Dés les premières pages on pense à la phrase restée célèbre de Hugo s'adressant à son lecteur "Ah ! Insensé, qui crois que je ne suis pas toi !" Ce lien si fort que ressentent tous les lecteurs, Titiou Lecoq ici le chante et l'encense, non pas en plaçant Balzac sur un piédestal, pâle statue devant laquelle il faudrait s'incliner, mais au contraire, en cassant ici le mythe du grand homme et prouvant qu'on peut être un génie et avoir une vie "faite d'emmerdements assez classiques, la vie d'un homme avec ses soucis d'argent, ses rêves de devenir propriétaire, ses problèmes de travaux, son goût des fringues, ses pulsions d'achat, ses humiliations, ses espoirs que l'avenir serait meilleur, ses insomnies, ses migraines, ses brûlures d'estomac, sa mort. "
Ainsi elle nous présente une biographie décalée de Balzac, s'attachant plus à la folie de démesure du grand homme, à sa manie de sortir des cadres, à cet amour fou de la liberté, à cette assurance qu'il réussira quand bien même les huissiers, monstres tapis dans l'ombre, le poursuivaient.
Au-delà de l'anecdote croustillante, cette vie n'est que le reflet de l'empreinte prégnante de l'argent sur l'ensemble de la société, au détriment des valeurs morales. La peur du déclassement social guette sans cesse Balzac, et si ce sentiment reste présent de nos jours, cela montre bien que l'écrivain est relié au lecteur de façon inéluctable. Aussi l'autrice ne se contente pas de conter une histoire désincarnée qui finit inexorablement par la mort de l'artiste, elle livre aussi ses propres failles, s'interroge sur le sens de sa vie : "Dans un entretien, James Williams, un ancien employé de chez Google, a fait cette remarque : "Sur son lit de mort, personne ne se dit : "J'aurais aimé passer plus de temps sur Facebook." Et pourtant, nous sommes nombreux à y perdre un temps non négligeable." Elle pose finalement cette question essentielle en nous : qu'est ce qu'une vie réussie ? En explorant la vie et l'œuvre de Balzac, elle cherche des réponses à cette question atemporelle et avance ainsi un peu plus armée sur le chemin de sa vie. Sa réponse est toute personnelle : " Prendre conscience de ses attentes, de ses goûts, de ses valeurs. Il faut une démarche de conscientisation pour s'affranchir au maximum du simple mimétisme et des projections des autres sur ce que devrait être notre vie. "
A nous, lecteur, de trouver la nôtre ...