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Coffee Talks : Sophie Mousel au Café Intense (Limpertsberg)

Publié le 10 juin 2024 par Paulo Lobo

Coffee Talks Sophie Mousel Café Intense (Limpertsberg)
Sophie Mousel, comédienne  

Chercher l’inconnu qui sommeille en moi

Il y a environ 15 ans, je réalisais une quarantaine de portraits sur base d’un dispositif simple : des personnes issues de mon entourage privé ou professionnel, dont beaucoup étaient liées au monde culturel du Luxembourg, rencontrées dans le café de leur choix et photographiées au fil d’une conversation libre et spontanée. Des portraits tous réalisés en noir et blanc, avec un objectif 50 mm et de façon frontale, afin de refléter la complicité du face-à-face. Cette série d’images donna lieu à une exposition en novembre 2010 à l’Institut Camões, ainsi qu’à un petit livre. Ces portraits sont encore visibles sur mon site internet https://paulobo.com/fr/portfolio-11847-coffee-talks
Alors, étant donné que le temps passe toujours trop vite, et que je ne suis plus le même, étant donné que le Luxembourg et les cafés aussi ont changé, étant donné que ces petites parenthèses caféinées étaient une bulle d’oxygène pour moi, étant donné qu’entretemps les réseaux sociaux ont investi le champ des représentations et dénaturé le jeu des identités, je me suis mis dans la tête de commencer une deuxième série. Elle sera ce qu’elle sera. Elle aboutira quand elle aboutira.

Pour ma première invitée, j’ai pensé à Sophie Mousel, une comédienne qu’il n’est pas vraiment besoin de présenter, tant elle a acquis une notoriété suite à ses rôles dans la série « Capitani » et le film « Läif a Séil ».

Le café Intense

Notre rencontre se déroule dans le café Intense, situé dans l’avenue Pasteur au Limpertsberg. 

Le café présente une architecture moderne et épurée avec des murs blancs, un sol en béton ciré et un plafond en béton brut. Les éléments techniques, tels que les tuyaux et câblages visibles au plafond, ajoutent une touche industrielle. Les vastes vitrines laissent entrer une lumière naturelle abondante, renforçant l'esthétique minimaliste. Le mobilier en bois, comprenant des tables et des étagères, apporte une touche de chaleur. Des plantes en pots de grande taille décorent l'espace. L'impressionnant comptoir en béton s'harmonise parfaitement avec le décor. 

De quoi allons-nous parler, Sophie, toi que je vois pour la première fois en dehors d’un écran ?

Où est Oona, où est Hélène, où est Elsa Ley, dans cette personne que j’ai en face de moi ? 

Confusion entre fiction et réalité. J’ai toujours préféré fermer les yeux pour mieux regarder.

Mais ici, je les ouvre d’abord. Car Sophie est devant moi, naturelle, pensive, diaphane, éclairée par une lumière naturelle douce et frêle. Nous entamons la conversation. Qui gambadera comme elle voudra. 

« Je n’aime pas les endroits sombres. »

Paulo : Pourquoi cet endroit ? 

Sophie : J'aime bien le style. Je trouve que c'est assez rare d'avoir des cafés comme celui-ci, où les tables sont espacées les unes des autres. J'aime bien l'architecture, la lumière naturelle, les plantes, le côté un peu industriel. C’est aménagé avec goût. C'est lumineux, c'est calme. La musique de fond est apaisante, jamais pesante. C’est un lieu dynamique, urbain, aérien, loin de la petite brasserie traditionnelle surchargée en déco … 

Paulo : Et le Limpertsberg ?

Sophie : Je ne suis pas originaire d'ici. Mes racines se trouvent dans le nord du Luxembourg. Toutefois, comme je travaille fréquemment sur des projets théâtraux en ville, je viens souvent dans ce quartier, et j’y fréquente certains cafés pour travailler, attendre ou rêvasser.

Paulo : Aimes-tu l'atmosphère des cafés en général ?

Sophie : J’aime bien, mais ça dépend vraiment du café. Car je suis très sensible aux bruits et je me laisse vite déconcentrer. Une ambiance sonore douce est donc essentielle pour moi.

