Le propos de Christophe Levaux, en abordant le tout premier album éponyme de Rage Against The Machine, va au-delà de la simple volonté de vouloir décortiquer ses dix chansons et le contexte qui les ont vues naître. En effet, si certains albums sont immédiatement des succès commerciaux et critiques, d’autres ne le deviennent qu’avec le temps, cette reconnaissance étant alors à étudier. Nombres d’albums ayant presque aussitôt été consacrés le demeurent, comme des classiques de leur temps mais aussi des incontournables des années après. Rage Against The Machine est de ces albums qui ont tout de suite percé et été à la cime d’une vague dont les effets auront été proche du raz-de-marée (ou tsunami si vous préférez). Cependant, l’auteur s’interroge sur le pourquoi de la disparition progressive du groupe et surtout de son album emblématique des radars… Comment sa résonance s’est-elle petit à petit fait moins perceptible, comme si l’œuvre n’avait pas réussi à survivre à son époque, voire à la décennie qu’elle a pourtant grandement aidé à définir ?
Ainsi, toute la genèse de ce premier album d’un groupe signé sur une major est retracé : de sa pochette cultissime avec la photo de ce moine bouddhiste qui, en 1963, s’était immolé en signe de protestation contre l’oppression du régime vietnamien… photo dont l’impact fut immense, son auteur récompensé et, surtout, dévoilant au monde ce qu’il se passait dans le pays et, d’une certaine façon, ouvrant la voie à ce qui allait donné lieu à une guerre avec l’intervention des États-Unis.
Entre ce visuel et le nom choisi par le groupe, tout est d’entrée explicitement mis en avant par le quatuor, et lorsque l’album sort en novembre 1992, c’est sur un fond violent encore en braise puisque les émeutes de Los Angeles sont encore présentes dans tous les esprits – le racisme sociétal dans le pays ayant été alors également dévoilé à la face du monde alors qu’on le croyait (naïvement) disparu ou presque.
Le chanteur Zack De La Rocha et le guitariste Tom Morello sont tous deux des métisses, respectivement d’origine mexicaine-états-unienne, et italienne-kenyanne, et sont profondément de gauche (pour le dire simplement), et cela transparaît dans absolument toute leur musique, sur disque comme sur scène.
La musique du quatuor doit autant au métal qu’au rap, et la fusion qu’ils amèneront sera alors l’une des plus grosse claques, pour ne pas dire l’un des plus gros coups de canon de toute la décennie ! (Personnellement, hormis Nervermind et « Smells like teen spirit » en particulier, je ne vois alors aucun autre artiste ayant fait un tel boom, digne du franchissement du mur du son, à la fois en terme musical et d’impact sur le public).
Christophe Levaux introduit donc l’album, puis nous informe sur le choix de sa pochette. S’ensuit un chanson après chanson, en deux parties (faces A et B). Il termine en s’attachant à la réception du disque (vendu à l’époque à plusieurs millions d’exemplaires, ce qui était et reste colossale), tente de voir pourquoi il est si peu souvent cité par d’autres artistes comme une référence ou influence – mais on le sait, toute révolution, si elle est réussie (ne me demandez-pas en quoi elle serait une réussite…), se doit de ne durer qu’un temps – en serait-t-il dès lors de même pour une musique aussi engagée, passionnée, enragée et donc révolutionnaire que celle de RATM ? Avec trois décennie de recul, l’Histoire semblerait indiquer que oui. Cela ne fait finalement qu’ajouter à son statut culte, incontournable et absolument inimitable.
(in Heepro Music, le 27/06/2024)
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