La paix avec les morts, Rithy Panh & Christophe Bataille

paix avec morts, Rithy Panh Christophe Bataille

J'ai décidé d'ouvrir de temps en temps ces livres perdus au fin fond de ma PAL. J'ai celui-ci depuis un moment. A l'époque, je recevais mystérieusement l'office de Grasset. Cela a duré quelques mois. Et j'ai à présent quelques titres hétéroclites dans ma PAL, des titres que je n'aurais pas forcément choisis spontanément. Pour autant, je suis heureuse d'avoir lu ce livre, profondément humain et étonnamment poétique... Rithy Panh est cinéaste. Il décide un beau jour de retourner sur les terres de ses ancêtres, à la recherche des lieux où les siens ont été enterrés. Sous le régime khmer rouge, des millions de cambodgiens ont en effet été tués par idéologie, parfois sous la torture et dans la faim. Il est difficile de retrouver les lieux exacts des sépultures des victimes. De très nombreux corps ont été jetés dans des fosses communes. Longtemps, les habitants de la région ont retrouvé des ossements, puis la vie a repris, avec les fantômes des suppliciés comme compagnie. C'est son histoire que nous raconte Rithy Panh, celle de sa famille, de son père, de sa mère, de ses soeurs. Des enfants ont péri aussi, des neveux et nièces. Rithy Panh part à la rencontre des morts, mais aussi de ceux qui ont survécu, qui se souviennent, et des bourreaux. Le combat est de lutter contre l'oubli mais aussi de chercher la paix... A priori, Georges Bataille a participé à ce texte magnifique, poétique et plein de leçons de vie. Je n'y ai trouvé pour ma part que la voix de Rithy Panh, pleine de sagesse. Bien entendu, des horreurs sont décrites dans le récit du cinéaste. Il a lui-même assisté à des scènes atroces. Mais sa quête d'apaisement est très belle, étonnante. Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, elle ne cherche pas l'oubli, seulement à éviter le retour du crime.

" Chaque année, je retourne à Wat Pô, près de Battambag, où j'ai enterré tant de corps dans les fosses. Je reste peu. Je passe. Je reviens.
J'ai souvent raconté ce lieu. J'aime me répéter. Mieux, je crois aux vertus de la répétition - ce n'est pas la fin du monde déductif ; c'est l'irruption de la profondeur. Je crois qu'il faut dire, redire, montrer, énoncer, différemment bien sûr, non pour préparer le retour ou pour l'empêcher avec certitude. Pas même pour éprouver sa mémoire. Mais comme une méditation. Répéter, c'est rénover les mots.
Ce n'est pas vrai qu'une seule fois suffit. Il faut se répéter pour lutter contre le crime [...]. "

Editions Grasset - janvier 2020

J'ai aimé ce livre, un peu, beaucoup...