J'apprécie trop la liberté de mouvement me permettant de descendre dans le photo-call pour féliciter les artistes que je connais et que je me réjouis de voir récompensés. Et puis, pouvoir écrire à chaud mes impressions est tout autant appréciable.
L'agitation commence dès 18 heures avec les premières arrivées. C'est le bon moment pour commencer à poser en équipe devant les photographes. Tous les espoirs sont encore permis. Tout à l'heure seuls les possesseurs de statuette monteront sur le podium décoré de costumes créés par la si merveilleuse Pascale Bordet, hélas disparue cette année et qui méritait cet hommage. J’y reviendrait au moment où la soirée consacre quelques minutes aux artistes qui nous ont quitté en 2023.
Je vais "raconter" la soirée en me permettant quelques commentaires intégrés par la suite. Il me semble intéressant de formuler l’hypothèse que les votants ont accordé plus d’attention à ceux qui n’ont jamais reçu de Molières et que les voix ont été, davantage que les années précédentes, réparties plus largement.
Il y avait 85 nominations pour 19 statuettes (sachant que la 20 ème serait un Molière d’honneur). Mais, alors qu’on aurait pu espérer logiquement que 85 spectacles soient distingués, ils n’étaient que 26 à figurer une seule fois sur les listes qui avaient été annoncées le 3 avril dernier, réjouissant les uns, décevant les autres car de nombreux spectacles remarqués au cours de la saison n’avaient pas franchi ce premier barrage.
En fait, si on se concentre sur le théâtre (en excluant donc le spectacle musical, l'humour, et même les seul en scène car ils ne peuvent pas prétendre à figurer dans plusieurs catégories) on ne compte que 36 spectacles remarqués. Parmi eux 17, soit la moitié ne sont nominés qu'une fois, les autres pour plusieurs (ce qui les plaçait en meilleure posture) 10 le sont pour 2 Molières, 1 seul pour 7.
Si on observe dès maintenant les résultats, seuls 14 spectacles seront lauréats dont 5 recevront deux Molières, ce qui est loin malgré tout des années où un ou deux trustaient la majorité des récompenses. Le résultat est donc plus équilibré et on peut se réjouir de ce qui n’est peut-être qu’un hasard. Remarquons toutefois une logique contre laquelle il faudrait agir. C’est le même spectacle qui remporte le Molière du Théâtre Public et celui de la mise en scène dans un théâtre public. C’est aussi le même qui reçoit le Molière de la Comédie et celui de l’auteur. J’entends par "logique" le fait que lorsqu’on atteint l’excellente c’est rarement dans une seule catégorie.
Néanmoins le nombre de nominations n’est pas un gage de succès. Courgette, favori dans 7 catégories, ne remportera qu’un Molière. Et beaucoup, nominés deux fois, n’en recevront aucun. Mais revenons à la soirée :
Le public installé dans la salle a sans nul doute ressenti quelques frissons avec la mise en place de l’orchestre des Sapeurs Pompiers de Paris, magnifiquement chorégraphiée, interprétant un medley où l’on reconnaît l’indicatif de la célèbre émission Champs-Elysées sur laquelle Caroline Vigneaux fait une entrée plutôt tonitruante qui dénote avec le flegme que l’on reconnaissait à Michel Drucker, mais le ton est donné : Ce soir c'est à mon rythme que la soirée se déroulera.
Il était nécessaire de les remercier pour leur présence tous les soirs dans les théâtres pour assurer la sécurité incendie, même quand il n'y a pas de spectateurs. Et vous pourrez les retrouver à la Salle Pleyel le 30 mai prochain.
Il est 18 h 48 et la soirée est lancée par un discours composé avec les principaux titres des spectacles nominés, régulièrement applaudi sans qu'on puisse exactement déterminer si c'était en réaction aux bons mots de la maîtresse de cérémonie ou à la joie des équipes s’étant reconnues.
Vêtue de rose et de rouge flamboyant, elle nous promet un merveilleux carrousel d’artistes qui vont illustrer le spectacle vivant au travers d’un échantillon de toutes les disciplines du spectacle vivant, dont, curieusement, le théâtre sera le grand absent.
Elle semble s’excuser auprès des 80% de la salle qui vont repartir bredouille sans la statuette de 2, 7 kilos en espérant que tout le monde se soit malgré tout diverti. Sachant que les remerciements plombent l’ambiance (pourtant ce n’est pas le cas aux Césars) Caroline Vigneaux remercie elle-même les auteurs, producteurs, réalisateurs, enfants, parents, amis, conjoints, y compris les ex qui, devant leur télé, ont grave le seum ce soir (ce qui fait rire Rachida Dati). Merci à tout le monde, sauf sauf à madame la ministre, poursuit l’humoriste.
