La population locale entoure son facteur (au centre)
Peut-être sa fille dans les bras de sa maman à sa gauche (en rose)
Dans un petit village de la province de Chubut, en Patagonie, un petit village vient de perdre son antenne de Correo Argentino, la poste publique. Les deux premiers agents ont été licenciés peu après l’arrivée de Mileí au pouvoir, sous la forme d’un licenciement sec du jour au lendemain. Le facteur, qui était donc le dernier employé local de cette institution nationale, a été licencié à son tour. Pour le dire plus exactement au regard du droit appliqué, il a été (assez fermement) invité à faire valoir son souhait d’une rupture de son contrat de travail (retiro voluntario). C’est la solution que Correo Argentino et les autres services publics visés par la politique de rigueur de Mileí imposent à la plupart des agents qu’ils mettent à la porte. Mercredi dernier, en fin de journée, après son service et devant quelques habitants venus le soutenir, l’homme a tourné la clé du petit local où il travaillait au service des habitants de la localité, il a remis cette clé à la maire du village venue l’embrasser (le chalet appartient à la mairie qui le mettait gratuitement à la disposition de la poste) puis, après une photo souvenir devant l’ex-bureau de poste au milieu des villageois, il est parti en emportant avec lui le vélo à remorque avec lequel il a fait sa tournée pendant ses 25 années de travail à Correo Argentino.
La vidéo de ce départ, sous les applaudissements des villageois, a connu un succès certain sur les réseaux sociaux. Il faut dire que l’image de ce monsieur plus très jeune, dans sa tenue de travail, qui essuie ses larmes en quittant son lieu de travail, a de quoi vous nouer l’estomac. Rogelio Hube ne part pas à la retraite. Il se retrouve au chômage. Il a une petite fille de trois ans et à peu près aucune perspective de retrouver près de chez lui un travail salarié. Quand bien même il en trouvera un, il a définitivement perdu les droits sociaux qui s’attachent à la belle ancienneté qui était la sienne (en Argentine, le droit à congés payés par exemple dépend de l’ancienneté dans l’entreprise et les entreprises publiques offrent d’autres avantages sociaux : des droits à la protection sociale contre la maladie et la vieillesse par exemple).
L’émotion a dépassé et de loin les limites du hameau et même de la province de Chubut, à tel point que Victor Hugo Morales, un grand journaliste, connu pour sa passion savante pour le football, sa grande culture générale et la beauté littéraire de ses commentaires, aujourd’hui éditorialiste engagé sous la bannière kirchneriste (donc une bête noire de la droite), l’a interviewé lors de son émission quotidienne sur la 750 AM, la radio du groupe Octubre, qui possède aussi Página/12
Au regard de la réduction de personnel draconienne subie par Correo Argentino, que le gouvernement veut privatiser à court terme et qu’il vide donc à dessein pour s’en débarrasser, probablement à vil prix en plus, les syndicats font savoir que l’institution aura du mal l’année prochaine à assurer la tenue des élections de mi-mandat (la poste argentine joue un rôle important dans la logistique et l’organisation du scrutin).
Seul Página/12 a fait écho à cet événement provincial si symbolique de la situation à laquelle il donne une chair humaine au-delà des statistiques et des données chiffrées.
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12 du 31 mai 2024 sur Rogelio Hube, ce facteur limogé du jour au lendemain après 25 ans de bons et loyaux services
lire l’article de Página/12 du 1er juin 2024 sur l’interview menée par Victor Hugo Morales