat, il a manœuvré pour rester dans une configuration de triangulaire qui pourrait l'avantager. Il faut se rappeler que Gilles Bourdouleix, successeur du sénateur Maurice Ligot (dont il était le directeur de cabinet) à la mairie de Cholet, était aussi le député de la circonscription de 2002 à 2017 et qu'il a appartenu successivement au PPDF (parti giscardien d'Hervé de Charette), à l'UDF, à l'UMP, à l'UDI, à LR, et maintenant au RN-ciottiste, et il a même présidé le CNIP de 2009 à 2015 (résidu non giscardien du parti d' Marine Le Pen pour préparer le terrain d'une cohabitation affrontement ont de quoi inquiéter : avant le premier tour, elle évoquait le chef de l'État qui serait " chef des armées à titre honorifique " ! Et maintenant, ce mardi, elle évoquait un " coup d'État administratif " alors qu'il y a chaque semaine au conseil des ministres des nominations à des emplois publics (c'est classique), et parler de "coup d'État" (qui est très fort) alors que c'est la loi et la Constitution qui l'imposent, c'est avant-coureur d'un véritable déni de démocratie et de déni de Constitution. son billet : " Alors voilà les propos du candidat Rassemblement national, vous noterez que, s'il a tout supprimé, c'est qu'il a, au fond de sa conscience, l'idée que ses idées qu'il défend avec sa plume ne lui vaudront pas que des voix, qu'il faut travestir et avancer masqué.
Pourtant aussi, les échappées solitaires qui font polémiques parmi de candidats RN mal étudiés, mal investis, ne sont pas des exceptions. Ceux qui risquent de venir occuper (et j'emploie à dessein ce verbe) les bancs de l'hémicycle ne sont pas tous de gentils démocrates la main sur le cœur (on parlait de monopole du cœur). Je propose d'aller lire le coup de gueule d'un élu local de l'Essonne, Christian Schoettl, maire de Janvry, petite ville mais ambition folle, allez visiter son marché de Noël (plusieurs dizaines de milliers de visiteurs !), allez participer au salon mondial du chameau (et du dromadaire) avec des invités internationaux de prestige, allez profiter du bar de la plage (même s'il n'y a pas de mer, il n'y a pas que Paris Plage, qui a ouvert ses portes samedi dernier), pour vous rendre compte de ce qu'un élu local est capable de faire avec peu de moyens mais une détermination folle. Cet élu détestait la députée de sa circonscription par son absence sur le terrain, mais il demande aujourd'hui de ne pas trembler ni hésiter à voter pour elle car en face, il y a un candidat du RN qui a vite effacé ses écrits particulièrement puants publiés dans un blog, mais le maire en avait gardé des traces. Cela s'est vu lors de leur participation aux festivités néo-nazies en Autriche (ah les bals de Vienne auxquels participait Marine Le Pen au milieu des néo-nazis autrichiens le jour anniversaire de l'Holocauste)... ".
"Le Monde" a fait son dernier décompte à la limite du dépôt des candidatures du second tour ce mardi 2 juillet 2024 à 18 heures. Au départ, il y avait le 30 juin 2024 au soir la possibilité de 306 triangulaires et 5 quadrangulaires. Selon le quotidien du soir, qui s'est basé sur les déclarations des personnes concernées (il restera à ce que ce soit confirmé par la publication des candidatures le 3 juillet 2024), 218 candidats de triangulaire se sont désistés, dont 131 issus de la gauche et extrême gauche, 82 de la majorité présidentielle (Ensemble pour la République), 2 de LR et 2 du RN (même des candidats du RN se désistent ! C'est dire s'ils croient à leurs déclarations sur la supposée cuisine électorale qu'ils prétendent fustiger). Antoine Pinay). Bref, le RN semble finalement bien connaître des recettes de cuisine électorale, bien mieux que ses adversaires, qu'il dénonce pourtant avec véhémence !
Ce qui est plus étrange, c'est que certains éditorialistes reprennent cette petite musique très populiste de la supposée magouille des désistements alors qu'il n'y a aucune magouille, au contraire, cela clarifie le jeu. Ces éditorialistes (que je ne citerais pas mais dont certains étaient pourtant, anciennement, les cibles privilégiés du RN) seraient-ils en train de préparer une reconversion idéologique pour se retrouver à l'aise dans un supposé nouveau régime ?
Aussi sur le blog.
Car c'est bien cela l'enjeu : quand on donne le pouvoir à l'extrême droite, on ne sait jamais quand on pourra le reprendre. Toujours l'histoire du loup et des moutons. Il y a un côté irréversible qui pourrait angoisser tous les passionnés de Jankélévitch. Dans les pays illibéraux (un terme très mal assorti), la liberté de la presse, des médias, les contre-pouvoirs, la justice, beaucoup d'institutions sont attaquées par le pouvoir en place avec ce risque du point de non-retour.