Elle propose un deal impossible réclamant les 204 millions de budget perdus, le maintien de l'intermittence, contre l’assurance de gagner la mairie de Paris alors que la caméra surprend la Ministre lever le pouce en riant.
Caroline prévient que les lauréats n'auront qu'une minute pour parler de leur spectacle, sans remercier mais que cette contrainte est destinée à faire naître la créativité et convaincre les téléspectateurs de se lever de leur canapé et de venir les applaudir au théâtre. Elle introduit Ernesto (Laurent Arcaro le baryton du groupe The Opera locos) chargé de les interrompre avec maestria.
Elle enchaîne en rappelant la chute que fit le médaillé mondial en plongeonAlexis Jandard devant Emmanuel Macron et la France entière le jour de l’inauguration de la nouvelle piscine olympique. Mais comme on ne juge pas un homme à la façon dont il tombe mais à celle dont il se relève … et exige la première standing ovation de la soirée pour encourager cette vraie chance de médaille le 2 août aux JO de Paris. Et le voilà qui entre en courant en tenant une soit-disant flamme olympique, que l’homme de permanence sécurité-incendie interrompt brutalement. Soyons rassurés la vraie flamme arrivera à Marseille après-demain. Et merde comme on dit au théâtre lance brutalement Caroline en se demandant si elle n'a pas gaffé ouvertement.
1. - Remise du Molière du Comédien dans un spectacle de Théâtre privé par Ariane Ascaride (j’ai du mal à comprendre qu’on choisisse une nominée pour remettre une statuette alors qu’elle même n’en recevra peut-être pas, et cette façon de faire se répétera plus tard) et Jean-Pierre Darroussin (quatre fois nominé, une fois primé) estiment que l’interdiction de remercier incitera les lauréats à ruser et trouver des solutions.
- Maxime d’Aboville dans Pauvre Bitos - le dîner de têtes de Jean Anouilh, mise en scène Thierry Harcourt
- Thierry Frémont dans Le repas des fauves, adaptation de Julien Sibre, mise en scène Julien Sibre
- Stéphane Freiss dans Le cercle des poètes disparus, adaptation de Gérald Sibleyras, mise en scène Olivier Solivérès
- Vincent Dedienne dans Un chapeau de paille d’Italie de Eugène Labiche, mise en scène Alain Françon
Vincent Dedienne semble sidéré. Il bredouille ben n'importe quoi, ah la la j’adore l'idée de me promener dans cette cérémonie entre humour et théâtre privé et être autorisé à faire des chroniques, du répertoire, de l'humour (il a remporté le Molière de l’humour en 2017 et en 2022). Il annonce qu’il remerciera demain ses 22 partenaires sur Instagram. Mais il ne peut s’empêcher de faire une déclaration d'amour en public pour Alain Françon : Les répétitions ont été le meilleur moment de ma vie professionnelle, j'ai eu l'impression de retourner à la fois sur les bancs de l'école et en cour de récréation. Et Jean Robert-Charrier directeur du théâtre de la Porte Saint-Martin dont il nous rappelle que déjà Jean-Pierre Bacri lui avait dit à quel point il est un bon directeur de théâtre.
On a envie de l’applaudir tant sa sincérité et sa joie font plaisir à voir.
2 - Molière du Comédien dans un spectacle de Théâtre public (par les mêmes remettants) :
- Charles Berling Dans Après la répétition/Persona de Ivo van Hove, mise en scène Ivo van Hove
- Laurent Lafitte dans Cyrano de Bergerac de Emmanuel Daumas, mise en scène Emmanuel Daumas
- Roschdy Zem dans Une journée particulière de Ettore Scola mise en scène Lilo Baur
- Micha Lescot dans Richard II, de William Shakespeare, mise en scène Christophe Rauck
3 - Molière de la Comédie : par Sophia Aram qui veut instaurer un moment léger, inclusif, bienveillant, tendre entre public et privé, de réconciliation entre Rachida et Kebab le chien de Gabriel Attal mais qui s’emporte froidement :
Nous qui hurlons nos indignations sur tout et n'importe quoi dans des tribunes nous devrions aussi faire attention à nos silences car, dans le brouhaha de nos indignations faciles, le silence, même relatif, après ce 7 octobre où 1200 civils israéliens ont été massacrés, est assourdissant. Et s'il est évident que nous partageons tous ici les appels au cessez-le-feu, comment être solidaires des victimes mortes à Gaza sans être aussi solidaires des victimes israéliennes ? … Comment exiger d’Israël de cesser le feu sans exiger la libération des otages israéliens ? Ce silence nous divise, et blesse juifs ou non, attachés au droit humain … Sur ce, place au rire.Elle est en toute logique très applaudie.
