Je voulais voir Une famille, parce que j’apprécie Christine Angot, mais je ne me sentais pas vraiment de me confronter une fois de plus à son histoire que je pensais très personnelle.
Autrement dit, même si je compatis pleinement en sa souffrance, je ne me sentais pas légitime à juger son travail et je craignais de n’être pas impartiale, que ce soit en l’estimant excellent ou en lui trouvant des défauts.
Dans un tel contexte j’applique toujours la même méthode : aller lire tout ce que je peux glaner à propos de l’œuvre en question. J’ai été convaincue qu’il me fallait le voir. En premier lieu par la bande annonce qui dit très bien l'enjeu de son film et que j'ajoute à la fin de cet article.
Personne ne dira découvrir le sujet. Quatre de ses livres y sont consacrées : L'Inceste en 1999, Une semaine de vacances en 2012 et Un amour impossible en 2015, qui fit lui-même l'objet d'un film, Le voyage dans l'Est, en 2021 pour lequel elle a reçu le prix Médicis, et qui fit l'objet d'une pièce de théâtre. C'est toujours un choc.
Elle raconte l'inceste par le père, qu'elle a subi de 13 à 26 ans. A l'occasion d'une invitation en Lorraine au festival des livre de Nancy elle retourne à Strasbourg, retrouve la maison où son père a vécu avec sa nouvelle femme et, enfin, confronte sa belle-mère. Plusieurs entretiens auront lieu avec des membres de sa famille, entrecoupés (et c'est très original tout en amenant une immense humanité) de séquences de films montrant Christine avec sa propre fille à différents âges.
Christine Angot a subi beaucoup de mépris de la part de la critique littéraire avant de recevoir la creconnaissance d'un prix. Ce qui a changé c'est que la parole s'est libéré et que le curseur s'est déplacé du côté des victimes. La familia grande de Camille Kouchner a contribué à faire bouger la loi. la question du consentement a été au coeur du débat. Mais en ce qui concerne l'inceste Christine Angot est formelle : il n'y a pas de consentement envisageable, quel que soit l'âge auquel les faits se produisent.
L'inceste est un énorme abus de pouvoir par le parent sur une petite chose fragile et en danger qu'est l'enfant, entré dans le Code pénal en 1996. Venant de quelqu’un qu’on aime, on garde toujours de le convaincre d’arrêter. On se tait parce qu'on a honte pour lui, pas de soi puisqu’on n’est pas coupable.
Le film qui sort sur les écrans la suit dans le voyage qu'elle entreprend pour confronter plusieurs membres de sa famille. Ce qui est nouveau, c'est que l'on comprend que l'inceste qu'elle a subi touche la totalité de al sphère familiale. Sa mère reconnaitra que les rôles se sont inversés et que Christine, en se taisant au moment des faits, a cherché à la protéger. Son ex-mari fera des confidences bouleversantes. Le moment le plus étonnant est sans doute le face-à-face avec la nouvelle épouse de son père qui s'efforce avant tout de défendre son image sociale et qui jamais ne reconnaitra qu'il conviendrait d'être désolée qu'il lui soit arrivé cela.
La seule à le dire, et ces mots ont une vertu considérable, sera sa propre fille, à la toute fin du documentaire. Ce n'est pas la vie ajoute-t-elle. Et elle a raison.
Quant à nous, nous ne pouvons que l'écouter, ce qui est déjà capital. Voilà pourquoi il faut aller voir Une famille.