Caricature, la chronique caricaturale

Par Juju-Gribouille @JujuGribouille

Titre : Caricature
Auteurs : Daniel Clowes (scénario et dessins)
Éditeur : Delcourt
Collection : La bibliothèque de Daniel Clowes
Année : 2024
Pages : 104

Résumé d'une histoire d'histoires :

Mal Rosen se rend à un festival pour vendre ses caricatures. Dessinateur, il vit tant bien que mal de son art. Et il raconte ces quatre jours de ce festival qui vont être marqués par une rencontre inattendue. Rodger Young revient sur sa jeunesse et sa colocation avec deux numéros, David et Nat. L'époque où il cherchait à coucher avec une fille. Yerkes est chez le coiffeur, qu'il entend sans l'écouter. En sortant, il est attiré vers le bureau de son père. Les souvenirs remontent ainsi que des sortes de rats et de bestioles envahissantes... Et ainsi suivent six autres histoires.

Le scénario de neuf histoires de solitude :

Ces neuf histoires individuelles prennent un sens différent une fois regroupées. Neuf moments de vie avec leur aspect quotidien, parfois bizarre, parfois cauchemardesque, parfois juste banal, comme sait si bien les décrire Daniel Clowes. Mais ces neuf récits sont autant de formes de solitude. C'est ce qui me frappe le plus à la fin de la BD. Neuf personnages perdus dans la ville, dans leur pays, dans le monde, qui cherchent on ne sait pas vraiment quoi. Mais peut-être juste à vivre quelque chose de différent de leur morne quotidien. Sauf que quand cela arrive, ils sont souvent perdus et ne savent pas quoi faire, et, au final, ne font pas ce qui leur permettrait de changer pendant un court instant leur vie. Tous ces personnages parle à la première personne et racontent leur vie, leur passé ou bien leur présent. Tous sauf un ! Le récit " Gynécologie " est écrit du point de vue extérieur, omniscient, mais le narrateur lui-même n'est pas distant de l'histoire. Il est plus subjectif qu'il n'en a l'air. Les fins nous laissent sur des constats d'échec, de mort, de rêve, ou de simple retour au quotidien.

Beaucoup de textes dans ces aventures, principalement dans les encadrés plus que dans les dialogues, souvent très simples. Là encore, on retrouve des phrases du quotidien. Mais le narrateur, souvent le protagoniste de l'histoire, parle beaucoup, énormément, et souvent, pour tourner en rond, pour revenir sur des événements, croiser des informations, constater - ou pas - le vide de sa vie. L'histoire n'est pas forcément le moment de la révélation d'un abîme sans fond, comme pour " Caricature ", parfois c'est un simple constat de vie normale refusée comme dans " Eye-Liner vert " ou acceptée comme dans " Immortel, invisible ". Mais souvent, on finit la lecture avec un certain malaise, dont on sent ou non la cause, selon les récits. Daniel Clowes sait rendre l'absurdité de la vie, que ce soit dans un monde tristement réel ou dans une ambiance surnaturelle.

Le dessin typique, couleurs et noir et blanc :

Les histoires réunies ici sont en noir et blanc, à trois exceptions près. Daniel Clowes dessine, à sa manière, ses personnages aux regard perdus. Même s'ils ressentent des émotions, ils semblent distants et parfois même absents.
Les couleurs reposent sur des aplats claquants, des jaunes vifs, des rouges denses. Le Noir et blanc mêlent des aplats de noir hachurés aux contours et des blancs amples, avec parfois des trames.
La mise en scène nous offre des plans classiques, renforçant le côté morne quotidien. Rien d'exceptionnel, et même quand le contenu devient étrange, les cases n'éclatent pas. Composition et mise en scène nous retiennent dans ces vies sans surprises que leur protagonistes aimeraient bien fuir, sans y parvenir, parce qu'au fond, ils ne le veulent pas, ou ne le peuvent pas, ou pensent qu'ils y arrivent alors qu'en fait, non... Les directions sont multiples mais la conclusion est la même, ils sont désespérément seuls.

Conclusion d'une BD solitaire:

Caricature regroupe neuf histoires de Daniel Clowes, reliées par leur narration et l'isolement. Triste constat non pas d'une époque mais de l'âme humaine condamnée à ne pas trouver d'issue à sa solitude.

Zéda rencontre Mal Rosen !