- Ferme bien ta gueule de Julien Ratel, mise en scène Ludivine de Chastenet et Benjamin Gauthier au Théâtre Lepic
- Mondial Placard de Côme de Bellescize, mise en scène Côme de Bellescize au Théâtre Tristan Bernard
- Vidéo Club de Sébastien Thiéry, mise en scène Jean-Louis Benoît Théâtre Antoine
- C’est pas facile d’être heureux quand on va mal de Rudy Milstein, mise en scène Rudy Milstein et Nicolas Lumbreras (et non pas Salomé Lelouch comme annoncé par la voix off) au Théâtre Lepic
4 - Molière de la Comédienne dans un spectacle de Théâtre privé : par Bruno Solo, qui supporte un jeu de mots sur son nom, et une interrogation musclée sur un soupçon "metoo". le comédien est la preuve vivante qu'il est possible de suivre une carrière sans avoir agressé de femmes. Car si Bruno a une histoire avec une maquilleuse il se trouve que c'est sa femme et la mère de ses deux enfants. Beau message qu'on avait besoin d'entendre.
- Pascale Arbillot dans Interruption de Pascale Arbillot, Hannah Levin-Seiderman, Sandra Vizzavona, mise en scène Hannah Levin-Seiderman
- Ariane Ascaride dans Gisèle Halimi, une farouche liberté de Agnès Harel, Philippine Pierre-Brossolette et Léna Paugam, mise en scène Léna Paugam
- Noémie Lvovsky dans Vidéo club de Sébastien Thiéry, mise en scène Jean-Louis Benoît
- Cristiana Reali dans Un tramway nommé désir, de Tennessee Williams, mise en scène Pauline Susini
La comédienne était nommée pour la 7ème fois sans l'avoir obtenu jusque là. Elle avait enregistré un numéro, très amusant, au cas où elle serait enfin couronnée, sur la musique de la Samba de Janeiro. Elle respecta l'interdiction de remercier en utilisant l'espagnol "Obligada". Son numéro a enthousiasmé Francis Huster qui l'a filmée avec son téléphone depuis son siège. N'oublions pas qu'elle partagea sa vie pendant presque vingt ans et qu'ils ont deux enfants. C'est la Metteuse en scène Pauline Susini qui est montée prendre la statuette pour celle qui a fait de Blanche Dubois une femme unique, bouleversante.
5 - Molière de la Comédienne dans un second rôle : par Sylvie Testud qui soulignera qu'il faut toujours une très bonne actrice pour porter un second rôle. Elle serainterrompue par un petit duo des Épis noirs.
- Cécile Garcia Fogel dans Richard II, de William Shakespeare, mise en scène Christophe Rauck
- Charlotte Matzneff dans Le huitième ciel de Jean-Philippe Daguerre, mise en scène Jean-Philippe Daguerre
- Alysson Paradis dans Un tramway nommé désir, de Tennessee Williams, mise en scène Pauline Susini
- Lola Roskis dans Courgette de Paméla Ravassard et Garlan Le Martelot, mise en scène Paméla Ravassard
- Josiane Stoléru dans James Brown mettait des bigoudis de Yasmina Reza mise en scène Yasmina Reza
- Jeanne Arènes dans L’effet miroir de Léonore Confino, mise en scène Julien Boisselier
Jeanne Arènes se dit honnêtement très honorée qu'on ait remarqué son travail. Elle se souvient de sa forte émotion quand elle a assisté il y a 35 ans à une représentation dans le sud de la France et a une pensée pour tous ceux qui ne verront pas cette lumière.
6 - Molière du Metteur en scène dans un spectacle de Théâtre privé : par Anne Roumanoff (surprenante en vêtement noir et plus en rouge) qui nous a offert un joli numéro sur l'addiction aux réseaux sociaux.
Autrefois on disait, pour vivre heureux vivons cachés, aujourd'hui pour être heureux il faut être liké. Les influenceurs disent ma communauté. Voici la nouvelle religion, le narcissisme, …Levez votre pouce et likez au nom du buzz, du bling, du fric et de la fame, tic, toc.
On confond émotion et opinion, pétition avec conviction. On écrit un commentaire et on se prend pour Voltaire.
Molière écrirait le Complotiste imaginaire ou Les blogueuses ridicules, Marivaux Les Fake Confidences, Shakespeare Beaucoup de buzz pour rien. Elle poursuit à la manière de La Fontaine : on est tous hypnotisés, possédés, on oublie nos amis, parents, enfants.
Anne conseille de savourer l'instant présent et d'aller voir des spectacles vivants plutôt que de rallumer nos écrans.
