John Lennon et la Chanson qu’il Voulait Oublier : ‘John Sinclair’

Il existe de nombreuses histoires de chansons que John Lennon détestait, mais elles sont généralement écrites par d’autres. Surtout à la fin des Beatles, il était plus que heureux de critiquer les efforts d’écriture de Paul McCartney. Mais dans ce cas, sa critique était tournée vers lui-même lorsqu’il parlait d’un morceau largement inconnu.

Lennon en serait content. Il serait sûrement ravi que cette chanson, qu’il détestait écrire et qu’il ne considérait pas comme faisant partie de son véritable portfolio d’auteur digne, ait été oubliée par l’histoire. Même en écrivant la chanson, il a tracé une ligne de séparation entre celle-ci et le reste de sa musique. Ses autres œuvres étaient une création artistique née d’effort et de passion. Celle-ci était clairement un exercice de compétence, conçu pour gagner de l’argent rapidement.

Il n’est pas rare qu’un artiste, même au niveau de Lennon, reçoive une commande d’écriture de chanson. C’est une chose assez courante même pour les plus grands artistes du monde d’écrire des chansons pour d’autres artistes, comme Prince l’a fait avec «Manic Monday», ou pour un but, que ce soit une publicité, un film, une entreprise ou, dans le cas de Lennon, une cause.

Dans ce cas, la cause était John Sinclair, écrivain, activiste et ancien manager du MC5. Lors de la répression des drogues, en particulier dans les cercles contre-culturels, Sinclair est devenu une cible. Sinclair était suivi par deux agents infiltrés des narcotiques. Après leur avoir offert un joint, il a été condamné à 10 ans de prison pour l’infraction.

La condamnation a suscité l’indignation dans les milieux musicaux et contre-culturels. Des figures anti-establishment et des musiciens se sont réunis pour Ten For Two, un rassemblement de protestation en soutien à Sinclair. Chaque bonne manifestation a besoin d’une bonne chanson de protestation, alors la tâche a été confiée à Lennon.

« Ils voulaient une chanson sur John Sinclair. Alors je l’ai écrite », a-t-il dit à propos du morceau, intitulé à juste titre «John Sinclair». Il semble que Lennon ne se souciait pas beaucoup de la cause ou de la chanson, mais le projet était une bonne occasion de prouver à quel point il était capable en tant qu’auteur-compositeur, étant payé pour jouer. C’était une façon de montrer son talent, capable d’écrire une chanson apparemment sur n’importe quoi à tout moment.

« C’est la partie artisan de moi. Si quelqu’un me demande quelque chose, je peux le faire. Je peux écrire n’importe quoi musicalement. Vous le nommez », a-t-il dit, « Si vous voulez un style et si vous voulez quelque chose pour Julie Harris ou Julie London, je pourrais l’écrire. »

C’était une compétence avérée. En 1963, lorsque les Stones avaient demandé une chanson à Lennon et McCartney, ils s’étaient fameusement retirés dans un coin et l’avaient écrite sur place. « Nous sommes revenus, et c’est ainsi que Mick et Keith ont été inspirés pour écrire parce que, ‘Jésus, regardez ça. Ils sont juste allés dans le coin, l’ont écrite et sont revenus !’» se souvient Lennon, prenant crédit pour l’éveil de Jagger et Richards en tant qu’auteurs-compositeurs. « Juste devant leurs yeux, nous l’avons fait. Alors nous leur avons donnée. »

Mais bien que cela soit quelque chose que Lennon pouvait faire, ce n’était pas quelque chose qu’il voulait faire car il n’a jamais caché sa haine pour le morceau et pour la façon de travailler que cela exigeait. « Je n’aime pas ce genre de travail. J’aime faire un travail inspiré », a-t-il dit. Pour lui, les chansons qu’il écrivait de son propre gré selon ses propres termes étaient de l’art. De l’autre côté, des chansons comme «John Sinclair» n’étaient que du travail.

« Je n’écrirais plus jamais une chanson comme ça maintenant », a-t-il dit en 1980 alors que la chanson tombait rapidement dans l’oubli puisque l’homme dont elle parlait a été libéré peu de temps après sa sortie.