Mes nouveaux amis

Publié le 11 juillet 2024 par Prland

Plus de 30 années à évoluer dans l’univers de la com et des RP : je les dois à ma passion pour les médias. Pas du genre à enchaîner des heures de télévision au kilomètre ou à survoler tous les quotidiens, non. J’étais ce type bizarre qui recherchait la signature en bas d’un article qui m’avait plu, retenait les noms des JRI annoncés à la va-vite par le présentateur du 20h avant un reportage, s’attachait à la voix de l’animatrice radio ou du chroniqueur dans l’ombre de l’animateur star. C’étaient eux, mes influenceurs.

J’ai changé

Comme tout le monde, mais sans doute un peu après tout le monde, ma consommation des médias a changé et mes référents avec. Si j’ai un peu perdu de vue les grands reporters du 20h et ceux qui continuent à faire briller les matinées radio (de moins en moins quand même), je ne suis pas non plus tombé du côté « influenceurs TikTok » ou « stream de Twich » de la force. Cet autre média qui m’assure de belles découvertes, m’ouvre à de nouveaux horizons et modifie chaque jour un peu plus mon quotidien s’appelle Le podcast. 

Si j’existe, si j’existe…

Hier soir, j’assistais à une conférence intitulée « Faire durer le plaisir » à l’invitation de l’agence Auditoire et de Kessel média qui a eu l’idée maligne d’inventer le croisement entre influence et newsletter. Au micro, Michèle Fitoussi, célèbre plume du magazine « Elle » qu’elle a quitté « il y a quand même 12 ans ». Ces fameuses signatures en bas des articles que je n’oublie pas… Auteur de plusieurs livres, elle vient de lancer une newsletter dédiée à la génération des 70 ans et plus : « My beautiful Seventies » . Il suffit de l’écouter en parler quelques minutes pour comprendre instantanément la valeur de transmission. Le point commun de Pierre Haski, Charlotte de Turckheim ou encore Louis Bertignac est qu’on n’imagine pas forcément qu’ils ont 70 ans. Le deuxième est que si leur corps a 70 ans, leur tête est plutôt restée bloquée à 50 ans. Ils sont plus jeunes que moi en somme.

Vous allez me dire : « c’est bien intéressant tout ça, mais quel est le rapport avec ma nouvelle consommation des médias ? ». Alors hier soir, il y avait également au micro Marie Robert aka « Philosophy is sexy » dont j’ai dévoré tous les podcasts avant de me laisser embarquer dans son fil instagram pour combler le manque sonore. Marie, elle a cette faculté unique d’encapsuler dans chacune de ses phrases un enseignement intéressant, étonnant, qui fait réfléchir. Elle parle aussi bien qu’elle écrit (ce qui est en fait assez rare). Au fil de la discussion, elle nous a invité à ne pas confondre temps court (plaisir) et temps long (bonheur), on a compris l’importance des temps non structurés (quand on n’a rien à faire pendant une heure, à quoi on le consacre ?), la nécessité de retrouver les capacités d’émerveillement qu’on avait tous enfant, juste après avoir réalisé qu’on n’avait pas pris le temps de s’émerveiller depuis longtemps. On aurait pu sortir déprimés, heureusement, une demi-finale de foot nous attendait. Bon, on a perdu. La demi-finale mais pas notre temps. Et surtout, on n’a pas parlé dissolution, on a parlé politique au sens noble du terme, et ça c’est réjouissant.

Les podcasts

C’est donc avec son podcast que j’ai à l’origine découvert Marie. Les podcasts ont croisé ma vie de façon bizarre puisque j’en ai produit et animé avant d’en écouter vraiment. Un podcast entre potes sur les séries pendant 2 ans, une fiction de 6 x 10 minutes pour une agence, une série de portraits d’entrepreneurs pour l’entreprise dans laquelle je travaille. Entre temps, j’ai découvert « Code Source » pour un pas de recul sur l’info, « Les couilles sur la table » pour progresser en wokisme, « Vulgaire » pour rire intelligemment, « Scandales » pour revenir sur des moments forts de la la pop culture, « Philosophy is sexy » (donc) pour tenter de m’élever… Et je suis devenu accro, je me suis attaché aux narrateurs, à leur ton, leur écriture, avec ce sentiment bizarre qu’ils ne font ça que pour moi. J’ai attendu chaque nouvel épisode comme j’attendais, avant de changer, celui de « Game of thrones » ou « Succession » (que le podcast « Peak TV » décryptait mieux que personne d’ailleurs). 