- Aïla Navidi pour 4211 km de Aïla Navidi
- Alain Françon pour Un chapeau de paille d’Italie de Eugène Labiche
- Nicolas Le Bricquir pour Denali de Nicolas Le Bricquir
- Olivier Solivérès pour Le cercle des poètes disparus, adaptation de Gérald Sibleyras
Olivier Solivérès compare le travail de metteur en scène à celui d'un entraineur de foot. Il nous dit qu'il aura mis 11 ans pour faire ce spectacle, qui est une adaptation du film (nommé 6 fois ce soir), remercie malgré tout Jean-Marc Dumonter et dédie ce Molière à sa femme qui a tant fait preuve de patience. Il est amusant (car le metteur en scène est également nominé dans la catégorie spectacles pour enfants avec Pinocchio) ses frères l'aient poussé à arrêter de faire des spectacles pour enfants en lui recommandant de passer aux adultes.
Le numéro de mentalisme de Viktor Vincent qui a suivi fut époustouflant. J'adore cet artiste dont Les liens invisibles m'avaient subjuguée. Il démontre qu'il réussit à lire dans les pensées en découvrant du premier coup à quel nombre de deux chiffres Caroline puis un comédien choisi au (vrai) hasard auront pensé. Il sera à l’Olympia les 22 et 23 décembre prochain avec son nouveau spectacle Fantastik.
7 - Molière de l’Humour : Caroline Vigneaux s’auto accueille, revenant sur sa déception de ne pas avoir reçu de Molière en 2019 face à Blanche Gardin et s'auto-imite. Je me souviens parfaitement de son spectacle, Croque la pomme, qui m'avait épatée. Elle déplie son discours de l'poque pour le lire. Elle en perd le fil en oubliant de donner les noms des nommés :
- Elodie Poux dans Le syndrome du papillon de Elodie Poux, mise en scène Florent Longép
- Fabrice Eboué dans Adieu Hier de Fabrice Eboué, mise en scène Fabrice Eboué et Thomas Gaudin
- Pablo Mira dans Passé simple de Pablo Mira et Morgane Riester, mise en scène Fanny Santer
- Sophia Aram dans Le monde d’après, de Sophia Aram et Benoît Cambillard, mise en scène Sophia Aram et Benoît Cambillard
Sophia Aram a conçu un spectacle très politique … comme on s'en doute.
- Le consentement avec Ludivine Sagnier de Vanessa Springora, mise en scène Sébastien Davis, Sorcières & Cie
- La douleur avec Dominique Blanc de Dominique Blanc, mise en scène Patrick Chéreau et Thierry Thieû Niang au Théâtre National Populaire
- Kessel, la liberté à tout prix avec Franck Desmedt de Mathieu Rannou, mise en scène Mathieu Rannou au Théâtre Lucernaire et Théâtre Rive Gauche
- Va aimer ! avec Eva Rami de Eva Rami au Théâtre Lapis
C'est une jeune femme en larmes qui est montée sur scène, admettant qu'il était plus facile d'interpréter un rôle que d'être soi-même : Voilà voilà mais bordel ça fait du bien de ramener la coupe à la maison. On fait pas grand chose seul, même si ça s'appelle seul en scène, dit-elle en enchainant les dédicaces à Elie Kakou, à son attaché de bresse (Mathieu tu m'excuses lance-t-elle en s'adressant de loin à Matthieu Clée de Switch Agency). Non, pour être aimé il ne faut pas tout accepter mais les lignes sont en train de bouger. Des remparts s'élèvent face aux violences faites au femmes et aux enfants. Oui, je crois en la puissance des mots; Je suis là pour dire alors je vais tenter de continuer.
Elle termine avec les mots de l'écrivaine Olga Tokarczuk : notre vision devient forte lorsque nous ne rêvons plus seul.
9 - Molière du Jeune public : par Victoria et Maxime, élèves en option théâtre au lycée qui répondent aux questions de Caroline par des répliques tirées d'Alfred de Musset
- Les aventures de Pinocchio de Olivier Solivérès, mise en scène Olivier Solivérès au Théâtre des Mathurins
- Denver, le dernier dinosaure de Arthur Jugnot et Guillaume Bouchède, mise en scène Arthur Jugnot et Guillaume Bouchède au Théâtre de la Renaissance
- Icare de Guillaume Barbot, mise en scène Guillaume Barbot Compagnie Coup de Poker
- Neige de Pauline Bureau, mise en scène Pauline Bureau Compagnie La part des Anges
Pauline Bureau confie que, petite, elle adorait Blanche Neige et les contes de fées en général mais regrettait que les jeunes filles et les femmes y soient méchantes. Cette constatation lui donna envie de raconter l'histoire autrement. Et parce que la jeune femme est profondément altruiste elle partage ce Molière avec toutes les compagnies indépendantes en France qui montent des productions en ce moment, qui tournent des spectacles partout, dans un milieu de plus en plus précaire, avec des moyens de tourner qui baissent chaque année. On a une immense pensée aussi pour les ados qui nous donnent envie encore et encore.
