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Info-Secte : à la rescousse de ceux sous l’emprise

Publié le 27 mai 2024 par Raymondviger

Dans les films et à la télévision, la " déprogrammation " d'un jeune sous l'emprise d'une secte est souvent représentée comme ça : Il est kidnappé et contraint de renoncer à ses croyances. Les parents d'un membre de la secte paieront des " déprogrammateurs " professionnels pour faire ce genre de travail, un peu comme un exorcisme. L'être aimé est amené dans une pièce sombre et de l'eau froide est jetée sur son visage pendant que les gens le giflent et lui crient : " Sors de là ! "

Mais ça ne fonctionne pas ainsi dans la vraie vie. Des approches avec moins de confrontation sont préconisées. Parce que si quelqu'un sent qu'il est attaqué, un tel processus de déprogrammation ne marcherait jamais, selon Sam Downs, intervenant en services d'aide pour l'organisme Info-Secte.

À 29 ans, cet homme avec une approche calme et éduquée est loin des êtres durs que l'on pourrait associer aux " déprogrammateurs ". Diplômé de McGill, il travaille en première ligne avec des membres de famille qui croient que leurs bien-aimés sont impliqués dans un groupe nocif, ainsi qu'avec ceux et celles qui se trouvent sous l'emprise d'une telle nocivité imposée par des pairs.

" La déprogrammation intransigeante ne fonctionne pas très bien, " dit Downs. " Beaucoup de gens qui passent par ce type d'intervention retournent dans leur groupe avec la conviction plus forte que jamais qu'ils ont pris la bonne décision, qu'ils sont attaqués par le monde extérieur, qu'ils ne peuvent pas faire confiance aux gens sur le dehors. Vous ne pouvez pas forcer une personne à quitter... Et la déprogrammation est très illégale. "

Selon Downs, le fait de ne pas être perçu comme attaquant la personne pendant une intervention est un énorme obstacle.

Pourquoi ?

Pourquoi des personnes rejoignent-elles une secte ? Pour l'organisme de Sam Downs, les motivations derrière l'adhésion ne sont pas obscures.

" Tout le monde veut appartenir à quelque chose, " dit Mike Kropveld, directeur-général d'Info-Secte. Kropveld lui-même travaille dans ce domaine ténébreux depuis les années 70 - il est reconnu comme un des maîtres experts mondial en tout qui le touche.

" Ce n'est pas une décision logique, " dit Kropveld. " Les gens prennent la décision émotionnelle de rejoindre un groupe où ils se sentent à l'aise. Vous tombez amoureux, et l'amour est aveugle. Vous en adhérez sur le plan émotionnel. "

Info-Secte est un organisme de première ligne qui répond aux questions et demandes des personnes dont des proches ou des amis se sont joints à un groupe, ainsi qu'à celles des ex-membres. L'organisme étudie les groupes marginaux et leurs leaders. Il abrite la plus grande collection d'informations publiques sur les sectes en Amérique du Nord, avec des matières en français, anglais et d'autres langues. Leurs bureaux sont situés dans le quartier Mile End de Montréal. Ils sont financés largement par le système de services de santé québécois.

Ils offrent également des regroupements de soutien à ceux dont l'entourage immédiat est impliqué dans une secte ; ainsi qu'un travail offert en présentiel ou en ligne.

Info-Secte existe à Montréal depuis 1980. Parmi les plus de 1000 personnes qui les contactent chaque année, surtout des francophones, certaines s'inquiètent pour des membres de leur famille qui sont en contact avec des groupes qu'elles ne connaissent pas. D'autres appellent pour obtenir des informations sur les théories du complot ou les escroqueries. Ils reçoivent des appels de partout au Canada et ailleurs.

Downs explique qu'ils reçoivent des appels des ex-membres de groupe qui, avec du recul, veulent comprendre comment ils ont pu tomber dans le piège. Ils continuent de lutter avec les répercussions psychologiques ou financières de ce qu'ils ont fait.

Qu'est-ce qu'il y a dans un nom ?

Malgré leur nom, Info-Secte préfère de ne pas parler des " sectes, " mais plutôt des " groupes. "

" On n'a pas une liste des sectes, " dit Kropveld. " Il n'y a pas de définition convenue de ce qui caractérise une secte. Nous fournissons les informations et vous faites votre propre choix. Quelles sont les questions que vous devriez poser pour maintenir la communication et la discussion avec la personne ? Reconnaître qu'une personne de plus de 18 ans a le droit de prendre ses propres décisions, peu importe ce que nous en pensons. "

Souvent, dit Downs, la personne dans un groupe ne se rend pas compte que les choses vont mal pour elle. Mais : " Quand il vous donne l'impression qu'un sacrifice extrême est justifiable pour le bien de la cause, ça peut bien être de la manipulation. Cela peut devenir très malsain, et la personne ne se rend souvent pas compte qu'elle est dans une situation très noire, comme par exemple si elle ne mange pas assez et souffre de malnutrition, jusqu'à ce qu'elle ait un problème médical aigu et qu'un professionnel de la santé de confiance lui dise qu'elle ne peut pas continuer à vivre de cette façon. "

