Par Daniel RIOT
«La meilleure critique de la démocratie est un entretien de cinq minutes avec un électeur moyen», disait Churchill. Aujourd'hui, la blogosphère remplace parfois les cafés du commerce de jadis et servent de défouloir. Et attention aux têtes qui dépassent ! A ceux qui ne partagent pas vos opinions. A ceux qui ne font pas de l'anticonformisme prétendu un conformisme absolu.
De vraies hordes sauvages, souvent sous la lâche protection de pseudos, s'acharnent sur ceux qui dérangent. Surtout quand les ils ont un talent gênant pour les envieux qui en sont dépourvus. Quand leur voix se fait entendre sans qu'ils aboient. Quand ils ont une célébrité justifiée. Et quand leurs réflexions heurtent trop de réflexes.
BHL a sur la guerre du Caucase, sur la Géorgie, sur la Russie, des positions que l'on peut légitimement critiquer. Ce que j'ai écrit sur Relatio-Europe et ailleurs depuis l'ouverture du feu par le Président géorgien le montre assez...
Mais la démocratie, c'est la liberté d'exprimer des opinions argumentées qui ne sont pas forcément les vôtres, c'est aussi le respect des opinions qui ne sont pas les vôtres. Les polémiques sont enrichissantes et stimulantes quand elles ne reposent pas sur l'insulte, l'attaque personnelle, le procès d'arrières pensées (ces « pensées de derrière », disait Pascal), la diffamation, la malhonnêteté intellectuelle. Quand on ne fait pas dire ce qui n'a pas été dit, écrire ce qui n'a pas été écrit...
Les « choses vues » en Géorgie par Bernard-Henri Lévy, un reportage que Le Monde a publié (et que j'ai repris partiellement sur Relatio-Europe sous le titre « les éclairages de BHL ») a déchaîné des critiques passionnés et passionnelles. Sur Agoravox (où je me fais insulté parce que j'exprime mon amitié envers BHL) et sur Rue 89, où une contre-enquête (à contre-vérifier) met en cause les faits même décrits par Bernard-Henri, ou plutôt tels que certains peuvent les imaginer à partir de ce qu'il a écrit.
Il faut vraiment ne pas avoir du tout une expérience de témoin professionnel sur le terrain pour s'en prendre ainsi au témoignage tel qu'il est rédigé ! Et il faut être très avisé pour donner des « précisions » qui rendent extrêmement aléatoires démentis ou explications complémentaires. Il est vrai que chercher les poux dans la tête de BHL assure un succès facile sur le web. Plus que de réfléchir sérieusement à ce qu'il peut dire...
Ce qui est le plus reproché à BHL c'est qu'il soit allé à Tbilissi en avion privé. Je n'en sais rien et je m'en moque. Moi je n'ai pas les moyens de le faire. Et alors ?
Ce qui frappe les « contre-enquêteurs » de Rue 89, c'est de savoir si, parlant de Gori, il parle du centre-ville ou de la banlieue. Intéressant. Et si les feux qu'il a vu embrasait toute la ville ou des champs. Heureusement, qu'il n'a pas essuyé des tirs sur ce front : les plus zélés des « entarteurs » du clavier parleraient de mise en scène...
Ce qui est sûr c'est que les Russes ont été dans et autour de la ville, et qu'il y eu des dégâts. BHL décrit le « vu »,non le « vrai », ce qui est impossible à traduire que ce soit en mots ou en images. Relire Stendhal : Julien Sorel à Waterloo est aussi une bonne leçon de journalisme...que BHL n'a pas à recevoir.
Ce qui intéresse aussi Rue B9 c'est de savoir s'il a discuté de ses « choses vues » avec Sarkozy. Et alors ? Il a le droit d'en parler à qui il veut ou peut. Ce n'est pas pour cela que je vais chausser les lunettes de l'aigreur pour juger ce qu'il peut dire.
BHL (ce n'est pas nouveau) dérange les journalistes qui font du terrain sans penser, les philosophes qui pensent sans tenir compte du terrain, les engagés qui ne supportent pas des engagements différents des leurs, les plumitifs qui n'ont pas sa plume.
Pire : ce qui apparaît à travers nombre de « commentaires » déposés comme des crottes sur bien de sites qui mériteraient mieux relèvent d'une médiocrité crasse bien franchouillarde (la « France moisie », redirait Sollers).
Il est riche. Et alors ? Il a une jolie femme. Et alors ? Il est dans le « peuple des poeple ». Et alors ? Il est plutôt « bel homme ».Et alors ? Il est étiqueté « intello » ? Et alors ? Il a écrit des livres de qualité qui ont un succès international. Et alors ? Il s'engage pour une série de causes qui lui tiennent à cœur dans la logique de ce qu'il pense et dit. Et alors ? Il est juif. Eh ! Oui...Moi pas. Et alors ?
C'est cela le pire, souvent non dit mais toujours ou presque prégnant: Lévy cristallise sur sa personne une partie de ce fond d'antisémitisme (de droite et de gauche) qui caractérise tant les voyageurs du train « Vichy-Moscou via Munich »qui, (je cite encore Sollers) traverse encore nos campagnes et nos villes.
Mais dire cela, bien sûr, c'est se faire de nouveaux ennemis...Se faire taxer de je ne sais quelle parano. Se faire traiter, comme je l'ai lu, de lèche-cul, de garçon de course, d'avocat, de cireur de pompes de BHL... « Nos jugements nous jugent » : je n'ai pas fait de cette phrase de Valéry l'une de mes devises par hasard. C'est la vie : je choisis mes amis, et je subis ceux qui me considèrent en ennemi. En leur pardonnant leurs offenses. Mais en sachant que toutes les offenses ne sont pas toutes inoffensives. Surtout pour (ou plutôt contre) la démocratie.
L'injustice est insupportable, surtout quand elle vise ceux qui la combattent. Comme BHL. Mais c'est peut-être cela aussi que lui reprochent ses détracteurs les plus virulents!.
Courage, Bernard-Henry :tu sais très bien que les combats contre la bêtise sont les plus difficiles à mener. Mais ils sont indispensables.
Daniel RIOT
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 22 février à 13:24
Comme la rage conformiste se donne aujourd'hui de l'être cynique (subversif), il faut en montrer la figure moyenne. Et tant pis pour le rata du gratin et autres soupes populaire!
Vasistas es ist gut lueur où n'y voir goutte
L'Héroïque Bichon
Perruque des rois du neuf, porte-voix mignon vermicelle enjoué gai, ouah! Ouah! à tu et à toi qu'un rien ensorcelle! Ardoise et sillon, ruisselle, sans apriori, ni foi ni loi, science sous l'aisselle, un attelage aux abois vignette épique pucelle.