Paulo : Comme tu vis à Paris, fréquentes-tu les clubs de jazz, par exemple ?

Sophie : J’aime le jazz, mais je devrais apprendre à le connaître connaître. C'est amusant, lorsque je suis arrivée à Paris, je fréquentais surtout des brasseries classiques où l'on servait un café très fort mais pas très bon.  Au début, l'atmosphère des terrasses parisiennes, le brouhaha, tout cela avait son charme… Entretemps je suis devenue plus sélective, je choisis des endroits où il n’y a pas trop de monde, pas trop de bruit, avec de la lumière naturelle. Je n’aime pas les endroits sombres.

Coffee Talks Sophie Mousel Café Intense (Limpertsberg)

« Entre ville et campagne. »

Paulo :  Tu vis et travailles entre Paris et Luxembourg, dans un va-et-vient permanent …

Sophie : En fait, j'aime bien être en mouvement. Ça fait douze ans que je réside à Paris et lorsque je retourne au Luxembourg, c'est principalement pour travailler. Paris offre des opportunités culturelles et une stimulation constante, tandis que le Luxembourg permet de se reconnecter avec la nature et la tranquillité. Cette dualité me plaît. Quand l’agitation de la grande ville devient pesante, je retrouve mon équilibre dans le cadre paisible et rural du Luxembourg. 

Paulo : Comparé à Paris, Luxembourg doit te sembler une très petite ville.

Sophie : C'est vrai. Pour quelqu’un qui a grandi ici, Paris peut sembler assez agressif, mais c'est aussi un endroit formidable avec de nombreux avantages. Après y avoir habité longtemps, je me suis habituée à beaucoup de choses et j'ai fini par démythifier l'image souvent idéalisée que l'on peut avoir de Paris en tant que touriste.

Paulo : Tu es devenue un peu parisienne.

Sophie : En réalité, je ne me sens ni totalement parisienne ni complètement provinciale. Mon mode de vie se situe quelque part entre la campagne et la grande métropole, un mélange qui me convient. C'est un paradoxe qui fait partie de qui je suis.

« J'ai une passion pour le noir et blanc. »

Paulo : As-tu vu le film de Jim Jarmusch, Coffee and Cigarettes ? Pour mon projet « Coffee Talks », je m’inspire de ce qu'il a réalisé. En noir et blanc. Il y avait une dimension improvisée avec des artistes plutôt connus, pour aboutir des conversations à la fois authentiques et romanesques. Bon, eux, ils fumaient des cigarettes. Maintenant, ce n'est plus le cas.

Sophie : En effet, il n'y a plus de cigarettes. Mais même si elles étaient autorisées, je n'en aurais pas car je ne fume pas.

Paulo : C'est bien, je ne fume pas non plus. C'est plus pour l'ambiance, pour le côté mythologique.

Sophie : J'imagine à quel point cela devait être particulier à l'époque où les gens fumaient encore à l'intérieur des cafés, imprégnant leurs vêtements de cette odeur.

Paulo : Je me souviens de ce temps. Mes années de lycée. J'étais souvent le seul à ne pas fumer, car c'était très répandu, surtout parmi ceux qui fréquentaient les cafés … Autre question : Apprécies-tu les photographies en noir et blanc ?

Sophie : Absolument, j'ai une passion pour le noir et blanc. J'apprécie particulièrement tout ce qui possède une touche vintage ou old school, que ce soit dans la mode ou en photographie. Récemment, j'ai visité une exposition exceptionnelle à Paris, je crois que c'était au Centre Pompidou, mettant en avant de magnifiques clichés en noir et blanc.

Paulo : Il y a toujours de superbes expositions de photos à Paris.

Sophie : Exactement, Paris est un véritable paradis pour les amateurs d’art visuel. J'aime explorer ces événements artistiques. Le noir et blanc est pour moi une forme d'expression captivante, que ce soit dans les films, les photographies d'artistes ou les expositions contemporaines.

« Je constate une ouverture d'esprit et une flexibilité accrues... »

Paulo : Si tu devais résumer le Luxembourg en quelques mots aujourd'hui, que dirais-tu ? Ayant un regard plus distant puisque tu y es moins souvent, quel sentiment prime sur les autres ?

