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Moïse à vélo

Publié le 02 juillet 2024 par Nicolas Esse @nicolasesse

Le jour hésite et moi aussi, au départ de cet été coincé dans ses cale-pieds. Du noir profond au gris glacé, les nuages s’entassent aux quatre points cardinaux.

Pour l’instant, il ne pleut pas.
Pour l’instant.

Ensuite, c’est à toi de voir. Dehors, le vent mutin te siffle qu’il t’attend et que rien de fâcheux ne pourra t’arriver. Toi, tu sais bien qu’il ment. Tu auras à peine mis ton derrière sur ta selle qu’il mettra en perce les barriques du ciel. Pourtant cette lueur à la lisière des montagnes te décide à enfourcher Rossinante, avec quand même une veste imperméable dans la poche arrière gauche, faudrait pas prendre les enfants du bon Dieu pour des grenouilles météo.

Donc, nous voilà partis, mon vélo et moi, petite montée, gravier, descente rafraîchissante avant le raidillon à quinze degrés qu’à ma grande surprise je franchis sans mettre pied à terre. Et pas une seule goutte. Se pourrait-il qu’une force venue du ciel retienne ses torrents et infuse un sang neuf à mes jarrets usés ?

Il se pourrait.

J’avance, vent de face et ma proue fend la coulée de nuages.
Moïse peut aller se rhabiller. En plus, son canal de Suez c’était même pas la mer Rouge mais un vague delta du Nil plein de roseaux que le vent avait découverts jusqu’à la plante des pieds.
Donc, à ma droite un rideau de pluie. Même topo à ma gauche et moi bien au sec au milieu. Il y a des jours où on se prend à rêver d’un monde où les orages épargneraient les cyclistes et réserveraient leur courroux à l’usage exclusif des conducteurs de gros 4X4 ou de motards à explosion. Presque deux heures que je roule et je ne suis à peine brumisé. Soigneusement pliée dans la poche gauche, ma veste imperméable s’étonne d’être encore là. Le vent est presque tombé. Quelque chose a dû se passer, une météorite à explosé le carburateur de la mécanique céleste et le culbuteur a culbuté.
Je ne peux pas ne pas finir inondé de la tête aux pieds.
C’est mathématique.
Statistique.

Et pourtant, je roule tranquille aux franges d’un orage immobile, lové dans cette poche de bonheur étale, étanche, insensible à la lueur des éclairs, hors de portée de la horde, du tonnerre qui gronde et du fracas du monde.


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