10 - Molière de la Révélation masculine : par Jean Louis Garçon et Kevin Razi (lui aussi nominé ce soir) qui remercient avec humour Alexis Michalik d'avoir surtout mis en avant les minorités dans son spectacle Passeport au théâtre de la Renaissance, alors que la diversité n'est pas au rendez-vous parmi les nominés
- Audran Cattin dans Le cercle des poètes disparus, adaptation de Gérald Sibleyras, mise en scène Olivier Solivérès
- Louis Peres dans Daddy de Marion Siéfert mise en scène Marion Siéfert
- Yuming Hei dans Les Bonnes de Mathieu Touzé mise en scène Mathieu Touzé
- Martin Karmann dans Je m’appelle Asher Lev de Aaron Posner, mise en scène Hannah-Jazz Mertens
- Garlan Le Martelot dans Courgette de Paméla Ravassard et Garlan Le Martelot, mise en scène Paméla Ravassard
- Ethan Oliel dans Le cercle des poètes disparus, adaptation de Gérald Sibleyras, mise en scène Olivier Solivérès
Second Molière pour Le cercle des poètes disparus dont il faut comprendre un des messages principaux, Carpe diem, comme une invitation à saisir les opportunités et que Ethan Oliel dédie à sa professeur de théâtre.
11 - Molière de la Révélation féminine :
- Justine Bachelet dans Après la répétition/persona de Ivo van Hove, mise en scène Ivo van Hove
- Nassima Benchicou dans Freud et la femme de chambre de Leonardo de la Fuente, mise en scène Alain Sachs
- Lucie Brunet dans Denali, de Nicolas Le Bricquir, mise en scène Nicolas Le Bricquir
- Lila Houel dans Daddy de Marion Siéfert mise en scène Marion Siéfert
- Cléo Sénia dans Music-Hall Colette de Cléo Sénia et Alexandre Zambeaux, mise en scène Léna Bréban
- Olivia Pavlou-Graham dans 4211 km de Aïla Navidi mise en scène Aïla Navidi
12 - Molière de la Création Visuelle et Sonore : par la Grande Dame (qui représente la France dans le concours international Drag Race) et Régis Laspalès sur la musique de Pookie d'Aya Nakamura
- 40° sous zéro de Copi, mise en scène Louis Arene Scénographie Louis Arene Costumes Christian Lacroix Lumière François Menou Compagnie Munstrum Théâtre
- Le cercle des poètes disparus, adaptation de Gérard Sibleyras, mise en scène Olivier Solivérès, costumes Chouchane Abello-Tcherpachian, décors Jean-Michel Adam, lumière Denis Koransky au Théâtre Antoine
- Denali de Nicolas Le Bricquir, Mise en scène Nicolas Le Bricquir Scénographie Juliette Desproges Lumière Maxime Moro au Studio Marigny
- Neige de Pauline Bureau, Mise en scène Pauline Bureau Scénographie Emmanuelle Roy Décors Emmanuelle Roy Costumes Alice Touvet Lumière Jean-Luc Chanonat Compagnie La Part des Anges
Cette fois Pauline Bureau laisse monter son équipe technique de 6 créateurs, Alice Touvet aux costumes, Vincent Hulot au son et à la création musicale, Jean Luc Chanonat à la lumière et Clément Debailleul à la vidéo et la magie (absent) et Julie Poulain aux perruques et maquillage, et Emmanuelle Roy (scénographie et accessoires) quicélèbre la confiance motrice de Pauline. Neige est un récit qui nous apprend à accepter le temps qui passe. Une phrase résume le propos de Neige : apprends moi l’inutile, ce qui ne sert à rien mais qui fait du bien … apprends moi à rêver, à ne rien faire, à marcher sur les mains, à aimer le temps qui passe.
13 - Molière du Spectacle musical : par les mêmes remettants qui compose un joli duo bien (mal) assorti et qui furent très drôles
- Mamma Mia de Catherine Johnson, mise en scène Phyllida Lloyd au Casino de Paris
- Molière, le spectacle musical de Ladislas Chollat, d’après François Chouquet et Dove Attia, mise en scène Ladislas Chollat au Dôme de Paris
- L’opéra de quat’sous de Thomas Ostermeier, mise en scène Thomas Ostermeier à la Comédie Française
- Spamalot de Eric Idle, mise en scène Pierre-François Martin-Laval au Théâtre de Paris
Pierre-François Martin-Laval est venu chercher la statuette avec ses producteurs et bien lui en prit car l'émotion a failli lui faire faire une chute spectaculaire s'il n'avait pas été rattrapé de justesse par le bras de Laurent Bentata (également producteur de Mamma Mia!, … directeur de Mogador, producteur du Roi Lion, coproducteur du spectacle Les Producteurs … ). Spamalot est un mot-valise combinant Spam et Camelot. Cette comédie musicale est fondée sur le film Monty Python : Sacré Graal !, sorti en 1975.