Sophie : Ce qui me séduit le plus au Luxembourg, c'est son caractère cosmopolite. J'aime le fait que le Luxembourg soit de taille modeste. Parfois, nous ne sommes pas vraiment connus à l'étranger, mais cela ajoute une touche de charme à notre pays. De nombreux amis étrangers, lorsqu’ils viennent ici, le trouvent charmant, remarquablement propre, et disent qu'on en fait vite le tour. Effectivement, le Luxembourg est réputé pour sa propreté, sa beauté et son confort. Cependant, avec l'arrivée de nouvelles générations ayant étudié et travaillé à l'étranger, je constate une ouverture d'esprit et une flexibilité accrues. Sur le plan artistique, le pays connaît un essor notable. Je suis convaincue que nous progressons positivement et que notre scène artistique s'épanouit de manière significative.

Coffee Talks Sophie Mousel Café Intense (Limpertsberg)

« Un tournage techniquement difficile et humainement fort. »

Paulo : Le film « Läif a Séil » de Loïc Tanson a connu un franc succès. Il illustre bien toute l’inspiration et le savoir-faire technique de cette nouvelle génération de cinéastes …

Sophie : En effet, le film a été chaleureusement accueilli lors de divers festivals, malgré le fait que se forger une visibilité dans l'industrie actuelle reste un défi. Les plateformes de streaming sont devenues essentielles pour gagner de la visibilité rapidement. « Läif a Séil » a été présenté dans d'éminents festivals de genre comme Sitges, Porto, Montréal, Milan, Carcassonne, et a aussi bien fonctionné au Luxembourg.

Paulo : J’ai trouvé que c'était une réussite remarquable du point de vue cinématographique. Dès le départ, c'était un projet ambitieux. L’une des scènes qui m’ont particulièrement marqué, c’est celle de ta confrontation dans l’obscurité de la nuit avec Jules Werner. C'était un moment intense et superbement réalisé.

Sophie : Oui, c'était un tournage humainement très fort et techniquement assez difficile. Mais quand le côté humain est fort, normalement, rien ne peut vraiment t'arriver.

Paulo : Le film est rempli de sinuosités… Il débute en noir et blanc dans un style très contrasté et âpre. Ensuite, quand tu entres en scène, on pense qu'on aura droit à un film de kungfu, avec une vengeance qui sera dure et cruelle. Puis, il évolue vers une ambiance plus introspective, permettant une immersion profonde dans l'esprit des personnages, y compris les antagonistes. Cet aspect plus philosophique de la narration est l'une des forces de la réalisation de Loïc. Comment as-tu réussi à donner autant de profondeur et de complexité à ton personnage Oona, avec son mélange de chair, de corps et d’âme ?

Sophie : Physiquement, c'était un véritable défi en raison des nombreuses scènes d'action. La préparation a été à la fois physique et mentale. J'ai consacré beaucoup de temps à comprendre pleinement le personnage et à m’imprégner de son histoire personnelle. J'ai imaginé son passé, visualisé sa vie en pleine nature, en relation avec un cheval. C'était un peu ma cuisine intérieure. Mon travail s'est principalement concentré sur le trauma, explorant les implications de vivre une telle douleur, le deuil, comment il se manifeste, s'il est refoulé ou exprimé.

Paulo : La première partie en noir et blanc a-t-elle été tournée avant tes scènes dans le présent ?

Sophie: Non, elle a été tournée ultérieurement. Cependant, j'avais lu le scénario, donc j'étais consciente du drame vécu par le personnage de Hélène dans son enfance.

Paulo : Cette séquence en noir et blanc est saisissante. Elle est parcourue par un grand souffle de cinéma.

Sophie: J’ai lu le scénario et donc je pouvais ressentir la colère et la rage de Oona. J'ai construit mon interprétation en me projetant dans le vécu du personnage, en explorant comment une telle tragédie continue à la hanter quinze ans plus tard. Quels sont les déclencheurs d'émotions ? Est-ce qu'elle a pris complètement le dessus ? Ou est-ce qu'elle est toujours en manque de contrôle par rapport à ça ? Qu'est-ce que ça lui fait de revenir sur ces lieux et de se confronter avec les bourreaux  du passé ? Ces questions ont guidé mon approche pour mieux appréhender l'esprit du personnage. J'ai passé du temps à réfléchir et à vivre avec ce rôle même s'il n'était encore que fiction, en me connectant à travers des activités comme la rencontre avec le cheval et l’interprétation des chansons du film. Cela m'a aidé à me plonger dans l'univers du récit.

