Franck Thilliez – Norferville

Par Yvantilleuil

Les grands maîtres du polar savent décidément quoi faire afin de nous garantir des frissons. À l’instar de R.J. Ellory, qui nous emmenait dans un bled perdu du Nord-Est du Canada dans « Une saison pour les ombres », Franck Thilliez nous invite à enfiler une bonne paire de moufles et un bonnet bien chaud avant d’embarquer pour Norferville, une ville minière fictive située dans le Grand Nord québécois.

C’est là, au milieu des lacs gelés, des paysages enneigés à perte de vue, des blizzards mortels et de tout ce qui peut contribuer à nous faire froid dans le dos, que le corps sauvagement mutilé d’une jeune Française est découvert. Afin de nous aider à découvrir l’identité de l’assassin, Franck Thilliez nous propose un nouveau duo de policiers bien chaudement vêtus, mettant donc temporairement son enquêteur fétiche, Franck Sharko, au frigo.

Lorsque sa hiérarchie décide de l’envoyer sur place pour mener l’enquête, Léonie Rock n’est pas vraiment très chaude (oui, je sais !). Alors certes, étant à moitié Innue et ayant grandi sur place lui donne un avantage, mais le traumatisme du passé qu’elle avait profondément enfoui risque par contre de remonter à la surface et d’influencer son jugement. Il n’est d’ailleurs pas certain que l’autre enquêteur, un criminologue lyonnais nommé Teddy Schaffran, soit vraiment objectif car il n’y va pas non plus de gaieté de cœur, mais pour des raisons très personnelles… la victime étant sa propre fille !

En résumé, pour ceux qui auraient déjà le cerveau engourdi par les températures polaires, nous avons donc un crime sordide, deux enquêteurs animés par un sentiment de vengeance extrême et un décor qui risque certes de vous geler les… extrémités, mais qui garantit frissons et dépaysement. Ah, et j’oubliais presque, afin de réchauffer un peu l’ambiance, l’auteur ajoute une bonne dose de tension sociale, alimentée depuis des décennies par une cohabitation pour le moins houleuse entre les différentes communautés. Il faut dire que les braves autochtones qui vivaient gentiment en harmonie avec la nature se sont subitement retrouvés parqués dans des réserves, tout en subissant les ravages de l’alcool et autres drogues. Bref, une colonisation qui a laissé des vilaines traces et qui ajoute un peu d’huile sur le feu. Et pour couronner le tout, selon les autochtones, la région serait également peuplée de wendigos, des créatures surnaturelles, maléfiques et anthropophages que vous n’avez pas vraiment envie de croiser. Bref, l’environnement idéal pour y planter l’intrigue d’un roman noir !

Si Franck Thilliez utilise à merveille ce décor peu hospitalier pour nous faire trembler, il s’en sert également afin de dénoncer les discriminations et les souffrances endurées par les Premières Nations et de mettre en lumière la condition des femmes amérindiennes, ces « maudites sauvagesses » exploitées, violées, assassinées, dont les disparitions massives ont malheureusement mis beaucoup trop de temps à faire scandale.

Et afin de ne pas nous laisser mourir de froid, le maître du polar français nous livre à nouveau un véritable « page-turner », nous incitant donc à tourner les pages au plus vite afin de rester constamment en mouvement. Bien vu !

Norferville, Franck Thilliez, Fleuve Noir, 456 p., 22,90€

Elles/ils en parlent également : Yvan, Anthony, Aude, Nadia, Thomas, Mélanie, Pat, Fanny, Cécile, Benjamin, Petite étoile livresque, À la page des livres

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