Müslüm Gürses. Une voix. Une vie, un destin. Un des plus grands chanteurs de sa génération, en Turquie, dans le monde arabe et oriental, et au-delà.
Né en 1953, décédé en 2013, un film du réalisateur turc Ketche, , lui a été consacré l'année dernière sur Netflix, tant sa vie fut spectaculaire.
Au visionnage, on pourrait croire à une succession de tragédies, de coups durs, frappant Müslüm toujours plus fort. La gloire et le succès font partie de sa vie, certes, il n'échappera pas pour autant à tous les obstacles qui entraveront son existence tumultueuse. Il possédait un don inouï pour le chant et la musique, mais par-dessus tout, il avait la rage de vivre. Malgré tout ce à quoi il a du faire face, à se demander, comment il fit pour ne pas craquer, abandonner, déclarer forfait, à la vie et à la destinée qui l'avait irrévocablement choisi.
Parmi toutes les noirceurs de son parcours, Müslüm trouve la force de chuter pour se relever. Pas forcément plus fort, il l'est depuis le début, mais pour encaisser le malheur suivant. Malédiction ? Probablement. Béni ? Lui seul peut le dire.
Ironiquement surnommé Papa Müslüm par ses fans, Gürses fuit obsessionnellement l'héritage conscient et inconscient que son propre père lui a transmis. Ou du moins l'image qu'il lui a laissée. Celle d'un père violent, brutal, autoritaire, destructeur. Criminel même, puisque c'est lui qui assassinera sa femme et sa fille de trois ans, devant les yeux horrifiés et révulsés de ses deux fils, lors d'un de ses excès de colère, de jalousie et même pourrait-on dire de folie. En plus de cet évènement stupéfiant, fruit d'un comportement et d'une attitude incompréhensibles, choquants qui marqueront à jamais Müslüm et son frère, c'est l'absence d'amour témoigné par son père qui hantera le chanteur toute sa vie, tout comme le désir, le devoir absolu de ne jamais devenir comme celui qui l'a fait naître.
Toute la beauté, la douceur, la joie de sa vie résidera dans la musique. Le grand et unique amour qu'il connaitra au cours de son existence y est intrinsèquement lié puisqu'il s'agit de Muhterem Nur, chanteuse et actrice turque (image ci-dessous).
Quoi qu'il en soit, qu'il expérimente le pire ou le meilleur, il est complètement à la merci du chant. C'est elle qui lui fait traverser les temps les plus durs ou célébrer les moments les meilleurs. C'est elle qui lui permet de s'exprimer librement et de sortir de lui ce qu'il a de plus intime. Ca s'entend et se ressent lorsqu'il chante. La force, la puissance, le pouvoir de son timbre nous touchent au plus profond de nous, autant que lui puise en son être. Même un terrible accident de voiture qui lui ouvre la tête ne le fera pas taire. Même le crâne rafistolé par une plaque de métal, une oreille sourde, un traitement à vie et des migraines virulentes quotidiennes ne viendront pas à bout de sa personne et de son talent.
C'est ça le plus incroyable. Des expériences des moins désirables et un succès à se damner, quel combo improbable ! Pas tant que ça au final. Nombre d'artistes, de célébrités, confrontées à leur starification, qui scarifiera leur esprit à jamais. Vivant la vie dont tout le monde rêve, mais dont personne ne veut, une fois que ça leur arrive. Je fais bien sûr des généralités. Certains cas n'illustrent absolument pas mon idée, Müslüm s'est toujours battu pour chanter, pour réussir je ne sais pas, pour être célèbre, non plus, mais ce qui est certain, c'est qu'il en voulait. Il en voulait sans même se le dire. Tout ce qu'il désirait au fond c'était mettre ceux qu'il aimait à l'abri. De la misère, de la violence et de leur rendre la vie plus douce. Seulement comme dans bien des situations, tout ne s'est pas passé comme prévu.
Si je devais retenir deux morceaux du superbe Müslüm, ce serait Unutamadim (ci-dessus) et Mutlu Ol Yeter, deux morceaux grandioses, magnifiques, qui résument selon moi parfaitement selon moi son univers. Allez découvrir sa musique, et voir ce film excellent, captivant, remuant et bouleversant, qui raconte à merveille l'épopée que fut la destinée de Müslüm Gürses !