Deux prestidigitateurs, les French Twins actuellement en tournée avec leur show 2.0, ont fait un numéro pour introduire le Molière d'Honneur qui fut remis par Eric-Emmanuel Schmitt au terme d'un discours assez long.
14 - Molière d'Honneur décerné à Francis Huster :
La salle s'est levée pour acclamer Francis Huster, qualifié de plus très jeune mais toujours premier malgré ses 76 ans. C’est lui qui a le plus joué de pièces de Molière.
L'homme a salué le sublime honneur de recevoir ce Molière d'honneur. Molière a aimé le peuple, même ceux qui râlent et même ceux qui râlent de râler. Molière nous a offert l’insolence, cette braise de révolte qui ne cessera de brûler en nous. Ses héros sont tous des monstres (il déchire son papier). Admirons les vraies héroïnes de ses pièces, Elmire, Elvire, Agnès, Armante, Célimène, Toinette, Nicole, Dorine, refusant de se soumettre, osant dénoncer et triompher de ces lâches que sont Tartuffe, violeur, Orgon hypocrite, Dandin maniaque, Harpagon avare pervers, Jourdain obsédé par le fric et le sexe, Arnolphe prédateur pédophile, Argan détraqué, et jusqu'à Don Juan tueur sans remords. Il a ouvert la voie aux femmes. J'ai essayé comme toi. Ne rien subir mais surtout ne jamais rien regretter.
La remise de cette décoration, discours inclus, dont chacun aura mesuré la portée féministe post Metoo, aura duré près de 15 minutes. Elle a été suivie par une autre intervention, celle de Régis Vlachos comédien pour la CGT Spectacle à propos des inquiétudes et des coupes budgétaires qui, lui, n'eut que 3 minutes pour s'exprimer, et tard en soirée, sans provoquer la moindre réaction de la Minsitre.
Caroline Vigneaux chercha à détendre l'atmosphère en demandant à ChatGTP sa meilleure vanne, encore une histoire de plongeon qui ne fit réagir personne. Maestro fut appelé en renfort pour proposer des vocalisations et faire chanter la Traviata à une salle entière et de nouveau fédérée.
15 - Molière du Metteur en scène dans un spectacle de Théâtre public : remis par Elsa Zylberstein (c'est magique d'être le miroir à fantasmes d'un metteur en scène) et Tiago Rodrigues, directeur du festival d'Avignon (assez humoristique) disant exactement le contraire en se mettant au service des acteurs et actrices.
- Christophe Rauck pour Richard II de William Shakespeare
- Pamela Ravassard de Paméla Ravassard et Garlan Le Martelot
- Ivo van Hove pour Après la répétition/persona de Ivo van Hove
- Louis Arene pour 40° sous zéro de Copi
Remplaçant Louis Arene, c'est le co-directeur du Munstrum, Lionel Lingelser qui est monté sur scène en rappelant que Copi reste drôle, subversif et moderne.
16 - Molière de l’Auteur/trice francophone vivant/e : remis par les mêmes remettants qui évoque un chemin illuminé par le texte, caché dans l'ombre derrière sa plume pour celui qu’on ne voit pas et qui invente pour nous
- Léonore Confino pour L’effet miroir
- Julie Deliquet pour Welfare
- Jean-Christophe Dollé pour Allosaurus [Même rue, même cabine]
- Aïla Navidi pour 4211 km
- Yasmina Reza pour James Brown mettait des bigoudis
- Rudy Milstein pour C’est pas facile d’être heureux quand on va mal
Rudy Milstein vient recevoir le second Molière avec joie : vivement la prochaine dépression si ça peut mener à ça. J'ai écrit comme un crachat de rage parce qu’on a une liberté folle au théâtre d'écrire sur les sujets qu'on ne peut pas dire et il faut la préserver cette liberté folle (il fut alors très applaudi car chacun avait compris le sous-texte).
Caroline Vigneaux devait ressentir un coup de blues pour répondre : Deux siècles de combat féministe pour finir en pâte à modeler, y'a encore du boulot. Elle annonça la séquence souvenir traditionnelle avec une citation de Simone de Beauvoir : Dur travail de mourir quand on aime si fort la vie.
