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La chambre

Publié le 28 juin 2024 par Réverbères
chambre
FMG©2024
Depuis toujours, la chambre est la pièce que je préfère dans les différents lieux où j’ai habité. Ça tombe bien, c’est l’endroit où d’habitude on passe le plus de temps. C’est aussi l’endroit où l’on peut se retirer du monde pour se plonger dans un calme réparateur, que ce soit en dormant ou non.
Enfant ou adolescent, ce ne fut pas toujours facile pour moi. Dernier d’une famille de cinq enfants, la chambre fut le plus souvent une antre à partager. Au début – mais je ne m’en souviens pas – j’accompagnai mes parents, pendant un hiver frigorifique. À part cette chambre parentale, que je fus le seul enfant à occuper, il y avait trois chambres, pour une fille et quatre garçons. Les comptes étaient faciles. Seul le partage tenait la route. Ce fut assez logiquement avec mon frère Bernard, mon aîné le plus proche. Je garde de très beaux souvenirs de ces moments où nous vivions chacun nos rêves, très différents. On se disputait quelques fois, mais plus souvent, on jouait ensemble. Au début de notre adolescence, nous descendîmes tous les deux d’un étage, dans une chambre plus grande, alors qu’une nouvelle pièce avait été aménagée pour notre sœur. La cohabitation fut plus difficile pour différentes raisons. Celles-ci m’amenèrent d’ailleurs à une opération de révolte : j’allai m’installer dans le grenier, accessible seulement par une échelle avec un matelas placé juste à côté du gouffre ! Je ne sais plus combien de temps a duré ce bras de fer, mais j’obtins gain de cause : la grande chambre du premier étage fut divisée en deux par une mince cloison. Je m’y installai avec délectation, mais non sans concession : c’était l’espace le plus petit avec un minuscule lit à replier chaque jour et avec une servitude de passage pour mon frère. Mais j’étais chez moi. Par la suite, mes frère et sœur s’en allant vivre – parfois de manière provisoire – leur propre vie, j’occupai en réalité toutes les chambres de la maison, avec au total sept « chambres » habitées dans cette maison natale.
Par la suite, mes différents déménagements m’amenèrent à m’installer dans une quinzaine d'autres chambres (sans compter toutes celles dans lesquelles je n’ai fait que passer, dans des hôtels, sordides ou non, lors de mes nombreux voyages professionnels).
Aujourd’hui, je passe mes nuits et d’autres moments dans la chambre. Notre chambre, même si j’y suis seul depuis deux ans et demi maintenant. Nous avions, il y a huit ans déjà, choisi cette maison notamment parce qu’elle offrait une chambre de plain-pied. Naïvement, je pensais que c’était là que nous allions nous installer. Quand je t’en ai parlé, tu m’as rétorqué « Mais tu n'y penses pas, nous ne sommes pas des petits vieux » ! Comme toujours – ou plutôt souvent – tu avais raison. Et nous nous sommes installés à l’étage. J’y suis encore.
Chaque soir, lorsque je rejoins la chambre, je m’installe pour lire quelques pages. Avant, je ne lisais jamais au lit. Tu lisais. J’ai pris le relais. Pour toi. Ce moment d’intimité, c’est avec toi que je le vis. Quand j’ai fini et que je m’apprête à vivre mon propre rituel ancien – un quart d’heure de musique au casque – je m’arrête quelques instants. Je regarde sans regarder le rideau de la fenêtre. Je ne regarde surtout pas ta place qui est vide à côté de moi. Je te regarde, toi, dans ton absence éternelle, mais si présente dans mon cœur, dans ma tête. C’est en réalité le meilleur moment de ma journée.
Alors, je peux m’endormir, dans la chambre. Notre chambre.

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