8 mai

Publié le 08 mai 2024 par Réverbères

 

Papa, je n’aurais jamais pensé vivre ce que j’ai vécu samedi dernier, 4 mai 2024. Je me suis retrouvé devant un monument aux morts, une écharpe d’échevin à mon épaule, entouré de trois drapeaux belges et de personnes qui – comme moi – ont vécu avec un père ancien prisonnier de guerre. Avec un peu d’avance, nous étions là pour commémorer la fin de la 2e guerre mondiale. Et je t’ai parlé, comme j’ai parlé à tous les autres, avec ces quelques mots.
 
 

T’avais 25 ans en l’an 40

T’avais rencontré la femme de ta vie

Tu t’apprêtais à la surprendre

À l’emmener en blanc à la mairie

T’avais pas prévu qu’il y aurait la guerre

Que tu partirais défendre ton pays

Pour te retrouver prisonnier de guerre

En captivité 5 ans de ta vie

Pendant tout ce temps il t’a fallu survivre

Continuer à croire aux vertus de l’amour

Veiller à ne pas partir à la dérive

Pour exister le jour du grand retour

 
Mesdames, Messieurs,
 
Ces mots, je les ai écrits et chantés en honneur de mon père. Il y a 84 ans, au début du mois de mai 1940, sergent volontaire de carrière, il est avec son unité à Massenhoven. La « campagne des 18 jours » va bientôt commencer. Le 28 mai, il apprend la capitulation de l’Armée belge. Il arrive en Allemagne le 5 juin après un long voyage en chalands et en trains, sans vivres et avec très peu d’eau. Il se retrouve au Stalag XIII A à Sulzbach, près de Nuremberg, où il reçoit cette plaque avec le numéro matricule 40.226. C’est le début de 5 longues années de captivité, passées à attendre, même si à la fin de la guerre, le travail à la ferme et au moulin occupait la plus grande partie de son temps.
 
Le 19 avril 1945, après avoir été libéré par les Américains et avoir passé près de 3 semaines dans des casernes de l'ex-armée allemande, mon père a finalement été ramené en train vers la Belgique et est arrivé le 8 mai 1945 à Neufchâteau.
 
C’est ce moment de libération et de renouveau que nous célébrons aujourd’hui, le 8 mai 1945, la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. C'est une date qui résonne profondément dans nos cœurs, car elle marque la victoire de la liberté sur l'oppression, de la paix sur la violence, et de l'espoir sur la désolation. Nous voulons honorer le courage et le sacrifice de millions d'hommes et de femmes qui ont lutté sans relâche pour défendre nos valeurs et notre liberté. Parmi eux se trouvaient nos pères, nos grands-pères, nos frères, nos voisins, qui ont enduré l'horreur des combats, la souffrance des blessures, et la cruauté de la captivité.
 
Je pense bien sûr tout particulièrement à mon propre père, prisonnier de guerre pendant cinq longues années, comme une centaine de milliers de jeunes belges. Son histoire personnelle est le reflet de tant d'autres, une histoire marquée par la résilience, la solidarité et l'espoir. Son courage et sa détermination, tout comme ceux de nombreux autres prisonniers de guerre, sont encore aujourd’hui des sources d'inspiration pour nous tous. Pourtant, Papa n’a jamais voulu nous parler de cette période. C’était un sujet tabou à la maison, comme s’il cherchait à croire que ce n’était pas arrivé.
 
Aujourd'hui, en tant qu'échevin de notre commune rurale et au nom de celle-ci, je ressens le devoir et l'honneur de perpétuer le souvenir de ces héros, de ces hommes et de ces femmes qui ont tout donné pour que nous puissions vivre dans un monde meilleur. Leur sacrifice ne doit jamais être oublié.
 
En ce jour de mémoire, alors que la guerre est aux portes de notre Europe, engageons-nous à préserver et à défendre les idéaux de paix, de liberté et de démocratie pour lesquels tant de personnes ont combattu et sont mortes. Œuvrons sans relâche pour un avenir où les guerres seront remplacées par le dialogue, où les différences seront célébrées plutôt que combattues, et où la solidarité et la compassion seront les fondements de notre société.
 
Ma chanson se termine par ces mots :
 

On ne s’est pas souvent parlé

Ça n’se fait pas d’montrer ses sentiments

Mais sache que ta plus grande liberté

Est d’avoir pu y éduquer tes enfants

T’avais 25 ans en l’an 40

T’as rencontré la femme de ta vie

T’as réussi à la surprendre

À l’emmener en blanc à la mairie

 
Je vous remercie.