Pour honorer ceux qui nous ont quitté Alice Tagliolé interpréta au piano une musique où parfois notre oreille cueillait quelques notes de tel ou tel film. Elle interprétera au Théâtre Antoine Vel d'Hiv, un seule en scène mis en scène par Alex Lutz.
Parmi les disparus dont les visages apparaissaient à l'écran, je voudrais revenir sur la très bonne idée d'avoir disposé des costumes créés par Pascale Bordet dans le hall des Folies Bergère.
17 - Molière de la Comédienne dans un spectacle de Théâtre public : parJérémie Lippmann, comédien metteur en scène réalisateur, décoiffé comme toujours, et Muriel Mayette, directrice du théâtre de Nice,. Pour le premier honorer une comédienne c'est honorer un parcours et la seconde a rendu hommage à Charlotte Delbo, assistante de Louis Jouvet.
- Emmanuelle Bercot, dans Après la répétition/persona de Ivo van Hove, mise en scène Ivo van Hove
- Laetitia Casta dans Une journée particulière de Ettore Scola mise en scène Lilo Baur
- Marina Hands dans Le Silence de Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix, mise en scène Lorraine de Sagazan
- Vanessa Cailhol dans Courgette de Paméla Ravassard et Garlan Le Martelot, mise en scène Paméla Ravassard
Vanessa Cailhol fut longuement acclamée et fit un petit discours très émouvant : Jouer Camille une enfant de 9 ans en devenant maman, alors que moi-même j'ai grandi au centre d’enfants placés par l'ASE séparés de leurs parents pour maltraitance était quelque chose d'extraordinaire. Cette pièce nous reconnecte à la poésie de l’enfance malgré nos cœurs d’adulte qui ont parfois besoin d’être recousus pour continuer à regarder la lumière sous les feuilles des arbres. Elle crie Merci Maman.
Nouvel intermède musical des Epis noirs qui seront bientôt au Lucernaire avec Britannicus_Tragic_circus, spectacle musical inspiré par Britannicus, de Racine
18 - Molière du Comédien dans un second rôle : par les mêmes remettants dont Jérémie affirme qu'il n'y a que des rôles importants, pas de "second "
- Lionel Abelanski dans Un tramway nommé désir de Tennessee Williams mise en scène Pauline Susini
- Florian Choquart dans Courgette de Paméla Ravassard et Garlan Le Martelot, mise en scène Paméla Ravassard
- Kevin Razy dans Passeport de Alexis Michalik, mise en scène Alexis Michalik
- Laurent Stocker dans Cyrano de Bergerac de Emmanuel Daumas mise en scène Emmanuel Daumas
- Vincent Viotti dans Courgette de Paméla Ravassard et Garlan Le Martelot, mise en scène Paméla Ravassard
- Guillaume Bouchède dans Je m’appelle Asher Lev de Aaron Posner, mise en scène Hannah-Jazz Mertens aux Béliers parisiens
Le comédien présente son spectacle comme l'histoire d’un jeune prodige de l’art mis en scène admirablement par une fille de 25 ans (que l'on voit les larmes aux yeux dans la salle). Pour raconter de belles histoires, nous dit-il, il faut en avoir entendu de jolies et je remercie pour ça ma maman.
La troupe Backpocket effectue une sorte de mise en abime dansée de la situation avec The Award. Cette compagnie bruxelloise sera en tournée en France à partir de mars 2025 et leur présence ce soir est justifiée car il était indispensable de fêter le spectacle vivant avec le cirque.
Jean-Marc Dumontet, président de l'association, s'apprête à conclure une soirée magnifique comme nous l’espérions, conforme à vos souhaits (Caroline), festive, joyeuse et engagée, et comme enfin les hommes accèdent aux demandes des femmes, je ne vous remercie pas. Il poursuit en faisant l’éloge du système de l’intermittence que peu de pays ont malgré les menaces avec des nuages qui s’amoncèlent. Et affirme que la culture a un vrai rôle à jouer face au défi collectif de réfléchir à ce que sera notre pays face à la montée des extrêmes. Ne cédons pas au catastrophisme ambiant ni aux tentations des tensions mais délivrons des messages porteurs d'optimisme. Nous avons la chance de vivre en France, et pas en Iran sous un régime moyenâgeux où Toomaj Salehi est condamné à mort pour une chanson. Sans démocratie, ni liberté d'expression, ni liberté de création.