« J'ai compris que je ne voulais pas suivre le chemin classique : lycée, uni, puis prof de français... »


Paulo : Comment es-tu entrée dans le monde du cinéma, du théâtre, des séries et du jeu d'acteur ? Est-ce une passion qui t'a toujours animée depuis ton enfance ?

Sophie : Mon premier contact avec la scène remonte à mon enfance, à travers la musique. Plus tard, le théâtre et le cinéma sont devenus des éléments importants, surtout grâce aux projets auxquels j'ai pris part au lycée. J'ai fréquenté le Lycée Classique de Diekirch (LCD), qui offrait une multitude d'activités parascolaires, incluant des projets artistiques et des échanges à l'étranger, ce qui m'a beaucoup marquée. Certains enseignants organisaient des ateliers de théâtre qui m'ont profondément enrichie et libérée. Cette expérience a laissé une empreinte durable en moi. Plus tard, après mes études, j'ai effectué des stages dans une école privée à Paris. Ce détour m'a permis de réaliser que je ne voulais pas suivre le chemin classique :  lycée, université, puis devenir prof de français.

Speaker : Le déclic, c'était avec « Capitani » ou avant ? À quel moment as-tu réalisé que tu pouvais faire de cette passion ton métier ?

Sophie : Le déclic s'est peut-être enclenché pendant mes études à Paris, quand j'ai pu intégrer une classe libre sur concours (Cours Florent). Cette opportunité m'a fait comprendre que je devais explorer davantage cette voie, surtout après avoir été choisie parmi tant d'autres. Les encouragements des professeurs ont également joué un rôle crucial. Parfois, on ressent intuitivement si l'on est sur la bonne voie, si les obstacles sont moindres. Pour ma part, tout semblait fluide et enrichissant, comme une révélation progressive où l'on se rend compte : « C'est ici que je dois être. » Il n'y a pas eu un moment unique de prise de conscience, mais plutôt une évolution continue et positive.

« En s'éloignant de soi pour incarner un personnage, on se découvre soi-même plus profondément. »

Paulo : Quelles sont les sensations les plus exaltantes et les plus angoissantes sur le chemin que tu as décidé d'entreprendre ?

Sophie : Du côté euphorisant... Il y a tant de choses qui me stimulent. J'apprécie énormément le défi constant qui m'incite à sortir régulièrement de ma zone de confort. Cette sensation de vivacité m'anime profondément. Pour moi, c'est un savant mélange : se découvrir en explorant des rôles et en les modelant. En s'éloignant de soi pour incarner un personnage, on se découvre soi-même plus profondément. Plonger dans un rôle, effectuer des recherches approfondies pendant des mois sur un domaine ou un type de personnage est extrêmement gratifiant. Au final, cette démarche nous renvoie une image de nous-même plus claire. En forgeant un personnage à partir de soi-même, on travaille sur notre inconscient et sur notre propre essence. Par ailleurs, il y a ce côté enchanteur de la profession, surtout au théâtre, où l'on fait partie d'une troupe. C'est une démonstration de ce que les êtres humains peuvent accomplir lorsqu'ils unissent leurs forces, idéalement dans un monde dépourvu de conflits et de violence. Créer ensemble sur scène engendre des liens forts, des idées novatrices et des instants de magie uniques.

Du côté angoissant …  La principale source d’angoisse réside dans l'incertitude, cette idée que rien n'est jamais acquis. Ce domaine ne repose pas uniquement sur le mérite, et il ne suit pas un schéma linéaire comme un simple calcul mathématique. On progresse sans avoir la certitude que nos efforts seront récompensés un jour. Cette incertitude, bien qu'angoissante, peut aussi être stimulante. Elle fait partie intégrante de notre rôle, de l'attente d'une opportunité, un peu comme un saltimbanque jonglant avec ses craintes. Cette incertitude du lendemain, c'est aussi ma liberté. 

