Magazine Bons plans

Union européenne : Décarboner l’espace aérien demande beaucoup de temps et de moyens

Publié le 18 mai 2024 par Fabrice Rault @fabrice_rault

Les enjeux énergétiques de la neutralité carbone

La quête de neutralité carbone dans le secteur du transport aérien européen impose une infrastructure énergétique colossale. L'Académie de l'Air et de l'Espace (AAE) estime que cette transition énergétique exigera environ 650 térawattheures (TWh) d'électricité par an, soit l'équivalent de la production de 60 réacteurs nucléaires. Dans un avis publié récemment, l'AAE met en lumière la nécessité d'investissements massifs, évalués à quelque 40 milliards d'euros par an, pour atteindre ces objectifs ambitieux.

Les carburants de synthèse comme alternative

Une voie décisive pour le secteur réside dans l'utilisation des carburants d'aviation durable (CAD), également connus sous le nom de Sustainable Aviation Fuels (SAF). A l'horizon 2050, la consommation totale de carburant du transport aérien en Europe est estimée à 40 millions de tonnes. Selon le règlement européen ReFuelEU, 70% de ce volume devra être constitué de SAF, soit 28 millions de tonnes, les 12 millions de tonnes restantes étant du kérosène classique.

Résoudre ce défi énergétique nécessite une production significative de carburants de synthèse, ou e-SAF, provenant du CO2 capturé et de l'hydrogène vert produit par électrolyse de l'eau. Ces procédés, bien que maîtrisés technologiquement, demandent d'importantes quantités d'électricité verte, illustrant pourquoi l'AAE prévoit entre 450 et 900 TWh d'électricité décarbonée par an.

Le spectre du plan Messmer

" Ces chiffres dépassent largement la consommation électrique actuelle de pays comme l'Allemagne ou la France ", souligne l'AAE dans son rapport. Ce défi évoque le plan Messmer, lancé en 1974 pour développer le parc nucléaire français. Aujourd'hui, en plus de décarboner le transport aérien qui représente environ 3% des émissions mondiales de CO2, d'autres secteurs devront également verdir leur consommation énergétique.

La demande totale en électricité décarbonée de l'UE pourrait s'élever à 6000 TWh par an d'ici 2050. Ce chiffre pharamineux correspondrait à 120 réacteurs EPR, plus de 1100 parcs éoliens offshore de 80 km² chacun et environ 12 000 km² de panneaux photovoltaïques. Les experts estiment les investissements nécessaires à 250 milliards d'euros par an.

Un enjeu économique et sociétal

L'ampleur de cette transition ne sera pas seulement financière. Elle pose aussi des questions d'acceptabilité sociétale. " Avec l'échelle des nouvelles unités de production électrique décarbonée, l'État jouera un rôle déterminant pour convaincre et soutenir les citoyens ", prévoit l'AAE. De fait, financer ces nouvelles technologies pourrait entraîner une hausse des prix des billets d'avion, estimée entre 15 et 20%.

Face à ces défis, l'AAE propose la création d'une filière européenne de production de substituts de kérosène. En comparaison, les États-Unis connaissent déjà un boom dans ce domaine grâce à l'Inflation Reduction Act (IRA). Pour rester compétitive, l'Union européenne devra instaurer des mesures fiscales adéquates et des aides pour éviter les distorsions de concurrence.

La souveraineté industrielle en jeu

L'UE pourrait transformer ce défi en opportunité historique, regagnant ainsi une part de sa souveraineté industrielle en matière énergétique. De plus, elle renforcerait la résilience du secteur aérien européen face aux crises énergétiques mondiales.

Cette situation pousse les décideurs à se demander : Comment l'Europe peut-elle mettre en œuvre un processus si colossal tout en assurant l'équité et la compétitivité économique ?


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Fabrice Rault 2492 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines