Un trafic de données confidentielles fait scandale en Allemagne!
Outre-Rhin, n'importe qui ou presque peut se procurer sur Internet, à moindre coût et en un tour de main, des renseignements personnels et financiers concernant des millions d'Allemands.
Les organisations de protection de consommateurs viennent d'en apporter la preuve formelle. Un de leurs agents, mandaté par la centrale fédérale, est parvenu à acheter sur le réseau près de six millions de données confidentielles, dont quatre millions de numéros de comptes bancaires.
L'opération lui a pris deux jours, pas plus. Elle ne lui a coûté que 850 euros. "Nous ne sommes sûrement pas le premier acheteur", en a déduit le président de la centrale, Gerd Billen, lundi 18 août.
Il ne s'agit pourtant encore seulement que de "la partie émergée de l'iceberg", estime Thilo Weichert, un commissaire chargé de la protection des données, dans le quotidien Süddeutsche Zeitung du 20 août. A l'ère du tout-Internet, "de dix à vingt millions de données bancaires" feraient l'objet d'une utilisation illégale, affirme-t-il.
La plupart de ces informations privées sont issues de fichiers établis par des loteries, mais aussi de contrats de téléphones portables ou de listings de donateurs pour des organisations caritatives. Quelque 1 300 opérateurs commerciaux en Allemagne seraient spécialisés dans la collecte et la vente de ces données, selon les informations du Chaos Computer Club (CCC), une organisation de hackeurs.
AMÉLIORER LA PROTECTION
C'est un employé d'un centre de démarchage téléphonique de Lübeck qui a fait éclater au grand jour l'ampleur de ce trafic.
La semaine dernière, Detlef Tiegel, âgé de 36 ans, a envoyé un CD à une organisation de défense des consommateurs. Sur ce disque que lui aurait remis son employeur figuraient quelque 17 000 données, entre autres des adresses et des numéros de comptes bancaires. Le centre d'appels se les était procurées illégalement, à des fins commerciales.
Grâce aux données bancaires, il pouvait opérer à sa guise des prélèvements. L'affaire semble loin d'être un cas isolé et la justice a déjà ouvert plusieurs enquêtes contre des centrales téléphoniques.
Alarmé par les dimensions du scandale, le gouvernement allemand souhaite engager dès la rentrée un débat afin d'améliorer la protection des données, y compris en durcissant la loi.
Le député social-démocrate Dieter Wiefelspütz, porte-parole du SPD pour les questions de politique intérieure, a même préconisé que soit inscrit dans la loi fondamentale le droit à la protection des données sur Internet.
Marie de Vergès
LE MONDE