Série : Randolph Carter
Titre : T1 la Ville sans nom
Auteurs : Simon Treins (scénario), Jovan Ukropina (dessins), Stéphane Paitreau (couleurs)
Éditeur : Soleil
Collection : Fantastique
Année : 2024
Pages : 56
Résumé d'une bien étrange histoire...
Randolph Carter est dans l'armée sur le front de la Somme en juillet 1916. Chargé de s'infiltrer dans les lignes Allemandes, muettes depuis un certain temps. Le commando de Carter va découvrir des tranchées vides, à part quelques corps putréfiés. Et soudain, une odeur de charnier, et l'horreur d'une déferlante indescriptible. Le groupe aura à peine le temps de demander un tir d'artillerie et de mortier. Carter tombe inconscient, il se réveillera au moment de son évacuation. Il est le seul survivant, personne ne sait ce qui s'est passé, et quand il se rend compte qu'on le prendra comme un fou s'il dit la vérité, il se tait rapidement. Rapatrié dans le Sud pour être soigné, Carter ne sait pas qu'il n'a encore rien vu...
Le scénario d'un mystère bien épais:
Randolph Carter est un personnage créé par le romancier Howard Phillips Lovecraft. Amené à voyager entre l'espace et le temps, il est le héros des récits composant le cycle de dans " Démons et Merveilles ". Mais dans sa biographie, il y a un trou de quelques années, que Simon Treins a décidé d'explorer.
Avec ce récit, qui démarre par une vision cauchemardesque avant d'avancer doucement, entre voyages lointains, rencontres mystérieuses et témoignages insensés. On retrouve dans ce mélange entre ce qui est raconté et ce qui est vécu la très nette influence de Lovecraft. Mais Simon Treins ne s'arrête pas là, il amène aussi d'autres personnages ayant réellement existé, un peu comme Hugo Pratt dans Corto Malteses, qui fleurit les voyages du marin par des rencontres de personnalités célèbres. On prend donc plaisir à voir passer Aragon ou encore Bierce, deux écrivains fort différents.
Et à côté de ces moments, il y a la sourde horreur qui rampe. Carter suit un chemin qu'il ne sait pas qu'on lui a tracé, cette intrigue de fond le fait se heurter à des témoignages improbables, il frôle les informations que tout lecteur assidu de Lovecraft, connaissons. Mais heureusement, si vous n'avez jamais ouvert un livre du maître de l'horreur cosmique, vous prendrez encore plus de plaisir à lire cette BD et à découvrir petit à petit ce qui attend le pauvre Randolph Carter.
L'ambiance jongle entre mystère et polar, une sorte d'enquête pour comprendre ce qu'il en est, avec son lot de mensonges et de traîtrises. Et si on flirte avec l'horreur, l'angoisse n'est jamais pesante. Une jolie surprise.
Le dessin réaliste :
Jovan Ukropina opte pour un trait réaliste. Ses personnages nous rappellent parfois quelqu'un que l'on connaît. Son encrage dense se repère à de lourds traits de contour vraiment marqués, enfonçant les personnages dans la sombre réalité. Les décors moins marqués sont travaillés dans la précision, avec cette estompe qui apparaît avec la distance, les couloirs sombres, les villes en plein soleil, autant de moyens de faire ressortir l'architecture ambiante ou la nature indomptée.
Les couleurs de Stéphane Paitreau savent accentuer le mystère, comme dans l'exploration des tranchées allemandes du début, ou ouvrir sur de grands espaces, comme le ciel bleu de Marseille.
Les planches savent exploser tout d'un coup pour laisser surgir la surprise, la monstruosité ou le mystère, que ce soit sur l'île perdue, dans cet appartement miteux de Marseille ou au coeur des tranchées...
Conclusion d'une BD bien menée:
Cette petite exploration du monde de Lovecraft vaut le détour. J'aime beaucoup ce romancier et ça fait plaisir de voir des gens s'emparer astucieusement de ses personnages et de son univers. J'espère que la tension continuera à monter avec le tome deux.
Zéda rencontre Randolph Carter !