A l’origine, ce sont les riziculteurs de ce village qui ont eu l’idée d’employer des fibres de Cyperus malaccensis, une plante poussant en abondance dans les marais voisins pour les tresser et en faire de très grands sacs
pour gagner un revenu supplémentaire.Même si la vie agricole était déjà difficile, le courage taïwanais prévalait et toute la famille abandonnait ses outils agricoles pour s'adonner au tissage après le coucher du soleil.Dès l'âge de dix ans les enfants commençaient à apprendre à tisser tandis que les plus grands aidaient à broyer les tiges de la plante avec de grosses pierres pour les ramollir et les lisser. C’est la technique de tissage qui a donné naissance au curieux nom du sac Gaji, dérivé d’une translittération d’un terme japonais désignant le tissage de sacs (kagiami).L'industrialisation de Taiwan s’est développée dans les années 1960. On a continué la fabrication mais cette fois en utilisant le nylon et la machine à coudre afin de produire des contenants plus résistants, mais vendus à un prix abordable. Ce sont les habitants de la même communauté agricole du village de Jing Liao qui ont continué à les fabriquer. Encore aujourd'hui les sacs Gaji originaux sont toujours fabriqués à la main dans la même communauté dans une coopérative appelée Gaji Grandmas Workshop.A travers leurs documentaires les cinéastes ont réussi à mettre l'accent sur les difficultés des classes sociales taïwanaises les plus défavorisées et sur les questions environnementales auxquelles l’île fait face aujourd’hui. Avec Let It Be ils ont mis en lumière la résilience des agriculteurs de Jing Liao. Au même moment un célèbre chanteur adopta le sac Gaji comme logo, ce qui redynamisa sa popularité.Les sacs ont reconquis les rues animées du marché de Taipei et celles de la capitale taïwanaise. La jeunesse n'a aucun complexe à les porter avec des baskets de la dernière mode et les personnes âgées y sont revenues en toute simplicité.De nos jours ces sacs ont dépassé le cercle des sacs à main traditionnels. On remarque ce type de maillage en nylon dans divers produits et vêtements, toujours en bandes et de préférence en associant les trois couleurs de base que sont le bleu, le vert et le rouge, séparées par une linge blanche. On les trouve néanmoins déclinés dans d'autres coloris. Ils ont été adoptés par toutes les générations. Les plus âgées pour leur valeur patrimoniale, les jeunes pour leur esthétique rétro-chic sans oublier les touristes étrangers.Ils sont partout dans les magazines de mode et leur surnom de "Louis Vuitton taïwanais" circule avec un sens combiné de dérision et de marketing. On m'a rapporté que Balenciaga avait repris ce motif dans une de ses collections. C'est en tout cas "le" cadeau national à offrir aux amis et j'ai été heureuse de le recevoir à l'occasion de mon passage au Centre culturel taïwanais, 78 rue de l'Université - 75007 Paris qui accueillait la conférence de presse de présentation du Festival Off d'Avignon 2024 dont je donnerai les grandes lignes prochainement, mais je signale d'ores et déjà que Taiwan est le pays invité du festival.
Je remercie Chien Hui Wang de m'avoir fourni les renseignements essentiels qui m'ont permis d'écrire cet article. Elle est Commissaire de la librairie du Festival Off d'Avignon pour la durée du festival et organisera une exposition des traductions et des publications françaises liées à Taiwan ayant pour thème "Taïwan, mode d'emploi" ainsi qu'une série de rencontres du 16 au 18 juillet. L'exposition aura lieu simultanément à la librairie du Village du Off et à la librairie La Comédie humaine.