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Le soldat désaccordé

Publié le 29 juin 2024 par Adtraviata
soldat désaccordé

Quatrième de couverture :

Paris, années 1920. Un ancien combattant est chargé de retrouver un soldat disparu en 1917. Arpentant les champs de bataille, interrogeant témoins et soldats, il découvre peu à peu la folle histoire d’amour que le jeune homme a vécue au milieu de l’enfer. Alors que l’enquête progresse, la France se rapproche d’une nouvelle guerre. Notre héros se jette à corps perdu dans cette mission désespérée, devenue sa seule source d’espoir dans un monde qui s’effondre.

Voilà un roman que j’avais envie de lire indépendamment de la sélection du Livre de poche, j’étais donc contente de le trouver en ce mois de juin. Un roman de plus sur la Grande Guerre ? Oui et non puisque le narrateur (dont nous ne connaîtrons pas le nom), blessé et amputé de la main gauche durant la bataille de la Marne en 1914 – et retourné à l’arrière des divers fronts pour donner le maximum d’aide possible – s’est « recyclé » en enquêteur après la guerre : il aide notamment la veuve d’un soldat fusillé pour mutinerie à prouver que celui-ci n’était pas un traître, il recherche des soldats portés disparus dont les familles, ne connaissant pas la réalité atroce des combats, continuent envers et contre tout à croire que leur proche est toujours vivant. Sa propre blessure lui donne une légitimité pour enquêter et il peut compter sur des anciens camarades pour lui fournir des informations. Tout en menant ses investigations, il se souvient de sa compagne Anna qui l’a attendu mais dont on devine, anxieux, que cet amour s’est mal terminé.

C’est ainsi que la mère d’Emile Joplain le contacte pour retrouver la trace de son fils, dont les dernières remontent à la bataille de Verdun dont il est sorti blessé. Au fil des recherches, se dessine la folle histoire d’Emile, tombé amoureux très jeune d’une (très jeune) Alsacienne aux origines trop modestes pour le standing de la mère Joplain, mobilisé dans l’armée française, ne cessant de parler de son amour et de lui écrire des poèmes malgré les frontières fermées.

J’ai trouvé ce narrateur particulièrement touchant dans sa quête d’Emile Joplain qui lui rappelle de douloureux souvenirs difficilement transmissibles. A travers lui, l’auteur – dont je découvre la plume vive, pleine d’autodérision, de gouaille, de fantaisie, d’inventivité pour dire malgré tout l’horreur de la guerre et la grande camaraderie qui permettait aux poilus de tenir – rend hommage à toutes ces vies fauchées, blessées, mutilées et au courage des survivants que l’on oublie peu à peu, d’abord dans l’étourdissement des Années folles puis dans la crainte d’une autre guerre à venir. Un très beau roman !

« On a quitté nos femmes et nos enfants, pour ceux qui en avaient. Je me souviens d’Anna sur le quai de la gare. Seule au milieu de ses amies. Et moi, seul à la fenêtre de mon pauvre wagon, entouré de plusieurs dizaines de têtes et de képis. Ça chantait, ça criait mais c’était seul. Ce sont les au revoir. C’est comme ça. On a beau mettre une foule en décor, elle ne fait pas le poids face à la solitude. »

« En 1925, la France fêtait sa victoire depuis sept ans. ça swinguait, ça jazzait, ça cinématographiait, ça électroménageait, ça mistinguait. L’art déco flamboyait, Paris s’amusait et s’insouciait. coco chanélait, André bretonnait, Maurice chevaliait.
Malgré tout, je ne parvenais pas à m’abandonner à cette insouciance. J’étais loin d’être seul. On avait beau faire semblant, on avait traversé l’enfer.
Cette histoire d’amoureux disparu, ça me permettait de me retourner sur cette guerre avec l’espoir de trouver un peu de beau dans tout ce merdier. »

«  »La seule chose bonne que j’aie rapportée des tranchées, c’est mon goût du pinard. Pour ça, on n’en manquait pas souvent ! Mais je ne bois que la nuit ! »
Il a souri bizarrement et, je dois le dire, assez bêtement. Il nous a servi deux grands verres de vin.
Lorsque je lui ai fait remarquer qu’il ne faisait pas encore nuit, il a fermé les volets de la pièce en marmonnant qu’il était tombé sur un qu’a des principes mais comme ça on dirait qui f’rait nuit. »

Gilles MARCHAND, Le soldat désaccordé, Le Livre de poche, 2024 (Aux forges de Vulcain, 2022)

Prix des lecteurs du Livre de poche – sélection Juin 2024 (après un peu d’hésitation, j’ai voté ce mois-ci pour Fleur de roche)

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