Au début des années 1960, les sons de la musique gothique étaient encore un rêve lointain. Il y avait déjà des groupes comme The Doors et Black Sabbath qui ont aidé à révéler aux artistes les véritables ténèbres dans leur âme, mais ils restaient avant tout des groupes de rock. Leur musique parlait de l’obscurité de la société en général, mais la musique gothique évoquait le cœur noir qui réside en chacun, et comme tous les grands genres musicaux, elle tend à remonter aux Beatles.
Certes, il est difficile de considérer un groupe aussi influent que les Fab Four comme ayant joué un rôle dans la création de la musique pour les marginaux. Bien que la culture gothique soit devenue une force bien plus puissante de nos jours, les Beatles étaient loin de porter du maquillage noir autour des yeux lorsqu’ils composaient des chansons comme ‘I Wanna Hold Your Hand’.
Bien que 95 % de leur catalogue traite d’amour, ‘Yes It Is’ est l’une des chansons les plus glaçantes que le groupe ait jamais composées jusqu’à ce moment-là. Même si le groupe pouvait s’adonner à leurs habituelles plaisanteries lors du tournage du film Help!, cette face B est en réalité l’une des premières instances où quelque chose pouvait être considéré comme « gothique ».
Commençons par définir ce que signifie être gothique dans ce contexte. Que les artistes chantent ou non sur les sujets les plus sombres imaginables, il y a toujours une bonne dose de mélancolie qui traverse presque toutes les chansons qui entrent dans cette catégorie, et les Beatles rendent déjà la pièce inquiétante grâce à la brillante guitare pedal steel de George Harrison.
Bien que cela semble être la ballade romantique typique que l’on attendait de A Hard Day’s Night, c’est une œuvre de chagrin d’amour, alors que John Lennon chante qu’il n’autorise pas sa nouvelle amante à porter du rouge car cela lui rappelle trop son ancienne flamme. Il y a de nombreuses voies que pourrait emprunter un auteur-compositeur, mais compte tenu du ton nerveux derrière chaque accord, le fait qu’il ne dit pas où elle est partie permet de laisser libre cours à l’imagination.
Pour autant que l’on sache, cette fille aurait pu laisser Lennon sur le carreau pour avoir été un mauvais petit ami, mais la façon dont Lennon chante implique qu’elle pourrait avoir trouvé la mort des années auparavant, et qu’il est encore en deuil. Il essaie de l’oublier autant qu’il peut, mais la fierté prend toujours le dessus chaque fois qu’il essaie de penser à faire un pas vers quelqu’un d’autre.
Bien que Lennon lui-même voyait cette chanson comme une autre version de ‘This Boy’, qui parlait d’un gars tombant amoureux d’une fille prise par quelqu’un d’autre, dans ce cas, la fille est partie pour toujours, et que ce soit dans les bras d’un autre ou de l’autre côté de la réalité, Lennon ne fait que se morfondre dans son chagrin.
Et n’oublions pas que ce n’est pas la première chanson écrite sur une amante décédée. Le classique du doo-wop ‘Last Kiss’ existait déjà depuis un certain temps, mais les Beatles étaient les premiers à jouer les choses de manière complètement sérieuse, presque comme s’ils essayaient d’évoquer le son d’une tempête de pluie morne en jouant.
Bien que le gothique soit devenu beaucoup plus lourd par la suite, s’appuyant sur des claviers et des accords de guitare dissonants pour faire passer le message, cela aurait pu être une œuvre révolutionnaire si elle avait été publiée quelques années plus tard. Bien que cela ne soit en rien aussi artistique qu’un groupe comme Bauhaus ou même les premiers Television, c’est définitivement quelque chose que quelqu’un comme Robert Smith pourrait concevoir écrire.
La musique gothique n’a pas toujours besoin de s’appuyer sur des bruits durs pour faire passer son message efficacement. Parfois, cela se résume à la quantité de chagrin que l’on ressent lorsque l’on passe derrière le microphone, et autant les Beatles auraient pu continuer à faire de la musique pop légère, ils avaient toujours ces sentiments négatifs comme tout le monde.
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