Magazine Cinéma

Portrait In Black, 1960 – Dernier opus d’Anna May Wong

Par Mespetitesvues
Portrait Black, 1960 Dernier opus d’Anna Wong

L'histoire: Sheila ( Lana Turner) vit seule avec son acariâtre mari armateur ( Lloyd Nolan). Ce dernier, bien plus âgé qu'elle, est devenu impotent. Il passe ses journées alité, mais est tout de même capable de gérer ses affaires. Pour combler l'ennui, la très frustrée (sexuellement parlant) Sheila a pris pour amant le ténébreux docteur David Rivera ( Anthony Quinn), chargé de la santé du malade. Mais leur relation secrète leur pèse. Incapable de supporter cette situation plus longtemps, Rivera donne une piqûre mortelle à son patient, sans que Sheila ne soit vraiment consciente des conséquences. Évidemment, à peine quelques jours plus tard, elle reçoit une lettre anonyme dans laquelle l'auteur la félicite pour ce geste courageux. Avec cette complication désarmante, l'espoir d'une vie à deux commence à s'effilocher. Quelqu'un, quelque part, connaît leur secret. Les deux tourtereaux se lancent donc sur les traces du corbeau. Est-ce l'entreprenant Howard Mason ( Richard Basehart), qui poursuit Sheila de ses assiduités depuis quelques temps déjà? Est-ce la pure, mais dangereuse, Cathy (Sandra Dee), belle-fille de Sheila? Ou encore le chauffeur de la maison (Ray Walston), qui a subitement décidé de quitter son emploi?

Portrait Black, 1960 Dernier opus d’Anna Wong

Le réalisateur Michael Gordon, tout juste revenu de son exil après avoir été mis à l'index pendant le maccarthysme, est à la barre de cet étonnant Portrait In Black, un suspense de style néo-noir, ambitieux, mais souffrant de nombreux ratés. Âmes sombres, intrigue nourrie de mystères et rebondissements surprenants, costumes et décors somptueux, couleurs éclatantes, Lana Turner - la star hollywoodienne par excellence arborant pour l'occasion des robes classieuses créées par le couturier Jean Louis et des bijoux qui vaudraient aujourd'hui plus de 12 millions de dollars -, et plusieurs beaux plans de San Francisco sont au menu de cette production que la Universal avait dans ses cartons depuis quinze ans.

Après moult tergiversations, essais avortés et castings chamboulés, c'est finalement en 1960 qu'était présenté au public Portrait In Black (Meurtre sans faire-part dans sa version française), basé sur un scénario des inséparables d'Ivan Goff et Ben Roberts ( White Heat) coécrit avec Gordon d'après leur propre pièce écrite en 1946. Les réactions plus que mitigées ont plombé l'aura du film qui fut pourtant un beau succès au box-office (l'équivalent de 100 millions actuels). Aujourd'hui tombé dans l'oubli, le film est au catalogue de Turner Classic Movies (TCM) qui le diffuse régulièrement et s'achète en version Blu-ray chez Kino Lorber.

Trop papier-glacé pour plaire aux fans de Film Noir, pas suffisamment mélodramatique pour satisfaire les amateurs de romance troublée, Portrait In Black ne sait jamais sur quel pied danser, quoique sa valse-hésitation soit d'une grande élégance. Il est aussi pénalisé par un scénario prévisible (et très improbable), mais surtout par sa distribution hétéroclite, pour ne pas dire bancale. Pas assez fourbe, Lana Turner manque de convaincre dans son rôle de femme fatale, Anthony Quinn semble mal à l'aise, Sandra Dee est trop tendre, tandis que Richard Basehart paraît un peu trop désinvolte. Et fait cocasse, le chat siamois de Lana Turner est un copié-collé du Pyewacket de Kim Novak dans Bell, Book and Candle, sorti deux ans plus tôt.

Portrait Black, 1960 Dernier opus d’Anna Wong

Portrait In Black donne l'occasion de replonger dans les derniers moments de la période dorée des grands studios. Derrière ce design kitsch, ses développements de télénovela et des interprétations guindées, on peut y voir les derniers efforts d'Hollywood pour redynamiser une idée de cinéma déjà largement malmenée par la télévision. Pour cela, ce drame passionnel mâtiné de suspense semble figé dans le temps. Tout y est trop beau, trop lisse, trop superficiel, trop parfait.

Reste que je l'ai aimée cette série B sans avenir, ne serait-ce que pour revoir Anna May Wong, l'une de mes actrices préférées, dans le rôle de peu loquace gouvernante de la famille. Malgré sa présence à l'écran très éphémère, c'est sans doute le personnage qui a le plus de mystères et de noirceur à véhiculer. Après un long retrait des plateaux de cinéma, Anna May Wong jouait ici sa dernière partition avant de succomber l'année suivante d'une crise cardiaque, à seulement 56 ans.


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazines