Arabella - Richard Strauss

Publié le 24 août 2008 par Porky

Arabella n'est pas le plus connu des opéras de Richard Strauss. Il n'offre rien de nouveau sur le plan musical par rapport aux ouvrages antérieurs, mais outre qu'il s'agit du résultat de la dernière collaboration entre Strauss et Hugo von Hoffmanstahl, le compositeur a essayé de renouer avec l'esprit du Chevalier à la Rose, composé quelque vingt ans auparavant. C'est toujours Vienne, mais ce ne n'est plus celle, grandiose, de Marie-Thérèse ; c'est la Vienne déjà décadente où les aristocrates déclassés courent après l'argent et se transforment en bourgeois. Mais la partition est légère, brillante, "bourrée" de références à la valse (ce que l'on trouvait déjà -anachroniquement- dans le Chevalier).

Ce désir de retour en arrière n'a rien de bien étonnant. En 1929, l'Europe n'est plus celle que Strauss et Hoffmanstahl ont connu. La première guerre mondiale a tout fait tomber. L'Autriche-Hongrie est démantelée. La République de Weimar agonise dans les convulsions. Leur Europe, c'était "ce monde tardif et civilisé qui saisit l'allusion à demi-mot, encourage les seconds degrés et où la parodie n'est rien d'autre que l'hommage, la gratitude peut-être, que l'humour dédie à un passé aimé que l'Histoire périme mais que l'Art sait maintenir vivant." (1) Vienne, pour eux, c'est toujours celle de ces aristocrates parlent à moitié français. Ni l'un, ni l'autre n'a supporté la ruine de cette Europe qui avait "pour vrai ciment un ton, une culture, des manières, une civilisation." (1) D'où cette volonté de revenir au passé, parce que, pour eux, il était impossible de faire autrement.

Arabella ne sera créée qu'en 1933, à Dresde, après la mort de Hoffmanstahl. Cette oeuvre continue d'exiger de grands moyens vocaux et musicaux. Le ton de la "conversation mondaine", qui sera celui de Capriccio plus tard, exige d'impeccables chanteuses, capables de toutes les virtuosité vocales et qui soient aussi de grandes actrices.

L'argument de l'opéra en soi est assez simple bien que les nombreuses péripéties le rendent plus complexe qu'il n'est au départ. Nous sommes à Vienne, en 1869. Le Comte Waldner est un aristocrate désargenté, ayant ruiné sa famille au jeu. Son seul espoir est de marier brilamment sa fille aînée, Arabella. De la cadette, Zdenka, on a fait un garçon parce que deux filles à marier à Vienne, et qui plus est sans dot, c'est un défi trop difficile à relever.

Arabella est aimée par Mattéo, jeune officier. Mais elle ne le considère que comme un simple ami. Zdenka, déguisée en garçon, aime Mattéo mais essaie de tout faire pour que le jeune homme touche enfin le coeur de sa soeur. En vain. Il n'est pas, comme le dit Arabella, "le bon".

La vidéo qui suit montre la fin du dialogue entre les deux soeurs. Arabella explique ce que sera pour elle "le grand amour" : "celui que j'attends, s'il en existe un pour moi, de par le vaste monde, il sera là, devant moi, tout d'un coup, me regardant, moi le regardant, et il n'y aura plus doute, plus de questions, et je serai tellement heureuse que j'obéirai comme une enfant." Arabella, c'est l'inoubliable Lisa Della Casa dans son plus grand rôle ; Zdenka, c'est Annelies Rothenberger (la Sophie du Chevalier de Salzbourg, sous la baguette de Karajan), magnifique.

La suite prouvera à Arabella qu'elle a raison d'avoir confiance en son étoile. Mandryka, le fils d'un ami du Comte Waldner va surgir dans leur vie : riche, intelligent, et amoureux d'Arabella qui va tomber dans ses bras à l'issue de moult épreuves. Quant à Zdenka, elle pourra enfin abandonner ses habits masculins et se faire aimer de Mattéo.

Ce deuxième passage se situe à la fin de l'acte I : Arabella va partir en promenade mais auparavant, réfléchit à ce qu'elle attend de l'amour, réfléchit à cet inconnu qu'elle a croisé dans la rue (et qui se révélera être Mandryka) et au trouble qu'il a provoqué en lui. C'est toujours Lisa della Casa.