"La nuit des femmes" de Sandrine Biyi

Par Cassiopea

La nuit des femmes
Auteur : Sandrine Biyi
Éditions : Savine Dewilde (8 mars 2024)
ISBN : 978-2957588343
410 pages

Quatrième de couverture

La Nuit des Femmes reprend les tomes 1 et 2 de Sorcières, précédemment édités aux éditions du halage. Réécrit et achevé, il livre l'histoire de quatre soeurs dans le Périgord du XII siècle, en 1178, sur les terres de Bertran de Born, chevalier et troubadour de renom. Quatre soeurs prises dans la tourmente de la guerre entre les fils d'Aliénor et son époux, quatre soeurs fuyant le pouvoir implacable et l'acharnement de l'Église à les accuser de sorcellerie.

Mon avis

1178, Aliénor d’Aquitaine est bien en place mais la guerre n’est pas loin, le conflit es proche entre ses fils et son époux. C’est une dame qui entend vivre sa vie comme elle l’entend quitte à être infidèle, de plus elle aime festoyer… On est en plein Moyen-Âge (une période chère à l’auteur qui se documente et sait de quoi elle parle) et les femmes n’ont pas souvent le premier rôle. Souvent, on choisit pour elles et elles subissent. D’ailleurs c’est le cas à Hautefort, domaine où le seigneur est Bertran. Dans son château, il élève ses quatre nièces. Leur mère, Inberge, est cuisinière et leur père a fui dans un couvent, alors l’oncle a décidé de leur offrir une belle éducation afin de pallier au manquement des parents.

Les frangines ont des qualités, elles sont unies et n’aiment pas être soumises. Elles gardent une liberté de mouvement impressionnante pour l’époque. Leur mère, dans laquelle leur père n’a vu qu’une servante, a des connaissances. Elle fait le sabbat (assemblée nocturne entre « sorcières ») avec d’autres femmes. À la lueur des feux qu’elles allument, elles deviennent différentes, elles sont dans la lumière, peuvent se révéler sans craindre le regard des hommes. Elles échangent leurs visions, leurs savoirs, s’aident… Elles sont déjà en plein combat féministe ! L’avortement contre les grossesses non désirées, les potions pour améliorer leur quotidien et bien d’autres médications n’ont pas de secret pour elles.

Alors, forcément, les filles vont parfois en forêt, elles se sentent attirées par Elvire, une guérisseuse installée dans une cabane. Bertran sait qu’elle existe et qu’elle vit dans les bois. Il reconnaît qu’elle a des pouvoirs pour soigner mais il ne peut pas afficher son « soutien », même s’il lui arrive de faire appel à elle en cachette. Il a des projets pour ces jeunes femmes et entend les mener à bien, en les obligeant à s’éloigner de toute forme d’ésotérisme. Marier Anne, l’aînée, caser où il pourra la petite dernière qui est aveugle, trouver une solution pour Isabel et surtout « dompter » Justine, sa préférée au caractère flamboyant et imprévisible.

C’est ce qu’il souhaite, mais on ne maîtrise jamais tout, n’est-ce pas ? Un mariage et tout lui échappe, dénonciation, mensonges, certains n’attendent pas pour mettre le feu aux poudres. Que vont devenir les quatre sœurs ? Vont-elles rester soudées, se déchirer ? Leur destin est-il vraiment entre leurs mains ? Elvire sait, sent, qu’elles sont appelées à être proches d’elle …

Portée par une écriture fluide, agréable, précise, avec un choix de vocabulaire bien ciblé, ce récit nous emporte dans un roman historique captivant et très intéressant. On y découvre le rôle trouble des hommes d’Église, leur intransigeance, leur refus de dialogue et les souffrances terribles qu’ils ont infligées aux femmes. On peut comprendre que « les aptitudes » des « sorcières » faisaient peur, mais de là à les punir, à les brûler vives, à les torturer, non, c’est inconcevable.

Avec cette histoire, Sandrine Biyi rend un vibrant hommages à celles qui n’ont pas cédé, qui ont accepté de mourir dans des conditions atroces pour montrer la voie à toutes celles qui ne baisseront jamais les bras.