LE podcast

Il y a plusieurs catégories de podcasts mais ceux que je préfère me donnent invariablement le sentiment d’assister à une discussion dans mon salon entre des gens que je ne connais pas bien au départ mais destinés à devenir mes amis virtuels. L’exemple qui me vient à l’esprit est celui d' »Amour Jungle », l’émission lancée il y a 2 semaines par Ben Mazué après un appel à participation il y a plusieurs années. Le concept place le courrier du coeur au niveau d’un acte littéraire, avec des experts qui n’en sont pas mais font preuve d’une empathie qui fait du bien.

Dans le deuxième épisode, Alexis Michalik est l’invité qui lit et réagit à chaque lettre. De quoi bousculer l’image « machine de guerre un peu métallique » de l’auteur de théâtre le plus prolixe de notre époque. Le thème de la semaine est le célibat, ça me parle. Le thème de la semaine dernière était le crush, ça me parlait aussi. Si ça se trouve, tout ce qui parle d’amour me parle, première révélation. 

Le premier courrier, lu à la perfection par Michalik, est de Peppa, 35 ans, célibataire depuis toujours. qui se demande si elle a été « construite sans le composant qui permet la connexion amoureuse ». « Moi je suis hyperméable aux gens ». « J’ai tiré tellement de traits que je ne vois plus l’horizon ». Chaque phrase est une punchline. Si Peppa existe vraiment, elle doit envisager un premier roman rapidement. Ben et Alexis rebondissent sur un courrier qui ne pose pas vraiment de question, finissent pas s’en poser mutuellement, des questions. Ben surjoue à tout moment le côté « je débute en animation, je n’ai pas les codes » mais il choisit de ne pas effacer au montage les quelques flottements trop choupis. Normal, on est dans mon salon. Les rires du public qui assiste à l’enregistrement ne perturbent même pas le côté « improvisé sur un coin de table » qui rend le tout tellement attachant. C’est évidemment en fait très produit, avec une identité, une mécanique, des rendez-vous.

Deux autres lettres se succèdent. Il y a d’abord celle d’Amélie Ceflic et sa « schizo-célibattitude ». Amélie, c’est moi je crois, Ben est celui qui me comprend le mieux peut-être si j’en crois ses commentaires éclairés. Alexis parle beaucoup de lui mais bizarrement ça continue à parler de moi. Ca doit faire ça à tout le monde. Anouk Dromale est l’auteur de la troisième et dernière lettre, elle rêve de rencontres sous l’inspiration du philosophe Charles Pepin qui définit la rencontre comme « un agrandissement de soi ». Deux chroniqueurs se succèdent ensuite avec jingles et tout (très produit on a dit) : Jean-Baptiste Toussaint de la chaînes YouTube « Tales from the click » puis la journaliste réalisatrice Elise Baudoin qui adoptent chacun le ton « courrier du coeur ». Entre-temps, on profite du fait que les courriers datent du confinement : on apprend ce que les auteurs des lettres sont devenus depuis 4 ans sans rien avoir perdu de leur don littéraire.

Ben Mazué clôture chaque épisode avec un titre inédit qui finira forcément dans un album, peut-être intitulé « Amour Jungle ». Je suis content d’avoir un nouvel ami chanteur. Un auteur de théâtre, c’est bien aussi. Et je veux que Peppa, Amélie et Anouk m’écrivent.

Sinon, je me demandais, un billet de blog par an, ça continue à justifier l’existence de ce blog ? Vous avez 4 heures.