Car, oui, Jade, l’ironie de l’histoire, c’est qu’en écrivant tes romans, tu as fini me persuader moi-même que je n’étais plus tout à fait celui que je croyais avoir été. Si bien que je m’imagine désormais (assez souvent, finalement) dans la peau de ce Georges Flament dont tu es parvenue à explorer assez finement la psychologie dans le deuxième volume de la Tectonique de l’âme et des choses de l’Esprit. Oui, plus souvent que je ne le devrais pour garder un semblant de lucidité, il m’arrive même, Jade, de me confondre réellement avec moi même. Au point que quand je sillonne la planète de Boston à Mexico, d’Honolulu à Bombay, je me dis parfois que c’et ex-ac-te-ment pour les raisons que tu m’as prêtées dans l’Incandescence des Nuages où le personnage que je suis censé avoir été (merci, tout de même, pour le physique plutôt ingrat que tu me prêtes ; j’ignorais que tu avais de moi une image aussi dégradée) est envoyé un beau matin tout à fait incognito aux quatre coins de la planète pour une mission très spéciale. Il s’agit, ni plus ni moins cette fois, de retrouver la trace de Benoit XVI dont la rumeur annonce régulièrement sur certains sites qui se disent bien informés qu’il a choisi de retourner à la vie civile et de passer les dernières années de son pontificat à traîner dans les bas fonds de quelque banlieue sordide, ou alors (c’est une autre version) réfugié dans un monastère tibétain à six mille mètres d’altitude, ou encore enlevé par des terroristes qui espèrent pouvoir en tirer un bon prix et le gardent à demi-fou dans une cave obscure de Manhattan. Oui, dans une autre vie, me dis-je parfois, je serai celui là. Celui que personne ne connaît et dont on découvre, plus tard, le rôle terrible et magnifique qu’il a joué dans l’Histoire du monde sans jamais s’en être vanté. Dans une autre vie, je filerais à Prague sans attendre pour y rencontrer Vaclav Havel en catimini, puis je chercherais à approcher le kenyan dans une auberge isolée des Carpates, histoire de jouer les entremetteurs avec les maoïstes du Sentier Lumineux. Mais surtout, Jade, dans une autre vie, je serais ton amant pour de vrai. Car le mensonge, tu le sais, peut se retourner comme un gant. Si bien qu’à force d’espérer, c’est très exactement ce que tu as mille fois raconté d’illusions et de mirages qui se réalisera pour de bon. Et nous vivrons tes romans. Et tes romans seront notre monde. Et notre monde sera fluide comme un poème, inexistant, nuageux, arc en ciel de mots et de couleurs dont tu as rêvé l’insolence. Plus tard, Jade, la réalité deviendra parfaitement réelle. C’est que je me dit. Souvent.
Car, oui, Jade, l’ironie de l’histoire, c’est qu’en écrivant tes romans, tu as fini me persuader moi-même que je n’étais plus tout à fait celui que je croyais avoir été. Si bien que je m’imagine désormais (assez souvent, finalement) dans la peau de ce Georges Flament dont tu es parvenue à explorer assez finement la psychologie dans le deuxième volume de la Tectonique de l’âme et des choses de l’Esprit. Oui, plus souvent que je ne le devrais pour garder un semblant de lucidité, il m’arrive même, Jade, de me confondre réellement avec moi même. Au point que quand je sillonne la planète de Boston à Mexico, d’Honolulu à Bombay, je me dis parfois que c’et ex-ac-te-ment pour les raisons que tu m’as prêtées dans l’Incandescence des Nuages où le personnage que je suis censé avoir été (merci, tout de même, pour le physique plutôt ingrat que tu me prêtes ; j’ignorais que tu avais de moi une image aussi dégradée) est envoyé un beau matin tout à fait incognito aux quatre coins de la planète pour une mission très spéciale. Il s’agit, ni plus ni moins cette fois, de retrouver la trace de Benoit XVI dont la rumeur annonce régulièrement sur certains sites qui se disent bien informés qu’il a choisi de retourner à la vie civile et de passer les dernières années de son pontificat à traîner dans les bas fonds de quelque banlieue sordide, ou alors (c’est une autre version) réfugié dans un monastère tibétain à six mille mètres d’altitude, ou encore enlevé par des terroristes qui espèrent pouvoir en tirer un bon prix et le gardent à demi-fou dans une cave obscure de Manhattan. Oui, dans une autre vie, me dis-je parfois, je serai celui là. Celui que personne ne connaît et dont on découvre, plus tard, le rôle terrible et magnifique qu’il a joué dans l’Histoire du monde sans jamais s’en être vanté. Dans une autre vie, je filerais à Prague sans attendre pour y rencontrer Vaclav Havel en catimini, puis je chercherais à approcher le kenyan dans une auberge isolée des Carpates, histoire de jouer les entremetteurs avec les maoïstes du Sentier Lumineux. Mais surtout, Jade, dans une autre vie, je serais ton amant pour de vrai. Car le mensonge, tu le sais, peut se retourner comme un gant. Si bien qu’à force d’espérer, c’est très exactement ce que tu as mille fois raconté d’illusions et de mirages qui se réalisera pour de bon. Et nous vivrons tes romans. Et tes romans seront notre monde. Et notre monde sera fluide comme un poème, inexistant, nuageux, arc en ciel de mots et de couleurs dont tu as rêvé l’insolence. Plus tard, Jade, la réalité deviendra parfaitement réelle. C’est que je me dit. Souvent.