Quand quelqu'un vient pour exprimer des soucis auprès d'une personne qui a adhéré à un groupe, dit Kropveld, " Nous posons des questions. Pourquoi es-tu concerné ? Que se passe-t-il ? Certaines personnes voient un groupe comme une secte parce qu'elles demandent 10% de vos revenus. Pourtant, il y a des religions bien établies qui demandent la même chose. Nous voulons voir quel est votre objectif, ce qui est réalisable. L'essentiel est de garder les voies de communication ouvertes. Quel type de relation souhaitez-vous avoir avec cette personne ? "

Downs dit que dans de nombreux groupes, les membres se retrouvent dans des situations de haute pression. " Ils ont l'habitude que les gens autour d'eux réagissent à un conflit, ou réagissent avec panique, ou les poussent à réagir très rapidement à la situation d'une manière strictement conforme. Donc, prendre du recul et dire, "d'accord, nous pouvons respirer et prendre du temps avec cela, nous pouvons en parler lentement" aide les gens à ne pas être traumatisés par l'intervention elle-même. Ce qui est toujours un risque. "

Info-Secte n'hésite pas à faire appel et à faire des références à des ressources extérieures : des thérapeutes experts en trauma, ou des travailleurs sociaux. Même parfois des avocats, car souvent avec des familles il y a des questions financières en jeu, comme des héritages. Ils font référence à des " conseillers de sortie " qui s'assoient avec la famille, et si possible avec le membre du groupe, et discutent avec toutes les personnes impliquées, en donnant autant d'informations que possible sur le groupe impliqué.

Pas seulement les jeunes

Les idéalistes, souvent des jeunes, cherchent un sens à leur vie. Ils ont perdu confiance dans les institutions traditionnelles de la société et veulent contribuer à rendre le monde meilleur. Mais " ce n'est pas juste des jeunes qui les rejoignent, " dit Kropveld. " On reçoit des appels des époux sur leur femme, et de beaucoup de fils et filles sur leurs parents. Personne n'est à l'abri de vouloir croire qu'il existe une solution simple quand les choses sont difficiles. Lorsque vous êtes stressé, vous êtes plus susceptible de vouloir ce bras chaud autour de votre épaule. "

Downs observe que les groupes auxquels les personnes âgées se joignent ont souvent moins à voir avec la religion et plus avec le bien-être et la santé. Et, de plus, que les femmes sont plus disposées à demander de l'aide après avoir intégréune secte que les hommes.

Kropveld estime que l'activité sectaire a considérablement augmenté depuis 1980. Il juge que les gens sont devenus plus susceptibles de rejoindre des organismes qui fournissent toutes les réponses : " C'est parce que la société change si vite, avec des changements majeurs. Vous essayez de comprendre ce qui se passe et vous êtes plus sensible à quelqu'un qui propose une solution simple. "

Ils n'aiment pas parler d'un " lavage de cerveau. " Ils gardent l'accent sur le maintien des lignes de communication ouvertes avec la personne qui a adopté un groupe.

Les choses deviennent très difficiles pour ceux qui ont un membre de la famille impliqué, observe Kropveld. " Parfois, la personne qu'ils connaissent est impliquée dans un groupe et semble passer un bon moment, mais la famille souffre. Plus tard, quand ils sortent cette personne d'une situation, c'est le contraire. Les choses sont difficiles pour cette personne, mais la famille est contente. "

" On peut avoir une bonne expérience dans un soi-disant mauvais groupe, ou une mauvaise expérience dans un bon groupe ", explique Kropveld. " Ce n'est pas pour nier le fait qu'il y a certains groupes qui sont très nocifs. "

Souvent les sectes changent de leadership, ou de direction. Beaucoup d'entre elles se fragmentent en plusieurs factions, note Downs. D'autres mouvements sont assez rigides et ne changent pas beaucoup. Mais parfois, la loi fait pression sur elles pour qu'elles changent, surtout s'il s'agit d'abus sexuels.

Kropveld donne l'exemple de Lev Tahor, la secte juive ultra-orthodoxe qui a opéré à Ste-Agathe-de Monts entre 2003 et 2013. Accusés de maltraitance envers des enfants, ils ont déménagé à Chatham, en Ontario, au milieu de la nuit en novembre 2013 pour fuir les autorités de protection de l'enfance, emmenant avec eux 127 enfants. Pour échapper à la justice, ils ont déménagé plusieurs fois depuis, au Guatemala, au Mexique et en Roumanie, entre autres.

Kropveld dit qu'il est plus facile pour quelqu'un de quitter un groupe basé sur la psychologie ou l'entraide que de quitter un rassemblement basé sur la religion. " Il y a l'idée que vous laissez Dieu derrière vous ", observe-t-il. " Vous avez ce sentiment de malheur éternel, pas seulement pour vous mais aussi pour vos générations futures. "

Info-Secte : (514) 274-2333

[email protected]

Signes avant-coureurs à surveiller

En réalité, n'importe qui peut joindre un groupe ou adhérer à une croyance donnée au cours de sa vie. Toutefois, diverses circonstances peuvent influencer ou faciliter le processus d'adhésion, notamment lorsque l'individu :

· traverse une période d'épreuves (séparation, maladie, problèmes de dépendance, deuil, difficultés financières, etc.), de transition ou de remise en question ;

· perçoit son mode de vie comme " malsain " ;

· ressent un manque dans ses relations interpersonnelles (sensation d'isolement) ;

· se considère en opposition par rapport aux discours ou valeurs dominantes ;

· cherche à s'épanouir dans la société ;

· recherche un sens, une structure, un environnement social, etc.

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Info-Secte rescousse ceux sous l’emprise

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