On accueille Thomas Joly qui s'exclame (à juste tire) à propos des servantes qui éclairaient la scène. Il soutient (et il a raison) le principe du théâtre public auquel il est très attaché, parce qu'il n'est pas hermétique, réservé à une élite, inaccessible. C'est faux et regardez la liste des nommés ce soir qui nous dit que ce théâtre public est inventif, audacieux authentique. Il n'est pas forcément un théâtre de noms ou de titres connus et pourtant il a fait s'enthousiasmer les salles. Il existe à moins d'une heure de tout endroit. Avec leurs équipes passionnés où une grande part du prix du billet est déjà pris en charge par la subvention, ce n'est pas un vain mot, il propose donc des tarifs adaptés à toutes les situations Ce très beau modèle qui est à défendre permet l’audace créative des plateaux et l'accès aux salles élargi au plus grand nombre. C'est un service public. On peut s’en servir. On peut se servir. Il est important car il s'y joue notre humanité partagée. Donc il faut s'en réjouir …
19 - Molière du Théâtre Public : par Thomas Joly
- Allosaurus [même rue, même cabine] de Jean-Christophe Dollé, mise en scène Clotilde Morgiève et Jean-Christophe Dollé par la Compagnie f.o.u.i.c.
- Courgette de Paméla Ravassard et Garlan Le Martelot, mise en scène Paméla Ravassard pour la Compagnie Paradoxe(s)
- Welfare de Julie Deliquet, mise en scène Julie Deliquet au Théâtre Gérard Philipe
- 40° Sous zéro de Copi, mise en scène Louis Arene par la Compagnie Munstrum Théâtre
Un spectacle de la cruauté furieusement drôle qui a su conquérir l'académie des Molières, dont Lionel Lingelser ému, pense à la Ville de Mulhouse sans qui la compagnie n'aurait pas pu exister. Nous continuerons être des guerriers joyeux de lumière, promet-il.
20 - Molière du Théâtre Privé : remis par Jean-Marc Dumontet
- Le cercle des poètes disparus, adaptation de Gérard Sibleyras, mise en scène Olivier Solivérès au Théâtre Antoine
- Un chapeau de paille d’Italie de Eugène Labiche, mise en scène Alain Françon au Théâtre de la Porte Saint-Martin
- Denali, de Nicolas Le Bricquir, mise en scène Nicolas Le Bricquir au Studio Marigny
- 4211 km de Aïla Navidi, mise en scène Aïla Navidi, au Studio Marigny et au Théâtre de Belleville
Deuxième Molière pour ce spectacle dont le titre correspond à la distance entre Paris et Téhéran. Aïla Navidi confie ; J’ai écrit cette pièce pour mes enfants, pour qu'ils soient fiers de leurs grands parents iraniens réfugiés politiques en 1979, qu’ils n’oublient jamais. Elle insiste ensuite pour implorer qu'on exige la libération du rappeur Toomaj Salehi, connu pour son engagement contre le pouvoir répressif en place en Iran, condamné à mort pour corruption sur terre comme en a parlé Jean-Marc Dumontet il y a quelque instants, à seulement 33 ans, c’est mon devoir de défendre ces voix là.
On a commencé avec rien, zéro budget, nous avons travaillé un an bénévolement chez moi. Sa déclaration provoque une standing ovation tandis qu'elle remercie Merci Stéphanie Bataille d’avoir cru en eux et qu'elle salue … vive le théâtre !
Caroline Vigneaux aura le mot de la fin : Voyez c'est joyeux le théâtre. Vous pourriez penser que je suis féministe, oui et j’aime les hommes. Le féminisme est une question d’humanité et de solidarité, entre les générations. Mon droit est le combat des femmes qui m’ont précédées et elle cite Olympe de Gouges, Hubertine Auclert, George Sand, Simone de Beauvoir, Simone Weil, Gisèle Halimi, Françoise Giroud et tant d'autres qui se sont battues pour moi, pour nous. C’est à notre tour, la lutte que nous menons contre les violences faites aux femmes, contre le sexisme et les stéréotypes et de notre lutte naîtra la victoire de nos filles. C'est mon rêve.
Je ne remercie pas … Dansez sur la musique de Sly Johnson, le compositeur du spectacle Passeport de Michalik (alors que l'orchestre s'installe sur le plateau). Venez me rejoindre, ne me laissez pas seule. Même ceux qui n'ont pas de statuette !
Des spectateurs se lèvent pour la rejoindre. D'autres se dirigent vers les sorties pour féliciter les amis. Des interviews se poursuivent dans le hall. On se prend en photo. On échange ses impressions. On se dit que c'était une belle soirée, honorant davantage le spectacle vivant que strictement le théâtre, peut-être sans effet paillettes, mais sans non plus d'incident pour la perturber malgré une actualité plutôt morose.
Ceux qui n'ont pas reçu de Molière gardent le sourire et la jouent fair-play. L'important est de participer, comme on dit en olympisme.
Yuming Hey
Nicolas le Bricquir
A noter qu'étaient absents Louis Arene, Cristiana Reali,Charles Berling, Pablo Mira,Dominique Blanc, Laurent Stocker et Yasmina Reza.