Critique de La double inconstance, de Marivaux, vue le 4 juillet 2024 au Théâtre de l’Essaïon
Avec Baptiste Bordet, Marilyne Fontaine, Emma Gamet, Agathe Quelquejay, Thomas Sagols, Xavier Simonin, et Jean-Paul Tribout, mis en csène par Jean-Paul Tribout
Cette année, mon quota classique à Avignon se fera avec Marivaux pour mon plus grand bonheur ! Mais vous savez ce qui décuple cette joie ? C’est que cette Double Inconstance est mise en scène par le génial Jean-Paul Tribout, qui sera aussi sur scène. Et qui nous permet de retrouver la merveilleuse Marilyne Fontaine. Que demande le peuple ?
La Double Inconstance, comme souvent chez Marivaux, met en scène un jeu. Un jeu des puissants sur les petits. Le Prince a fait enlever Silvia, une paysanne, car il l’aime, mais elle refuse ses avances et jure sa fidélité à Arlequin, son fiancé. Il la retient au château en espérant la faire changer de sentiments envers lui. Mais en réalité, elle ne l’a jamais vu ou plutôt croit ne l’avoir jamais vu : il s’est jusqu’ici présenté à ses yeux sous les traits d’un officier du palais, pour lequel elle pourrait bien avoir quelque affection. Pour parvenir à ses fins, le Prince va tarder à révéler sa véritable identité et, aidé de Flaminia, va tout mettre en oeuvre pour séparer le jeune couple de paysans.
Je pourrais me contenter de vous dire que c’était parfait. Je devrais probablement me contenter de vous dire que c’était parfait, car tous les mots que je vais essayer de mettre sur ce spectacle seront forcément moins brillants, moins intelligents, moins éclatants que ce que j’ai vu. Comme toujours chez Tribout, le texte est roi. Comme toujours chez Tribout, la langue est claire. Comme toujours chez Tribout, les personnages sont dessinés à la perfection. Comme toujours chez Tribout, les comédiens sont excellents. Comme toujours chez Tribout, on en ressort un peu plus grands.
Ce n’est pas ma première Double Inconstance, mais c’est sans doute la plus intéressante que j’ai vue. Celle qui joue tout, de la franche comédie au marivaudage en passant par les intrigues sociales plus sombres – voire carrément cruelles. Où l’on est constamment surpris, plein de « Oh ! » et de « Ha ! » comme si on découvrait ce texte pour la première fois. Où les punchlines marivaudiennes éclatent comme des bulles d’un bon champagne. Où les petits sont petits et les grands sont grands. Où le diable se cache dans les détails. Où les regards effraient parfois autant que les paroles. Où la légèreté côtoie la profondeur et se nourrissent l’une l’autre. Où l’on voit presque la machinerie et le calcul déteindre sur l’authenticité la plus pure et les personnages changer progressivement de couleur. Où l’on voit tout, en fait.
S’il y en a bien un qui est constant, c’est Jean-Paul Tribout. Toujours constant dans l’excellence !