La consigne du front républicain, à savoir celle par exemple (il n'est pas le seul) de Gabriel Attal : pas une seule voix à un candidat du RN, est malheureusement le résultat d'un profond aveuglément, mais je la soutiens car je ne vois pas quoi faire d'autre. L'aveuglément, c'est qu'une grande partie de la population, de celle qui vote RN (10,6 millions dimanche dernier) ne croit pas que le RN est un parti d'extrême droite mais simplement un parti de droite comme les autres. Pour eux, Emmanuel Macron est un dangereux gauchiste, ce qui en fait le gauchiste le plus détesté des gauchistes, si l'on en juge par le jugement de l'extrême gauche qui considère qu'Emmanuel Macron est un dangereux homme de droite vendu aux sales capitalistes apatrides... Si on était dans les années 1970, on dirait d'Emmanuel Macron : ni Pinochet, ni Brejnev ! Et le peuple a compris : et Pinochet, et Brejnev !
Que peut penser de ce front républicain un ancien électeur modéré qui vote aujourd'hui pour le RN en pensant que c'est un parti de simple droite et en croyant les discours démagogiques et aseptisés de ses quelques porte-parole ? Que c'est une opération qui tendrait à prouver que tous ceux qui ne sont pas du RN sont de gauche. Dans une logique manichéenne du vieux retour du clivage gauche/droite. Vladimir Poutine à Strasbourg, comme, du reste, la plupart des autres députés RN. Bravo le patriotisme de pacotille ! Ça craint pour mon pays !
Le dessin assez connu du loup qui promet d'être végétarien (trouvé sur le site L'Actu citoyenne, le titre en rouge a été rajouté par votre serviteur) fait beaucoup penser à Jordan Bardella. Tout dans la communication : bien habillé, poli, respectable (j'avoue que c'est un soulagement relatif par comparaison quand on regarde de l'autre côté de l'échiquier), un bureau où aucune note ne dépasse (pour une fois), un fauteuil, et puis ce discours robotisé, une leçon bien apprise, du plagiat systématique qui ne fait même pas rire et pourtant, quelle parodie de bras cassés, par exemple, dans un échange avant le premier tour, jeudi 27 juin 2024 sur France 2, Jordan Bardella s'est obligé de dire Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient ! " Vous n'avez pas le monopole du cœur ! " sans se rendre compte du ridicule de la situation (n'est pas De Gaulle qui veut, mais n'est pas Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ? Valéry Giscard d'Estaing qui veut non plus !). Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
Le ridicule, à la rigueur, mais l'ignominie, sans réaction de part et d'autre, c'est véritablement scandaleux ; quand Jordan Bardella a lancé après quelques Appel aux sociaux-démocrates. " Ben voyons ! " un : Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024). " Revoilà Jean Moulin ! " au premier secrétaire du PS Olivier Faure (par ailleurs complètement mélenchonisé). Ce cynisme montre bien le double langage qu'on retrouve aussi sur différents points de programme (et pas des points de détail !), par exemple sur la binationalité (j'y reviendrai). Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon. "de nos aïeux Francs et Aryens". "Les descendants des Aryens, eux possèdent un génie pour le courage", écrit Jérôme Carbriand, en janvier 2014.
"On comprend aisément pourquoi aujourd'hui les représentants de la communauté juive (...) s'emploient à appliquer à l'humanité tout entière leur mode de vie nomade."
"Quant aux 'pédérastes' (dixit le candidat), l'homosexualité est une forme de pathologie, l'homosexuel cherche souvent à imiter la femme, il n'est pas excessivement courageux, se laisse corrompre par tout ce qui est propre à son monde, par le matérialisme et la débauche, sa féminisation venant du fait qu'il s'identifie à sa mère."
Cet individu [le candidat RN en question] a eu le culot de m'appeler ce matin pour s'expliquer...
Il commence par me demander si j'ai lu son "droit de réponse".
Je lui demande : "Monsieur, je veux savoir si vous avez écrit oui ou non cela ?"
Il me réponds : "Mais c'est au milieu de 15 articles".
"Avez-vous écrit cela, oui ou non ?"
"Mais cela a été sorti du contexte" (vous imaginez le contexte qui permettrait de justifier ce vomi).
À la quatrième ou cinquième interrogation, il finit par dire "oui".
Du coup, j'ai raccroché en lui disant que je n'avais plus rien à lui dire.
Il faut vraiment que personne ne nous dise "je ne savais pas", "ils ont changé", "il faut bien essayer".
Maintenant chacun sait.
Ils n'ont pas changé.
Quant à "essayer", cela s'est déjà fait à Vichy.
Cela s'est vu quand ils cherchaient à assassiner le Général De Gaulle.Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
Ces désistements ne réduiront peut-être pas la victoire annoncée du RN puisqu'en 2022, le RN avait gagné 89 sièges dans des duels, montrant ainsi qu'il avait fait éclater le plafond de verre. En anticipant à longueur de journée la victoire du RN, avec les nouveaux Évangiles que sont les sacro-saints sondages, les médias se trouvent finalement être beaucoup plus complices, de fait, de la montée du RN que la classe politique elle-même. Étonnant, non ? Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
Sidération institutionnelle. Sylvain Rakotoarison (02 juillet 2024) Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024. http://www.rakotoarison.eu
(Les trois illustrations ont été diffusées sur Twitter, d'auteurs inconnus).
Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240702-legislatives.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-15-les-promesses-255560
http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/02/article-sr-20240702-legislatives.html