Critique d’Une maison de poupée, d’après Henrik Ibsen, vu le 6 juillet 2024 au Théâtre des Gémeaux
Avec Philippe Calvario, Florence Le Corre, Nathalie Lucas, Philippe Person, mis en scène par Philippe Person
J’adore Ibsen, hélas trop peu joué dans notre contrée du camembert qui, après avoir jeté son dévolu sur Hedda Gabler et Une Maison de Poupée il y a quelques années, voit à présent surtout se monter Peer Gynt ou Un ennemi du peuple – que j’ai vues plusieurs fois chacune ! Je connais Une Maison de Poupée de réputation comme l’une des plus grandes pièces d’Ibsen, mais je n’ai encore jamais eu la chance de le voir joué (et je ne l’ai par ailleurs jamais lu). Bref, autant vous dire que je n’ai pas manqué l’occasion !
C’est Noël, mais Nora n’est pas à la fête. Tout pourtant semble aller pour le mieux : son mari, qui était malade, a pu guérir grâce à un voyage en Italie et vient d’être nommé directeur de la banque, ce qui devrait régler tous leurs problèmes financiers. Seulement voilà, pour pouvoir payer ce voyage, Nora a fait une grosse bidouille, et tout menace de s’effondrer sur elle…
Il y a d’abord un plaisir très subjectif. Celui de la découverte d’un grand texte. J’en découvre de moins en moins, des grands textes, puisque les classiques je commence à les connaître pas trop mal, et qu’on ne pond pas des grands textes tous les jours non plus. Donc là, vraiment, j’ai savouré. J’ai savouré la découverte de nouveaux personnages, d’un nouvel environnement, le fait de ne pas savoir où en m’emmène… Tout avait un goût de nouveau. Et un goût de grand cru.
Tout avait un goût d’Ibsen. C’est tellement merveilleux, Ibsen. C’est une ambiance tellement particulière. C’est rare d’arriver à un tel équilibre. Arriver non pas à nous émouvoir, mais à nous intéresser passionnément. Arriver à maintenir la joie et l’inquiétude à une même densité dans l’air. Faire exister des concepts autant que des personnages. Les voir se matérialiser sur scène. Le rapport de force. La puissance de la volonté. Et puis proposer de tels personnages féminins (par ailleurs remarquablement incarnés !). Quelle audace.
J’ai adoré voir les liens entre chacun se faire et se défaire presque comme si on voyait les chemins neuronaux avancer au rythme des décisions de chacun. On est quelque part entre thriller et jeu de société. Les pions avancent et reculent suivant les dés qu’ils lancent, ou qu’ils choisissent de lancer. On les voit évoluer les uns par rapport aux autres, tantôt évaporés, tantôt libres, oscillant du désespoir au bonheur comme des vases communicants. Et on oscille avec eux.
Quel texte ! Quels personnages ! Quel spectacle !