En fin de compte, tout dépend de chacun de nous. Si nous savions que nous aurions une carrière exceptionnelle pour le reste de notre vie, attendre six mois ne poserait aucun problème. Pourtant, dans l'incertitude, la question demeure : ces opportunités seront-elles toujours présentes un jour ?

Il ne s'agit pas réellement d'angoisse, ce mot est un peu fort. Je dirais plutôt : « Est-ce que j'aurai suffisamment de temps pour réaliser ce que je souhaite dans ma vie ? »

L'incertitude est inhérente à notre chemin, qui diffère d'une trajectoire traditionnelle avec un emploi classique de huit heures par jour. J'ai également cette inquiétude de manquer quelque chose d'essentiel si je me retrouve trop dans une routine préétablie. Je ne critique pas la routine ; elle offre une structure rassurante et peut être nécessaire à certains égards. Cependant, une routine trop figée me ferait craindre de passer à côté de moments clés de ma vie.

Paulo : Cela dépend des tempéraments. Pour certains, la routine est synonyme de stabilité et de bonheur.

Sophie : En effet, j'oscille entre ces deux aspects : la routine peut être réconfortante, mais sa présence excessive peut également générer de l'anxiété en moi. C'est pourquoi je me questionne sur la signification du terme « angoissant ». Peut-être que la véritable interrogation serait : « Serai-je en mesure de réaliser toutes mes aspirations durant ma vie ? »

Paulo : C'est une préoccupation partagée par beaucoup. Le temps s'écoule rapidement, c'est indiscutable. Cependant, tu as entamé ton parcours précocement, tandis que d'autres démarrent plus tard.

Sophie : C’est exact, mais il y a aussi ceux qui débutent encore plus tôt !

Coffee Talks Sophie Mousel Café Intense (Limpertsberg)

« Actuellement, mon objectif principal demeure le jeu d'actrice. »

Paulo : Te vois-tu un jour derrière la caméra ?

Sophie : C'est une idée qui commence à germer en moi. Comme beaucoup de comédiens, parfois on en a assez d'être en attente et d'être toujours dans l'exécution. Alors, pourquoi pas ? L'idée me séduit, même si elle comporte ses défis. Je me questionne parfois sur mes aptitudes de meneuse, mais j'apprécie le travail d'équipe. Cela pourrait constituer un défi intéressant pour moi, celui de raconter une histoire. Toutefois, il faudra choisir le bon moment. Actuellement, mon objectif principal demeure le jeu d'actrice. Ensuite, qui sait, si une histoire captivante et une équipe inspirante se présentent…

Paulo : Et si ce projet se concrétise un jour, opterais-tu pour une histoire très personnelle ou un film de genre pour mettre en avant tes compétences techniques ?

Sophie : Je ne pense pas que je raconterais ma propre histoire, même si, bien sûr, nos envies et rêves personnels transparaissent toujours. Si je découvre un livre qui résonne profondément en moi, j'aurais envie de l'adapter au grand écran. Je ne me pencherais pas nécessairement vers un film de genre. Je préférerais attendre de tomber sur une histoire poignante, même si elle ne m'appartient pas. J'ai un attachement particulier à la littérature et, dans mes lectures, je me demande souvent : « Pourrais-je visualiser ou porter cette histoire à l'écran ? »

« Les récits ouverts, qui laissent une part à l'imagination, me captivent. »

Paulo : Si un titre de film devait te venir à l'esprit, comme ça, sans trop réfléchir ?

Sophie : Je dirais « Alabama Monroe » de Felix Van Groeningen.

Paulo : Et en littérature, qu'est-ce que tu aimes ?

Sophie : J'aime beaucoup de choses. Curieusement, je lis relativement peu de pièces de théâtre, mais j'ai un attachement particulier pour les romans. Récemment, j'ai découvert une jeune auteure, Cécile Coulon. J'apprécie également les grands romanciers, notamment les écrivains russes. Avec la metteuse en scène Myriam Muller, nous avons travaillé sur « Ivanov » de Tchekhov. Nous nous sommes beaucoup penchés sur la société russe, telle que la décrit l’auteur. Tchekhov brosse le portrait de personnages ennuyés, désillusionnés par la vie, se noyant dans l'alcool, riant pour masquer leurs tourments. Cette palette de sentiments et cette atmosphère m'inspirent profondément.

Paulo : Préfères-tu les fins heureuses ou les histoires qui se terminent mal ?

Sophie : Tout dépend du récit. Je n'ai pas de préférence marquée ; j'accepte les histoires telles qu'elles se présentent. J'aime suivre un personnage jusqu'à la conclusion, qu'elle soit positive ou négative, que ce soit dans les livres ou au cinéma. J'ai été touchée par des films au dénouement tragique, car le bien et le mal coexistent dans la réalité. Je ne recherche pas systématiquement un happy end. Les récits ouverts, qui laissent une part à l'imagination, me captivent également. Leur fin ambiguë continue de résonner en nous, de nous inciter à réfléchir.

Paulo : Y a-t-il un rôle dont tu rêves secrètement? 

Sophie : Je pense à un film que j’ai beaucoup apprécié, « Gia », interprétée par Angelina Jolie jeune. L'histoire d'une jeune mannequin italienne confrontée à des thèmes complexes tels que le succès, la drogue et les relations passionnées. Je suis attirée par des récits profonds et psychologiquement riches comme celui-ci. Je rêve de jouer un rôle qui me pousse en dehors de ma zone de confort, qui me permette d'explorer des territoires inconnus sans préjugés. J'aime l'idée que les autres puissent percevoir en moi des facettes que je n'aurais pas encore découvertes. J'aimerais également relever le défi d'un rôle à l'image de celui d’Emma Stone dans « Poor Things », empreint de théâtralité et de fantastique, brisant les conventions. J'aspire également à explorer le genre de la comédie pour repousser mes limites et surprendre constamment tant moi-même que le public. Aller à l'opposé de ce qu'on pourrait attendre de moi, sans renoncer aux rôles plus conventionnels et évidents. Car dans toutes ces expériences, il y a de la matière pour que je puisse approfondir mon jeu d’actrice.

Paulo : Que répondrais-tu à la question : l'art ou la vie ?

Sophie : En fait, je dirais que c'est principalement la vie. Cela dépend un peu, on pourrait dire les deux en même temps. Car la vie, c'est l'art, et l'art, c'est la vie. Les deux sont étroitement liés, car l’un nourrit l'autre. Personnellement, je pencherais tout de même davantage vers la vie, car c'est à partir de celle-ci que je construis et que je suis. Mais il est indéniable que ces deux aspects sont intrinsèquement entrelacés.

« Cette jeune génération regorge de talents exceptionnels, ouvrant ainsi un large éventail de perspectives. »

Paulo : Le Luxembourg semble être une véritable creuset de talents actuellement, Il y a là certainement des opportunités de rencontres, de projets, de scénarios, d’histoires. Quelle est ta réaction face à cette dynamique ?

Sophie : La force du Luxembourg réside dans cette proximité où tout le monde se connaît et où le talent est palpable. Cette jeune génération regorge de talents exceptionnels, ouvrant ainsi un large éventail de perspectives. Lors d’une récente projection de courts métrages, nous avons pu découvrir le travail de certains auteurs, ce qui est très stimulant. De plus, il devient de plus en plus aisé de choisir ses collaborateurs sans délai. Il ne s'agit pas forcément de productions en langue luxembourgeoise, mais de collaborations avec des gens du pays. Je suis convaincue que nous sommes en train de bâtir une équipe solide, ce qui est extrêmement encourageant pour l'avenir.

Coffee Talks Sophie Mousel Café Intense (Limpertsberg)
La conversation, qui a navigué au fil de l’eau, se clôt ainsi. Je laisse le micro s'éteindre et j’invite Sophie à se prêter à quelques portraits au 50 mm. Elle se présente devant mon objectif avec une expression authentique et réfléchie. J’appuie très peu de fois sur le déclencheur. Quelques clics avec mon Nikon numérique, puis deux ou trois instants figés avec mon Nikkormat argentique. Les portraits sont faits. Il est maintenant temps de se dire au revoir.
Merci Sophie, pour cette parenthèse enchantée. 


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